Mon travail m’amène à me déplacer assez fréquemment en avion, ce qui m’a permis de fréquenter nombre d’aéroports, petits et grands, que ce soit au Canada ou à l’étranger. J’avoue que j’ai une préférence pour les petits avions, car on a vraiment l’impression de voler et on peut apprécier davantage le paysage. J’aime aussi découvrir les aérodromes un peu excentriques, car les grands aéroports internationaux ont tendance à tous se ressembler. Je souhaite partager avec vous le secret d’un de ces aérodromes insolites, l’aéroport Billy Bishop nommé en l’honneur d’un des plus célèbres pilotes de chasse de la grande guerre. Outre cette référence à un conflit qui semble déjà si lointain, ce petit aéroport est chargé d’histoire.
Aménagée sur une petite île située directement en face du centre-ville de Toronto, la piste principale fait penser à un porte-avion. Les approches et l’envol s’effectuent au-dessus de l’eau du vaste lac Ontario. Pour accéder au centre-ville tout près, on prend soit un petit traversier ou un tunnel inauguré en 2015. L’intérêt d’emprunter cet aérodrome, plutôt que l’aéroport international Pearson, est évidemment d’éviter la cohue ainsi que les embouteillages sur les autoroutes. On a l’impression de bénéficier d’un traitement VIP en évitant les files d’attente.
L’idée de construire un aéroport à cet endroit remonte à 1929, lorsque la Commission du Port de Toronto proposa à l’administration municipale des installations pouvant accueillir des avions amphibies afin de desservir les villes riveraines des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent. Retardés par la grande dépression, les travaux débutent en 1938 et lors de son ouverture en 1939, l’aérodrome reçoit le nom de Port George VI Island Airport en l’honneur du souverain britannique de l’époque. Désignée monument historique en 1989, l’aérogare d’origine est encore présente sur l’île mais n’est plus utilisée à cette fin. Fermé au public, ce vénérable bâtiment aurait bien besoin d’une bonne restauration pour retrouver son lustre d’antan.
Peu de temps après son ouverture, les opérations civiles de l’aéroport cessent lorsque le gouvernement canadien réquisitionne l’île en 1940. L’aéroport est aménagé pour recevoir une base d’entraînement de l’aviation royale norvégienne et l’île est rapidement surnommée «Little Norway». Peu de temps avant le déclenchement de la guerre, le gouvernement norvégien avait commandé pour près de 20 millions de dollars d’avions aux USA. Ces appareils, jamais livrés en Norvège, seront plutôt dirigés vers la «Petite Norvège».
Disposant ainsi de chasseurs Curtiss P-36 Hawk, de bombardiers légers Douglas et d’avions de patrouille Northrop, c’est au Canada que l’armée de l’air norvégienne renaît. Des avions de formation Fairchild Cornell et North American Texan viendront compléter cette flotte. En 1942, un second centre d’entraînement norvégien est ouvert à Muskoka, situé à 200 km au nord de Toronto. Afin de ne plus incommoder les résidents de Toronto avec le bruit des vols d’entraînement, le transfert de tous les appareils norvégiens s’effectue en 1943 vers Muskoka. Les installations de Toronto seront cédées à la Royal Canadian Air Force (RCAF) jusqu’à la fin de la guerre.
Le retour à la vie civile du Port George VI Island Airport, sera marqué par une longue période d’utilisation par de petits avions et hydravions privés. Ce n’est qu’à la fin des années 1970 que l’intérêt commercial pour ce petit aéroport renaît avec l’avènement de l’ADAC DHC Dash 7 conçu et fabriqué à Toronto. Grâce à cet avion silencieux et s’accommodant de courtes pistes, le «Toronto Island Stolport» marquera une nouvelle page de l’histoire de l’aviation canadienne. Le concept d’Adacport (Stolport en anglais) va se concrétiser en 1982 lors de l’inauguration de vols commerciaux vers l’aéroport de Cartierville à Montréal, reliant ainsi directement les centres villes des deux métropoles canadiennes.
Renommé Billy Bishop Toronto City Airport en 2009, ce petit aéroport ne cesse de faire de nouveaux adeptes et les vols commerciaux y sont dorénavant assurés par des appareils Bombardier Q-400 volant sous les couleurs des entreprises Porter et Air Canada Express. Malgré une aérogare moderne inaugurée en 2010, l’ambiance d’une autre époque subsiste à cet aéroport insolite où l’on peut observer une réplique grandeur nature du Nieuport 17 de Billy Bishop.
En savoir plus sur avionslegendaires.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.