Deux monoréacteurs noirs volent à vitesse subsonique au ras des flots en direction de plusieurs navires de guerre de Sa Majesté, pourtant à bord personne n’a détecté leur approche et l’attaque est désormais imminente. Sommes nous dans les années 1980 au large des Malouines alors que des Dassault Super Étendard se préparent à frapper la Royal Navy ? Non simplement en Manche, au large du cap Lizard et les avions en questions sont des jets d’entraînement BAe Hawk T Mk-1 appartenant au discret mais efficace Squadron 736 de la Fleet Air Arm.
Héritière des traditions, et des missions, de feue la FRADU (pour Fleet Requirements and Air Direction Unit, anciennement l’unité d’entraînement aux agressions aériennes de la marine britannique) le Squadron 736 de la Fleet Air Arm a pour mission d’entraîner les équipages de la marine britannique à contrer tous types de menaces aériennes ennemies.
Et les attaques dont la marine britannique a été victime aux Malouines démontrent bien que cette unité est nécessaire. Seule véritable escadrille d’Agressors existant dans une aéronavale hors l’US Navy, le Squadron 736 bénéficie depuis sa refondation en 2013 de huit Hawk T Mk-1 et quatre T Mk-1A dont la mission première est de simuler des avions ennemis. Appareils de combat ou de guerre électronique les petits monoréacteurs sont capables de tout représenter.
Mais qu’il semble loin désormais le temps où la FRADU alignait de vrais avions d’armes et non des jets d’entraînement. A sa constitution en décembre 1972 l’unité s’appuie sur des avions de combat dont certains ont été transférés de la Royal Air Force : deux chasseurs embarqués De Havilland Sea Vixen FAW Mk-2, douze bombardiers transformés en avions de remorquage de cibles et d’entraînement à la guerre électronique English Electric Canberra T Mk-4 et TT Mk-18, et douze chasseurs monoplaces Hawker Hunter GA Mk-11. Bon OK ! Les deux Sea Vixen ne resteront en dotation que deux ans, vite remplacés par des Canberra T Mk-22 d’entraînement à la reconnaissance stratégique et à l’espionnage aérien, mais au moins ces avions auront permis de former au mieux les équipages. Ou pas d’ailleurs.
Ces aéronefs permettent de surtout simuler au mieux des tirs de torpilles, des attaques aériennes à la roquette et à la bombe lisse. Mais les missiles antinavires, pourtant apparus durant la Seconde Guerre mondiale sont encore considérés outre-Manche comme trop balbutiants pour être enseignés, et donc simulés par les formateurs de la FRADU. Lors des exercices de l’OTAN les marins britanniques découvrent pourtant ces armes à bord des navires américains, canadiens, et français. Même leur destroyers en emportent. Et pourtant la FRADU s’en désintéresse copieusement. Grand mal va leur en être donné.
Lorsque l’attaque aérien argentine contre le destroyer HMS Sheffield survient le 4 mai 1982 c’est un choc sans précédent dans la population britannique. Sa surpuissante marine de guerre, celle-là même qui avait tenue tête aux plus grands despotes de l’Histoire, de Napoléon Bonaparte à Hitler, se faisait tout à coup défaire par un ennemi jugé pourtant très largement inférieur. De l’autre côté du « Channel« , le fait que l’avion tireur et le missile lancé soient de facture française était même passé au second plan.
À l’Amirauté, on commence à remettre en question l’enseignement dispensé par les experts de la FRADU. Ça serait même une épuration dans les règles de ses cadres et des différents pilotes qui la composent. Il faut faire place nette, repartir de zéro pour repenser les doctrines. Entre juillet et novembre 1982, le personnel de l’unité est changé à 90%, même les mécanos font leurs bagages. La mise en retraite des Canberra T Mk-4 et T Mk-22 est désormais dans les cartons. Elle sera effective entre 1985 et 1986 sans pour autant que ces avions soient remplacés.
On envisage alors deux solutions : obtenir par rétrocession des Phantom FG Mk-1 appartenant à la Royal Air Force ou louer des avions supersoniques à l’étranger, oui mais lesquels ? Pas question de demander aux Américains des Grumman F-14 Tomcat, ils sont bien trop onéreux, quand au tout nouveau McDonnell Douglas F/A-18A Hornet le Pentagone ne le propose pas à la location… mais à la vente. Il reste alors le Super Étendard français subsonique donc trop lent. Et puis l’avion jouit d’une très mauvaise réputation outre-Manche depuis les Malouines. Quand à la première solution elle se heurte au refus pur et simple des généraux de la RAF.
Une société privée britannique, Flight Refuelling Aviation, propose alors de louer à la Royal Navy des jets d’affaire Dassault Falcon 20G largement modifiés afin de pouvoir simuler tous les types de missiles antinavires au monde et notamment les redoutables AGM-84 Harpoon américains et AM-39 Exocet français.
Désormais les biréacteurs d’origine française vont faire pleinement partie de l’ensemble des exercices navals et aéronavals britanniques.
Tandis que le début des années 1990 est marqué par le retrait des derniers Canberra TT Mk-18, l’état-major britannique décide d’acquérir sur fonds propres huit Hawk T Mk-1 identiques à ceux équipant les écoles de pilotages de la RAF. Ce jet d’entraînement économique remplacera parfaitement tous les avions en dotation dans l’unité. La fin de la guerre froide est aussi le début d’une baisse drastique des budgets de défense.
Le Royaume-Uni peut-il encore disposer d’une unité aéronavale d’Agressors ? Oui mais pas à n’importe quel prix.
Au printemps 1995, on décide donc de retirer du service les derniers Hunter GA Mk-11, des avions ayant pourtant alors encore un certain potentiel. Désormais fini aussi les livrées chatoyantes : les Hawk de la FRADU sont uniformément gris, et ternes.
Désormais l’époque est aussi à l’interopérabilité, un mot devenu à la mode. Au Royaume-Uni on parle aussi, encore timidement certes mais de manière bien réelle, de la naissance d’une future Europe de défense. La FRADU est donc parfois « prêtée » aux marines alliées, et notamment à la Marine Nationale.
Au début des années 2000 ses Hawk T Mk-1 sont même engagés pour simuler une attaque contre le porte-avions nucléaire Charles de Gaulle, mais ils sont bien vite interceptés par les Dassault Rafale M du bord.
Le noir brillant remplace le gris terne sur les avions, l’élégance de Savile Row rhabille ces jets.
En juin 2013, la FRADU fut dissoute et ses missions reprises par le Squadron 736 de la Fleet Air Arm, une unité en sommeil depuis 1972 et qui avait auparavant comme rôle d’assurer la transformation opérationnelle des futurs pilotes d’avions de combat embarqués. Pour autant les huit Hawk T Mk-1 demeurent, rejoints par quatre Hawk T Mk-1A dotés d’équipements de simulations d’attaque électronique de dernier cri.
De nos jours le Squadron 736 est une unité dont le rayonnement est international. Les Britanniques n’hésitent pas d’ailleurs à mettre en avant, et pour cause, l’excellence de la formation dispensée par cette unité. L’incident de l’USS Donald Cook, survenu au printemps 2016, aura été à coup sûr largement analysé, décortiqué, et enregistré par les formateurs de la Royal Navy. C’est d’ailleurs presque un cas d’école.
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