Voilà un des épisodes les plus mal connues de l’histoire contemporaine. Cinquante ans après, beaucoup de zones d’ombre subsistent sur les motivations réelles de l’état-major israélien dans sa volonté d’attaquer un navire de soutien de l’US Navy se trouvant dans les eaux internationales. L’USS Liberty (AGTR-5) n’était en rien un navire de guerre, pourtant en ce début d’après-midi du 8 juin 1967 il fut attaqué par l’aviation et la marine israéliennes, causant la mort de 37 marins de tous grades. Assez étrangement cet incident n’eut pas de très lourdes répercussions sur les relations diplomatiques naissantes entre ces deux pays.
En ce printemps 1967 l’état hébreu avait en effet quitté la sphère d’influence française, suite à l’embargo militaire décidé par le Président de la République Charles de Gaulle après les guerres israélo-arabes. Le pays avait donc rejoint celle des États-Unis, poussée en cela par des intérêts religieux. Cependant à Washington-DC certains voyaient d’un mauvais œil la volonté israélienne de jouer aux gendarmes du Proche-Orient et de vouloir guerroyer avec tous ses voisins.
C’est pour cette raison que depuis l’année 1965 la marine américaine avait déployé au large des côtes israéliennes un de ses navires de surveillance, l’USS Liberty (AGTR-5). Ancien Victory Ship ce bâtiment de 139 mètres de long pour 19 de large n’avait rien d’une menace directe. Son armement se limitait à quatre mitrailleuses M2 de calibre 12.7mm amovibles. En fait, il s’agissait surtout d’un bâtiment destiné à écouter et observer, au radar notamment, des cibles à terre. Et dans ce cas présent les Américains observaient de près les déplacements de l’aviation israélienne.
Tout commença ce 8 juin 1967 à 5 heures 46 du matin par le survol du navire américain par un bimoteur de surveillance maritime Nord N.2501 Nortlas de l’aviation israélienne. Pour l’officier de commandement de l’avion la position de l’USS Liberty n’a rien de surprenante, il en avise cependant son état-major par radio. Il fait mention du fait que des marins du bord lui ont même fait signe de la main. Le jeu du chat et de la souris entre l’aviation israélienne et le navire de surveillance américain n’était qu’un pur jeu de dupes.
Quelques heures plus tard, à 8 heures 30 du matin, le pacha du navire américain, le commandant William L. McGonagle, fit ordonner qu’on hisse, comme chaque matin le drapeau américain sur le mât de poupe. D’une superficie de 3.5 m² celui-ci était visible et reconnaissable de loin. Le reste de la matinée se déroula sans accroc particulier, la météo était plus que clémente.
Peu après 14 heures les deux matelots de vigie repérèrent deux avions de combat volants à moyenne altitude et fonçant vers le bâtiment américain. Ils reconnurent immédiatement des Dassault Mirage III-CJ, un des meilleurs jets de l’époque. Dans le même temps ils aperçoivent deux autres avions, volants eux à très basse altitude, quelques mètres seulement au-dessus des flots. Ils n’eurent pas le temps de les identifier que ces derniers tiraient au canon contre l’USS Liberty. Les deux avions en question étaient des Dassault Mystère IV-A.
Immédiatement le commandant McGonagle ordonna de mettre l’USS Liberty au poste de combat. Les quatre mitrailleuses M2 furent fixées et l’une d’elle commença même à tirer contre les assaillants. Dans le même temps les Mirage III-CJ s’alignèrent pour ouvrir le feu à leur tour, au canon mais aussi à l’aide de paniers lance-roquettes. Les deux radars principaux du navire mais aussi trois des quatre postes de tir furent rapidement détruits.
C’est alors que les deux Mystère IV-A montèrent en altitude et larguèrent des bombes, dont au moins deux étaient incendiaires, sur le pont du bâtiment américain.
Simultanément l’opérateur radio du bord eut le temps d’aviser l’US Navy des faits. A plusieurs centaines de kilomètres de là l’équipage du porte-avions USS Saratoga (CV-60) fut mis lui aussi en alerte. Les chasseurs McDonnell F-4B Phantom II et les avions d’attaque Douglas A-4C Skyhawk furent armés dans l’urgence avec pour ordre de descendre les avions israéliens, et si besoin est de mener une frappe de ripostes. Six Douglas A-1H Skyraider d’attaque et deux EA-1E de guerre électronique furent quant à eux catapultés de l’USS America (CV-66) croisant lui aussi dans la région.
À bord de l’USS Liberty les marins américains vivaient un véritable enfer. Depuis les côtes israéliennes deux hélicoptères Sud SA-321 Super Frelon avaient pris les airs avec une quarantaine de commandos à bord. Ces derniers avaient pour ordre de se rendre maître du navire. Au même moment trois vedettes lance-torpilles tirèrent sur le navire en feu, l’une des torpilles le frappa sur tribord à moins d’un mètre sous la ligne de flottaison. Le bâtiment de surveillance prenait désormais du gite, inondant au passage le compartiment radio et tuant l’opérateur. Le navire était désormais sourd et muet.
Les marins américains ignoraient de ce fait que leur aéronavale avait décollé et se dirigeait vers eux. Douze avions lourdement armés les rejoignaient à toute vitesse. Alors que trois radeaux pneumatiques de survie sont mis à l’eau, deux sont mitraillés par les pilotes des Mirage III-CJ et le troisième est récupéré par l’équipage d’une des vedettes lance-torpilles.
Peu avant 15 heures alors que les deux Super Frelon orbitaient au-dessus du bâtiment incendié et que les deux Mystère IV-A les protégeaient à l’aide de leurs canons, le raid aérien fut annulé et chacun regagna paisiblement sa base israélienne. Les trois vedettes rejoignirent leur port-base. Il semble en fait que les radars de défense aérienne aient repéré la flottille aérienne qui fondait sur les avions de Heyl Ha Avir.
Ironie du sort les deux Douglas EA-1E furent les premiers avions américains à survoler l’USS Liberty. Ils furent rejoints rapidement par les McDonnell F-4B. Seulement il ne restait plus aucun aéronef israélien à abattre. L’état-major américain rappelle alors ses avions de combat tandis que des hélicoptères de sauvetage Sikorsky HH-19A Chickasaw et HH-34G Seahorse sont déployés sur zone.
Le bilan humain du raid de l’aviation israélienne contre l’USS Liberty est effroyable : 34 marins américains, du matelot à l’officier, ont été tués. Les blessés sont au nombre de 174 dont quatre termineront leur vie paraplégiques. Pour une équipage total de 358 hommes c’est un lourd bilan.
Dans le même temps débute le pendant diplomatique de l’affaire. Alors que l’ambassadeur israélien à Washington-DC se confond en excuses, tous les alliés des États-Unis condamnent cette attaque. En France, la présidence de la république la qualifie alors de lâche et incompréhensible. À Londres certaines voix exigent des répercussions économiques contre Tel-Aviv.
Pourtant le 10 juin 1967 le Président des États-Unis Lyndon Johson déclare accepter les excuses israéliennes. L’état hébreu s’engage alors à verser la somme de 15 millions de dollars sur quinze ans afin de prendre en charge les soins des blessés. Au final les versements s’élevèrent à 13 millions sur quatorze ans.
Il fallut plus de trois mois pour ramener l’USS Liberty jusqu’à la base navale de Little Creek en Virginie, via l’île de Malte. En juin 1968, un an après le drame il fut désarmé et envoyé à la ferraille.
Après lui plus aucun navire américain ne fut baptisé USS Liberty.
Aujourd’hui encore les raisons de ce raid aérien restent obscures. Les Israéliens ont-ils voulu faire une démonstration de leur puissance aérienne ? Était-ce une erreur d’appréciation de la nationalité du navire ? L’état-major de Tsahal craignait-il que les marins américains aient découvert quelque chose qu’ils n’auraient pas dus ? Autant de questions et bien d’autres que bon nombre d’historiens se posent encore de nos jours.
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