La Finlande évoque les troupeaux de rennes en transhumance dans l’immensité de la Laponie, le soleil de minuit, la capitale Helsinki sur la mer et le hockey. Au-delà de ces clichés, la Finlande demeure assez méconnue hors de l’Europe. Quelques excellents hockeyeurs finlandais œuvrant dans des équipes professionnelles nord-américaines sont certes des vedettes ici, mais ce pays scandinave demeure bien mystérieux. Au récent Championnat du monde de hockey junior, l’équipe nationale de Finlande a battu celles du Canada et de la Russie pourtant considérées comme des superpuissances du hockey. Ce n’est toutefois pas la première fois que le courage et la détermination des Finlandais surprend des adversaires plus puissants qu’eux. L’opiniâtreté de ce peuple fut sans doute façonnée par son histoire et son climat nordique.
D’abord partie du royaume de Suède pendant des siècles, la Finlande sera un territoire où empires suédois et russe s’affronteront. La Finlande passe finalement sous la souveraineté de la Russie en 1809, en tant que Grand-Duché autonome. Des tentatives infructueuses de russification du Grand-Duché naîtront le mouvement nationaliste finlandais. Profitant de la révolution bolchévique, la Finlande déclare son indépendance en décembre 1917. Mise sur pied dès mars 1918, l’armée de l’air finlandaise, la Suomen ilmavoimat, est immédiatement engagée dans la guerre civile finlandaise qui se termina par la défaite des «rouges» soutenus par la Russie soviétique. L’un des premiers avions de la jeune Suomen ilmavoimat fut un Thulin Typ D, version suédoise du Morane-Saulnier Parasol, qui arborait un svastika bleu, signe porte-bonheur de son donateur privé. Cet antique symbole de bon augure, fut dès lors adopté comme cocarde par la Suomen ilmavoimat.
Coincé entre deux dictatures expansionnistes, l’une hitlérienne et l’autre stalinienne, le courage des Finlandais sera de nouveau mis à rude épreuve durant la Seconde guerre mondiale. Sous prétexte d’un désaccord territorial concernant des îles du golfe de Finlande, l’URSS attaque son voisin nordique le 30 novembre 1939. S’ensuivra la guerre d’Hiver qui va se transformer en désastre militaire pour l’URSS face à la résistance acharnée des soldats finlandais, qui alignent pourtant des effectifs quatre fois inférieurs. Également réduits en nombre, les seuls avions conséquents dont dispose la Suomen ilmavoimat sont 35 chasseurs Fiat G.50 Freccia, une trentaine de biplans Gloster Gladiator, une centaine de chasseurs Fokker D XXI et environ 70 bombardiers légers Bristol Blenheim. Afin d’éviter qu’ils ne soient détruits au sol par les bombardiers soviétiques, les Finlandais vont disperser leurs avions, dont plusieurs munis de skis, dans la nature.
La France se porta rapidement au secours de la Finlande en lui promettant cinquante chasseurs Morane-Saulnier MS.406, dont une trentaine fut livrée dès janvier 1940. Les pilotes finlandais abattront 134 avions soviétiques avec ces chasseurs français, pour une perte de 15 appareils. Durant la Guerre d’hiver, la Suomen ilmavoimat comptera en tout près de 220 avions soviétiques à son tableau de chasse, pour la perte de 47 des leurs. La DCA finlandaise abattit également 314 avions ennemis durant ce court conflit. Malgré les appels à l’aide de la Finlande auprès de la Grande-Bretagne, de la France et de la Suède, aucun de ces pays n’y dépêcha des troupes. Nonobstant une résistance héroïque, la Finlande fut donc contrainte de signer le Traité de Moscou le 12 mars 1940. Par cet accord de paix, la Finlande céda à l’URSS la quasi-totalité de la Carélie, soit son cœur industriel d’alors, y compris Viipuri, la deuxième ville du pays. Suite à cette amère déception, la Finlande se tourna du côté de l’Allemagne ce qui mènera à la signature, en octobre 1940, d’un accord de coopération économique et militaire. Afin de financer l’achat de matières premières, l’Allemagne fournira à la Finlande une cinquantaine de Morane-Saulnier MS.406 et quelques douzaines de Curtiss H. 75 Hawk, saisis après la défaite de la France.
Lorsque l’Allemagne attaque l’URSS en juin 1941, la Finlande passe à l’offensive pour reconquérir ses territoires cédés depuis peu à l’URSS. Selon l’adage, l’ennemi de mon ennemi est mon ami, la Finlande devient un allié de facto de l’Axe sur le front de l’Est. Avant le déclenchement de ce second conflit avec l’URSS, nommé Guerre de continuation, la Finlande avait eu le temps de renforcer la Suomen ilmavoimat qui comptait dorénavant 550 avions. Parmi les appareils acquis de l’étranger, une quarantaine de chasseurs Brewster B-239 vont particulièrement se distinguer durant ce conflit qui va perdurer jusqu’en 1944. Non navalisé et conséquemment allégé, la version finlandaise du Brewster Buffalo sera particulièrement meurtrière pour les avions soviétiques. Faciles à piloter, très robustes, dotés d’un long rayon d’action et particulièrement manœuvrables, les Brewster B-239 obtiendront des résultats étonnants aux mains des pilotes finlandais. Durant la Guerre de continuation, les pilotes de ces chasseurs en apparence lourdauds, vont revendiquer la destruction de près de 500 avions ennemis, pour la perte de seulement une vingtaine de B-239 en combat.
Durant ce deuxième affrontement avec l’Armée rouge, la Finlande récupère les territoires perdus et poursuit son offensive jusqu’en Russie. L’armée finlandaise arrêta toutefois sa poussée au lac Onega, et ne coupa jamais la ligne de chemin de fer de Mourmansk, ni n’attaqua Leningrad, malgré les demandes répétées d’Hitler. Bien que les bombardiers soviétiques aient bombardé plusieurs villes finlandaises durant la Guerre d’hiver, la Suomen ilmavoimat évitera de bombarder des cibles civiles russes durant la Guerre de continuation. En 1942, l’Allemagne va tout même fournir à la Finlande une quinzaine d’obsolètes Dornier Do 17 et, à compter de 1943, 24 Junkers Ju 88 ainsi que 160 chasseurs Messerschmitt Bf 109 essentiels pour faire face aux chasseurs soviétiques de dernière génération. Les pilotes de chasse finlandais revendiquèrent 663 victoires avec leurs Messerschmitt Bf 109, pour seulement 34 pertes dans leurs rangs. Durant la même période, la Suomen ilmavoimat commença à aligner une cinquantaine de chasseurs VL Myrsky, conçus et produits en Finlande. Moins performants que les Bf 109 allemands, ils connaîtront peu de succès.
Constatant le retournement de la situation militaire pendant l’été 1943, l’Allemagne se prépare à une possible paix séparée entre la Finlande et l’URSS. La Wehrmacht déplace donc ses troupes au nord de la Finlande afin de protéger les essentielles mines de nickel, près de Petsamo. En 1944, l’Armée rouge perce le front mais la Finlande défend à nouveau avec acharnement son territoire, ce qui contraint l’URSS à signer un armistice le 19 septembre 1944. Cet accord russo-finlandais stipule toutefois que les troupes de la Wehrmacht doivent quitter la Finlande. Après un ultimatum d’évacuation signifié à l’Allemagne, l’armée finlandaise attaque la Wehrmacht dont des effectifs sont encore stationnées dans le nord de la Finlande. Les pilotes de la Suomen ilmavoimat vont ainsi effectuer leurs dernières missions de chasse contre la Luftwaffe durant la Guerre de Laponie. Non sans livrer combat, l’Allemagne va finalement retirer ses troupes, au printemps 1945, vers la Norvège encore occupée.
La plus efficace parmi les armées de l’air durant la Seconde guerre mondiale, la Suomen ilmavoimat abattit plus de 1 600 avions soviétiques, au coût de 210 appareils de son côté. Alors qu’à son apogée, elle n’a pas aligné plus de 200 chasseurs modernes en état de voler, l’armée de l’air finlandaise a compté près d’une centaine d’as. Hors des rangs de la Luftwaffe, le plus grand as de chasse sera d’ailleurs un Finlandais avec 94 victoires à son actif, soit Ilmari Juutilainen. Il débuta sa carrière durant la Guerre d’hiver en abattant deux avions ennemis aux commandes d’un Fokker D XXI. Durant la Guerre de continuation, Juutilainen deviendra un des grands as parmi les pilotes de Brewster B-239 en abattant 34 avions soviétiques, n’étant surpassé que par Hans Wind avec 75 victoires sur B-239. Aux commandes d’un Messerschmitt Bf 109 à compter de 1943, Juutilainen ajoutera 58 victoires à son tableau de chasse.
Malgré la ténacité de son armée et les prouesses de ses aviateurs, la Finlande sort ruinée et ravagée de ces trois conflits, mais la Guerre de Laponie portera ses fruits. Ayant refusé d’adhérer aux pratiques antisémites nazies, la plupart des demandeurs d’asile juifs étant même accueillis dans le pays, cela joua également en sa faveur de la Finlande auprès des Alliés. La Finlande échappe ainsi de peu à une annexion pure et simple à l’URSS, comme ses voisins baltes. Elle sera toutefois amputée non seulement de la Carélie, mais aussi de territoires supplémentaires dans la région de Petsamo. Bien qu’elle doive payer de lourdes réparations à l’URSS, suite au traité de paix signé à Paris en février 1947, la Finlande sauve au moins son indépendance. Dès lors, la Finlande sera également contrainte à une neutralité stricte. Cela se manifesta notamment par l’achat d’avions militaires aussi bien soviétiques, qu’européens ou américains. Trop associé aux horreurs hitlériennes, le svastika sera remplacé par l’actuelle cocarde ronde bleue et blanche de la Suomen ilmavoimat. Ainsi durant les années de la Guerre froide, l’armée de l’air finlandaise va aligner côte à côte ses premiers chasseurs à réaction De Havilland D.H.100 Vampire et MiG-15, suivis d’appareils Saab J35 Draken et MiG-21.
Après la chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’URSS, la Finlande fait l’acquisition d’une soixantaine d’avions de combat multirôle McDonnell-Douglas F/A-18 Hornet qui constitue encore aujourd’hui le fer de lance de la Suomen ilmavoimat, toujours prête à défendre âprement le ciel finlandais. Courtisée par l’OTAN, la farouche Finlande préfère encore sa liberté.
Finalement, il ne me reste qu’à lever mon verre de vodka Finlandia tout en disant hienoa à la longue tradition d’excellence de la Suomen ilmavoimat et, en bon prince, aux nouveaux champions mondiaux de hockey junior !
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