Il existe comme ça des noms qui font immédiatement rêver. La Patrouille de France est de ceux là. Que l’on soit ou non versés dans la passion des choses de l’air elle rappelle forcément des souvenirs d’enfance. Des survols de plage l’été, des défilés du 14 juillet à la télé, ou encore de grands évènements nationaux. La Patrouille de France nous accompagne toutes et tous depuis toujours. Elle fait partie de nos vies. Mais la connaissons nous vraiment ? Saviez-vous par exemple qu’elle a été basée officiellement de l’autre côté du Rhin ? Ou encore qu’elle a commencé son existence sur monoplan avant de passer sur biplan quelques années plus tard ?

D’abord son véritable nom est Patrouille Acrobatique de France, d’où l’acronyme PAF. Patrouille de France n’est donc qu’un surnom qui a été officialisé. Ensuite elle ne s’est pas toujours appelée ainsi. Elle tire en effet ses origines de la Patrouille d’Étampes , installée à l’origine sur le champ d’aviation d’Étampes-Mondésir. C’est là qu’en 1931 le capitaine Amouroux et les adjudants-chefs Carlier et Dumas la fondent. Ils appartiennent alors tous trois à l’école de perfectionnement de l’Aéronautique Militaire stationné sur ce terrain. Leurs premières démonstrations publiques ont lieu sur monoplans parasol d’entraînement Morane-Saulnier MS.230. Il s’agit alors de la première véritable patrouille française de présentation. Les trois pilotes font leurs démonstrations aussi bien auprès des militaires que des civils. Par la suite c’est le capitaine Fleurquin qui renforcera la Patrouille d’Étampes et qui lui adjoindra un avion plus adapté selon lui, le MS.225 du même constructeur. En 1937 elle devient Patrouille de l’École de l’Air après son déménagement pour Salon-de-Provence. L’année suivante elle se produit pour la première fois au-dessus de Marseille. Encore un an de plus et elle est mise en sommeil : l’Allemagne nazie vient d’envahir la Pologne. La Seconde Guerre mondiale stoppe nette son aventure.
Le retour à la paix en 1945 laisse présager de la renaissance d’une patrouille acrobatique. L’époque est à la confiance retrouvée. La bombe atomique d’Hiroshima et la protection de la toute puissante Amérique redonnent de l’espoir aux Français. En 1947 le ministère de l’Air confie au capitaine Perrier, un vétéran de la Patrouille de l’École de l’Air la charge de créer une escadrille de présentation de l’Armée de l’Air. Celle-ci évolue alors sur biplans d’entraînement Stampe SV-4B. Malgré une maniabilité incontestable le petit avion d’origine belge ne suffit pas à émerveiller le public français. Il veut des avions à réaction !

Au printemps 1952 le commandant Delachenal, en poste au sein de la 3e Escadre de Chasse, monte de toutes pièces une formation à quatre chasseurs Republic F-84G Thunderjet. Ils se produisent à droite à gauche. Le 17 mai 1953 un meeting a lieu à Maison-Blanche (aujourd’hui Dar El Beïda) en Algérie. Le speaker est alors le pilote et journaliste Jacques Nœtinger s’emballe et parle de la «Patrouille de France» à propos de ces quatre jets. Le public acclame, l’état-major de l’Armée de l’Air valide. Elle vient de naître.
Bizarrement commence alors pour elle une décennie de fortes incertitudes. D’abord rattachée donc à la 3e Escadre de Chasse stationnée sur la Base Aérienne 112 de Reims elle passe ensuite sous le contrôle de la 2eEscadre de Chasse sur la Base Aérienne 102 de Dijon-Longvic puis sur la Base Aérienne 103 de Cambrai lorsque c’est la 12e Escadre de Chasse qui se charge d’elle. La Patrouille de France fait alors le yo-yo. Il y a de quoi en perdre son latin. Ensuite petit passage par la Base Aérienne 136 de Bremgarten en République Fédérale d’Allemagne avant de revenir à Dijon-Longvic pour mieux repartir vers la Base Aérienne 133 de Nancy-Ochey où s’est installée la 4e Escadre de Chasse. L’année 1964 marque finalement son déménagement vers Salon de Provence, qui demeure aujourd’hui encore son nid.


Cette décennie de pérégrinations dans l’est de la France, et jusqu’en Allemagne de l’Ouest, va être aussi synonyme d’instabilité technologique. Entendez par là que les Republic F-84G Thunderjet d’origine laissent rapidement la place à d’autres avions. Ils ont alors comme points communs d’être de conception et de construction française puisque sortant des bureaux d’études et usines de Dassault puis de Fouga. De 1954 à 1956 inclus c’est sur chasseur MD.450 Ouragan que la Patrouille de France vole. Cette dernière année on s’essaye même à un nouveau schéma de peinture : l’empennage est entièrement peint aux trois couleurs du drapeau. Mais tout est à refaire l’année suivante puisque c’est désormais sur MD.454 Mystère IV qu’elle passe. La livrée demeure globalement celle d’un avion de chasse classique, à peine réhaussée de bandes tricolores discrètes. L’époque Mystère IV sera aussi celle du début de l’excellence. La formation enchaine les figures de plus en plus complexes. L’année 1964 et l’arrivée à Salon de Provence marque la fin de la période sur chasseur et le début sur avion d’entraînement.

C’est la naissance de l’époque du Fouga CM.170 Magister, l’avion vedette de la Patrouille de France, un de ses symboles même. De 1964 à 1970 inclus les avions conservent leur livrée grise d’origine seulement modifiés par des aplats tricolores sur l’intrados de fuselage et de voilure et par un empennage papillon totalement tricolore. L’idée de l’Ouragan de 1956 a refait surface. Les Magister, les Fouga comme les appelle le public, deviennent des vedettes. Les actualités de l’ORTF (ancêtre de l’actuelle France Télévision) font l’écho des exploits des pilotes de la Patrouille de France. L’été 1971 marque une évolution historique : la Patrouille de France possède désormais sa propre livrée. Si l’empennage tricolore subsiste l’ensemble de l’avion est peint en bleu de France signé d’une bande blanche et du logo de la formation, représenté sous le poste de pilotage avant.
Désormais donc la Patrouille de France possède sa propre identité visuelle. En fait c’est un énorme coup médiatique car dans ce début des années 1970 la télé couleur, le poste de télévision comme on dit alors, s’est généralisée dans les foyers français. Le bleu du Fouga Magister explose donc sur les écrans. Les prouesses des pilotes braquent les flashs des projecteurs sur eux. On commence à s’intéresser à l’homme dans la machine. Les pilotes de Fouga Magister bleus sont alors majoritairement des pilotes de Dassault Mirage III et de North American F-100 Super Sabre. En 1978 alors que ce dernier quitte le service actif la société Dassault-Breguet fait voler le démonstrateur technologique Mirage 2000A. Certains rêvent alors dans la France giscardienne d’un retour de la Patrouille de France sur avion de chasse. Leurs espoirs seront douchées l’année de l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République. Alors que les Français découvrent le TGV ils voient aussi disparaitre les Fouga bleus remplacés par des avions franco-allemands.
L’ère du Dassault-Breguet / Dornier Alpha Jet E vient de débuter. L’avion est radicalement différent. Plus manœuvrable, moins bruyant, il reprend les codes de l’avion de chasse. Surtout avec lui apparait une nouvelle livrée, l’avion de la Patrouille de France devient un drapeau tricolore du ciel. Surtout le pouvoir politique a compris la force de cette formation. Désormais elle ouvre et clot le défilé du 14 juillet, désormais elle participe aux grands évènements qui vont marquer la France. En juin 1984 François Mitterrand décide d’organiser en grandes pompes le 40e anniversaire du Débarquement de Normandie, jusque là jamais célébré, la Patrouille de France en est. Cinq ans plus tard il fait de juillet 1989 et du bicentenaire de la Révolution un évènement planétaire, là encore la Patrouille de France en est. Le monde découvre l’Alpha Jet E, Dassault-Breguet et Dornier engrangent les contrats.


Désormais elle est synonyme de commémoration et de fête pour les Français. En 1998 l’équipe de France «black blanc beur» de Deschamps et Zidane est championne du monde de foot, la patrouille de France leur rend hommage. Vingt ans plus tard rebelote pour celle menée par Kylian Mbappé. En 2015 elle honore les victimes du terrorisme. En 2020 la France salue l’engagement de ses soignants dans la lutte contre le coronavirus Covid-19 et la Patrouille de France prend part à l’hommage. Elle participe également en juillet 2024 à la superbe cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris 2024, puis celles des Jeux Paralympiques. Elle avait déjà accueilli à Marseille la flamme olympique quelques semaines auparavant.
L’une des particularités de la Patrouille de France c’est d’avoir toujours su communiquer. Si aujourd’hui elle est championne des réseaux sociaux, afin notamment de toucher un public jeune et actif, elle a aussi pu s’entourer de parrains et de marraines qui en leur temps étaient ou sont toujours des références. On pense notamment à l’acteur Alain Delon en 1988 ou deux ans plus tard au journaliste et présentateur télé Michel Drucker. En 1993 le prince Albert de Monaco devient le premier parrain étranger. Plus proche de nous la chanteuse Carla Bruni-Sarkozy, le rugbyman Thierry Dusautoir, ou la journaliste Anne-Claire Coudray ont eu cet honneur.

La Patrouille de France ce sont neuf avions dans le ciel, ce sont aussi des figures emblématiques comme le cœur, le diamant, la flèche, ou encore le T. Le Big Nine, en anglais dans le texte, est réservé au 14 juillet au-dessus des Champs-Élysées, c’est la signature de la formation avec son célèbre panache tricolore. Beaucoup se souviennent d’un certain 14 juillet 2018 durant lequel un panache rouge remplaça un bleu, faisant le tour du monde grâce aux chaines d’infos en continue et aux réseaux sociaux. Même les meilleurs ont droit à des couacs de temps à autre.

Aujourd’hui malgré une image de marque au top du top la Patrouille de France est dans une période d’incertitude. Ses Alpha Jet E sont vieillissants et leur remplacement pose problème : on ne sait quel avion pourra prendre leur place à l’horizon 2030. Et si l’avenir passait par le turbopropulseur ?
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