Quiconque s’intéresse un tant soit peu à l’histoire et à l’actualité des hélicoptères est forcément frappé par le système de désignation des différents constructeurs qui au fil des années donnèrent naissance à l’actuel géant Airbus Helicopters. Certains y verront un problème insoluble, d’autre une véritable jungle inextricable, voire carrément un véritable capharnaüm aéronautique. Le sujet de ce dossier est donc de vous aider à mieux cerner le problème.
La saga des constructeurs français
Pour commencer faisons donc un peu d’histoire contemporaine française. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les constructeurs aéronautiques qui n’avaient pas été nationalisés par le Front Populaire du président Blum le furent par le GPRF du général De Gaulle, à l’exception notable de Bréguet et de feue la société Bloch devenue entre temps Dassault. Bizarrement ces deux là allaient s’allier bien des années plus tard pour donner naissance à l’un des fleurons de l’industrie aéronautique actuelle.
Mais revenons-en aux sociétés nationalisées. En 1945 elles sont au nombre de six, toutes s’appelant « Société Nationale de Construction Aéronautique du… » et suivait ensuite une indication géographique tels « Sud-Est », « Sud-Ouest », ou encore « Ouest ».
Ainsi apparurent :
- la SNCAC ou Société Nationale de Construction Aéronautique du Centre.
- la SNCAM ou Société Nationale de Construction Aéronautique du Midi.
- la SNCAN ou Société Nationale de Construction Aéronautique du Nord.
- la SNCAO ou Société Nationale de Construction Aéronautique de l’Ouest.
- la SNCASE ou Société Nationale de Construction Aéronautique du Sud Est.
- la SNCASO ou Société Nationale de Construction Aéronautique du Sud-Ouest.
Si certaines déposèrent rapidement le bilan, les SNCAN, SNCASE, et SNCASO surent perdurer quelque peu. Assez étrangement, elles s’orientèrent rapidement vers la conception puis la production d’hélicoptères modernes, en parallèle de leur activité sur les avions. Il faut dire que les progrès réalisés durant la guerre par les Allemands et les Américains avaient ouvert la voie à un usage militaire mais également commercial de ces drôles de machines volantes.
Les premiers hélicoptères produits en France par ces sociétés nationalisaient trahissaient le retard pris par l’industrie hexagonale. Cependant, le foisonnement créatif était également le signe d’une ingénierie française toujours aussi prompte à rebondir. Dès 1947, la SNCAN ouvrit le bal avec son prototype N-1700 Noréclic, un étrange petit monoplace qui ne dépassa pas le stade expérimental. Malgré cet échec cet hélicoptère allait représenter le premier pas vers le futur Airbus Helicopters, mais ne grillons pas les étapes.
A la même époque la SNCASO et la SNCASE travaillaient de leur côté sur d’autres programmes plus ou moins évolué, tel le SO-1100 Ariel véritable précurseur français des actuels appareils américains dotés du système NOTAR où une soufflante d’air remplace le rotor anticouple, ou encore tel le SE-3000 une copie française du Focke-Achgelis Fa-223 allemand de la Seconde Guerre mondiale, le seul hélicoptère d’assaut quasi opérationnel durant le conflit.
C’est ainsi que les hélicoptères conçus par ces trois constructeurs prirent les désignations suivantes :
- La lettre « N » suivi d’un tiret et d’un code à quatre chiffres indiquant un ordre chronologique, tel le SNCAN N-1710.
- Les lettres « SE » suivis d’un tiret et d’un code à quatre chiffres indiquant un ordre chronologique, tel le SNCASE SE-3130 Alouette II.
- Les lettres « SO » suivis d’un tiret et d’un code à quatre chiffres indiquant un ordre chronologique, tel le SNCASO SO-1221 Djinn.
Dès lors les trois constructeurs se lancèrent tous azimuts avec plus ou moins de réussite.
En 1957 le gouvernement français décida de modifier quelque peu la donne en fusionnant la SNCASE et la SNCASO au sein de la toute nouvelle Sud Aviation. La SNCAN de son côté prenait la raison sociale de Nord Aviation. Les deux constructeurs demeuraient toujours nationalisés. Cependant Paris décida de ne plus confier les programmes d’hélicoptères qu’à la seule Sud Aviation.
Qui dit changement de nom dit changement dans la règle des désignations. Fini les quatre chiffres, désormais ils seront trois. Ensuite les hélicoptères conçus par Sud Aviation verront leur désignation commencer par SA. Puis ils commenceront tous leur désignation par un « 3« . Ce chiffre symbolisait alors l’usine francilienne d’Argenteuil héritée de la SNCASE. La première famille d’hélicoptères développée par Sud Aviation prendra après le « 3 » le chiffre « 1« , la deuxième le chiffre « 2« , la troisième le chiffre « 3« , puis ainsi de suite.
Ainsi la première famille fut celle des Alouette avec notamment le SA-316 Alouette III, la deuxième famille celle des Frelon avec le SA-321 Super Frelon, la troisième famille celles de Puma avec le SA-330 Puma, et la quatrième celle des Gazelle avec le SA-342 Gazelle. Le troisième chiffre allait indiquer l’ordre de la série dans la famille. Ainsi le SA-341 était la première série dans la famille Gazelle après les SA-340 de présérie.
En janvier 1970, Nord Aviation et Sud Aviation fusionnèrent afin de donner naissance à la Société Nationale Industrielle Aéronautique et Spatiale, mieux connue sous le nom d’Aérospatiale. Et pourtant le changement de système de désignation n’intervint pas immédiatement. Il fallut attendre 1974 pour que de SA les hélicoptères prennent désormais la désignation d’AS.
Les hélicoptères civils conservaient alors le premier chiffre « 3 » d’origine tandis que les appareils destinés au marché militaires obtenaient eux le « 5« . Pour les appareils civils et militaires le principe des familles perdurait. La cinquième famille celles des Écureuil avec l’AS-350 Écureuil, la sixième famille, celle des Dauphin avec l’AS-365 Dauphin 2.Désormais le troisième chiffre indiquait la motorisation : un « 0 » pour un hélicoptère monoturbine et un « 2 » ou un « 5 » pour un hélicoptère biturbine.
Ainsi l’AS-565 Panther était la version militaire de la famille Dauphin en biturbine. On pourrait se dire qu’ainsi la complication se simplifiait. Ou pas.
Car pour les hélicoptères militaires les gens de chez Aérospatiale eurent l’idée d’y accoler parfois des lettres suffixes de missions :
- A pour les hélicoptères d’emploi général emportant un armement défensif, tels les AS-532A Cougar vendus au Koweït.
- C pour les hélicoptères antichar, tels les AS-550C Fennec vendus au Danemark.
- M pour les hélicoptères polyvalents embarqués, tels les AS-555M Fennec vendus à l’Argentine.
- S pour les hélicoptères antinavires et anti-sous-marins, tels les AS-565S Panther vendus à l’Arabie Saoudite.
- U pour les hélicoptères d’emploi général non armes, tels les AS-555U Fennec vendus à l’Aviation Légère de l’Armée de Terre.
En 1992 Aérospatiale fusionna avec le constructeur allemand MBB pour créer le premier constructeur européen d’hélicoptères, la société Eurocopter.
Le regroupement des sociétés allemandes
Après guerre l’industrie aéronautique allemande est laminée. Les quatre vainqueurs (États-Unis, France, Royaume-Uni, et Union Soviétique) décident de reproduire les interdictions de conception aéronautique de 1919. De ce fait nombres d’ingénieurs s’expatrient à l’étranger quand ils ne fuient pas littéralement la justice internationale. Tous n’ont pas eu une conduite exemplaire durant le conflit et certains ont étroitement participé à la Shoah.
Du coup, quand au milieu des années 1950 l’industrie allemande est autorisée à timidement reprendre ses travaux, elle n’est même plus l’ombre de ce qu’elle fut dix ans auparavant. Une bonne partie du savoir-faire a disparu, notamment dans le domaine des voilures tournantes.
C’est le petit hélicoptériste Bölkow qui va réussir à relancer l’activité au travers de programmes divers. Son système de désignation est simple : ses appareils prennent les lettres « Bö » suivies de trois chiffres en suite chronologique. Ses premiers essais concluants ont lieu en 1957 avec le Bö 102, un monoplace construit en petite série pour l’aviation civile allemande. Puis en 1964 avec le Bö 46 expérimental l’hélicoptériste allemand s’attaque à un record de vitesse qu’il conservera huit ans.
En 1968 Bölkow fusionne avec les avionneurs Messerschmitt AG et Blohm. Ce dernier est l’héritier de la branche aéronautique du constructeur naval Blohm-und-Voss qui conçut quelques-uns des meilleurs hydravions allemands des années 1930 et 1940. La société qui résulte de cette fusion prend la désignation de Messerschmitt-Bölkow-Blohm ou MBB.
Dans la dot de Bölkow se trouve alors celui qui deviendra rapidement la marque de fabrique de l’hélicoptériste, le MBB Bö 105, un des rares hélicoptères conçus en Europe capable de concurrencer les machines d’Aérospatiale dans le monde. On remarquera que la désignation « Bö » demeure.
Au milieu des années 1970, MBB et l’industriel japonais Kawasaki s’associent au sein d’un programme destiné à concevoir un hélicoptère léger biturbine polyvalent. Ce sera le BK 117. Dans cet hélicoptère le « B » est celui de Bölkow et le « K » de Kawasaki.
En 1984 MBB et Aérospatiale s’associent pour développer ensemble un hélicoptère de combat (qui deviendra le Tigre) destiné à damer le pion aux chars soviétiques. Celui ci deviendra une réalité au sein d’Eurocopter.
L’aventure européenne : d’Eurocopter à Airbus Helicopters
Lorsque les deux hélicoptéristes fusionnent en 1992 pour donner naissance à Eurocopter ils apportent chacun leurs programmes. Mais pas leurs désignations.
À nouveau constructeur nouvelle désignation. Désormais les hélicoptères verront leur désignation débuter par EC (pour EuroCopter) suivi d’un « 1 » ou un « 2 » pour les hélicoptères civils et d’un « 6 » ou un « 7 » pour les hélicoptères militaires. Le deuxième chiffre indique la masse maximale en charge : de 0 à 1000kg inclus c’est un « 1« , de 1001 à 2000kg » c’est un « 2« , de 2001 à 3000kg un « 3 » et ainsi de suite. Le troisième chiffre quant à lui indique toujours la motorisation : « 0 » pour un monoturbine et « 5 » pour un biturbine.
Ainsi l’EC 645 est un hélicoptère militaire d’une masse maximale comprise entre 3001 et 4000 kg biturbine. Il faut notamment signaler que l’EC 645 est la base du désormais fameux UH-72A Lakota en service dans l’US Army pour des missions d’évacuation sanitaire en remplacement des mythiques derniers Bell UH-1H Iroquois.
A partir de 9001 kg, la désignation s’écrit avec « 0 » en 2ème chiffre avec 1 ou 6 en 1er chiffre civil / militaire. A partir de 10000 kg, on ajoute « 1 » au 1er chiffre civil ou militaire qui devient 2 ou 7 respectivement. Ceci nous donne :
- 205 / 705 pour un bi-turbine de 10 tonnes max
- 215 / 715 pour un bi-turbine de 11 tonnes max
- 225 / 725 pour un bi-turbine de 12 tonnes max, ce qui est le cas du EC 225 / 725
En janvier 2014, Eurocopter changea de nom au profit d’Airbus Helicopters. Et là encore nouveau système de désignation. Bye bye les « EC » bonjour les « H » !
Pour le reste ça se simplifie relativement. Tous les appareils ont la même désignation, simplement les hélicoptères militaires reçoivent un « M » en fin de désignation. Le chiffre « 1 » désigne désormais les hélicoptères léger et moyens, le « 2 » les hélicoptères lourds. Le second et le troisième chiffre conservent le système d’Eurocopter. Il est à signaler que le H125 ne concerne pas une version biturbine du H120, ex-EC120 Colibri, mais l’ancien AS-350B3 Écureuil monoturbine. Avec cette nouvelle désignation l’EC725 Cougar devient H225M Cougar (NDLR : Cougar étant une appellation utilisateur, comme Caracal, et pas un nom officiel du constructeur)
Voilà avec ce court dossier vous pourrez maintenant mieux appréhender les désignations souvent compliquées des hélicoptères français et allemands, puis européens.
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