Rares sont les ingénieurs qui ont su marquer l’histoire de l’aviation comme Claude Dornier en Allemagne. Souvent considéré comme un des plus grands génies de son temps il offrit à l’Histoire quelques-uns des hydravions parmi les plus marquants et célèbres de l’entre-deux-guerres et de la Seconde Guerre mondiale. C’est pourtant bien durant la Première Guerre mondiale qu’il posa les premières pierres de ce qui allait devenir sa spécialité avec en premier lieu un trimoteur passablement raté mais ô combien important en enseignements : le Zeppelin-Lindau Rs.I.
En 1913 le comte Ferdinand von Zeppelin nomme l’ingénieur Claude Dornier comme conseiller scientifique et technologique sur les aéroplanes. Sa société est alors le leader mondial des dirigeables mais l’aristocrate allemand a compris, à 75 ans, que l’aviation est l’avenir. L’idée de Dornier est de travailler sur l’élaboration d’hydravions de grande taille capable de réaliser des transports de passagers et/ou de courriers sur plusieurs centaines de kilomètres. Ferdinand von Zeppelin le place alors à la tête de la société Zeppelin-Lindau sise au bord du Bodan, le lac de Constance. Le personnel de l’entreprise dirigée à seulement 27 ans par Dornier ne dépasse pas dix employés dont sept pour la conception aéronautique. Son assistant se nomme alors Adolf Rorhbach.
Dès l’été 1914 les deux hommes se mettent en tête de construire un grand hydravion biplan trimoteur. Pour Claude Dornier et Adolf Rorhbach le modèle à suivre est russe : l’ingénieur Igor Sikorsky et son formidable quadrimoteur Ilya Muromets. Sauf qu’eux veulent que leur appareil puisse déjauger et amerrir et non décoller et atterrir. Dès le mois de septembre ils lancent ensemble les études de celui qui est alors connu comme FS-1, pour Flugshiff 1.
Ferdinand von Zeppelin qui croit au programme verse la somme colossale pour l’époque de 2000 papiermarks.
La répartition des tâches fait que Rohrbach développe le fuselage et la coque tandis que Dornier travaille sur la voilure, la motorisation, et l’habitacle. À cette époque leur Zeppeplin-Lindau FS-1 est prévu pour accueillir entre huit et dix passagers pour un rayon d’action de 800 kilomètres.
Malheureusement le déclenchement quelques semaines plus tôt de la Première Guerre mondiale va radicalement changé la donne. La Kaiserliche Marine et la Luftstreitkräfte s’intéressent de près à ce Zeppelin-Lindau FS-1. Cependant il n’est pas question d’en faire un hydravion commercial, les militaires allemands y voient plutôt l’occasion de disposer d’une machine capable de surveiller les eaux de la Mer Baltique. Le souci que n’ont pas encore compris les amiraux et généraux allemands c’est la distance entre celle-ci et le Bodan où est développé le FS-1. Qu’à cela ne tiennent ils ont décidé que l’hydravion allemand y serait basé après sa construction au bord du lac il y sera donc stationné.
La Luftstreitkräfte qui a alors la priorité sur les développements de programme aéronautique demande à l’Idflieg de donner une désignation au FS-1. Celui-ci devient alors Zeppelin-Lindau Rs.I, entrant ainsi dans la catégorie des Riesenflugzeug c’est à dire des avions géants. L’assemblage du prototype est lancé à l’hiver 1914-1915 mais en raison de la présence de troupes françaises à proximité celui-ci doit être interrompu avant de reprendre en mai 1915 une fois la menace écartée. Les combats à proximité obligent Dornier et Rorhbach à revoir leur copie quand à la mise à l’eau de l’hydravion. Celle-ci n’a lieu qu’en octobre 1915.
Pour l’assemblage de son hydravion Claude Dornier choisit le Duralumin, découvert quelques années plus tôt par le chimiste allemand Alfred Wilm. Cet alliage d’aluminium offre à son Rs.I une légèreté mais également une flexibilité à même de lui permettre d’opérer sur des plans d’eau calmes autant que formés. Adolf Rorhbach dessine une coque alternant reprises de compressions et de tensions. Afin de le motoriser Dornier fait appel à trois moteurs à six cylindres en ligne chacun Maybach Mb.IV d’une puissance nominale de 240 chevaux. Ils entraînent chacun une hélice propulsive bipale en bois.
Le 16 octobre 1915, un jour seulement après sa mise à l’eau, le prototype du Zeppelin-Lindau Rs.I est lancé pour son premier vol. Celui-ci tourne vite au fiasco, l’hydravion ne réussissant pas à s’arracher des eaux calmes du lac de Constance. Une deuxième tentative est réalisée 72 heures plus tard avec le même effet. Des améliorations sont alors apportées par les ingénieurs et techniciens allemands. Un troisième «premier vol» est tenté le 12 décembre 1915. L’hydravion réussit alors péniblement à s’élever de deux mètres au-dessus des eaux du Bodan sur une distance d’un peu plus de 500 mètres avant de retomber. De nouveaux réglages permettent le 20 décembre de retenter l’aventure malgré une sous-motorisation désormais criante. Le Rs.I ne déjauge alors même pas. Dépité l’équipage d’essais ramène l’hydravion à son pontage.
Le surlendemain, 22 décembre 1915, une violente bourrasque de vent détache les amarres tandis que le trimoteur dérive vers des roches où il vient s’écraser en début de matinée. Une importante voie d’eau le fait couler, les vents violents finissant de le détruire.
Le programme du Zeppelin-Lindau Rs.I s’arrête aussitôt, l’entreprise ayant déjà commencé à travaillé sur un Rs.II bien plus ambitieux. Après cet hydravion sans suite Claude Dornier donnera à l’Histoire de l’aviation quelques-uns des modèles les plus marquants comme le bimoteur push-pull Do 18 ou encore le trimoteur Do 24. De son côté Adolf Rohbach entrera dans l’histoire technologique pour ses travaux sur les revêtements travaillant. Par ailleurs il développera lui aussi durant l’entre-deux-guerres ses propres hydravions commerciaux dont le plus célèbre demeure le Ro III.
De nos jours il ne reste plus rien du Rs.I.
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