Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale l’activité industrielle aéronautique connut en URSS un véritable essor. L’arrivée des anciens savants nazis n’y était pas étrangère. Elle s’accompagnait pourtant d’une logique de course à l’armement liée à l’émergence d’un conflit idéologique avec les États-Unis. Et cela fut visible dans toutes les strates de l’aéronautique soviétique. Dans le bombardement et la chasse bien sûr mais également dans des domaines beaucoup plus liés au soutien opérationnel. L’aviation d’entraînement se modernisa très vite grâce à divers programmes très aboutis. Pourtant quelques-uns ne réussirent pas à dépasser le stade du prototype, à l’image d’un étrange bimoteur d’entraînement avancé : le Yakovlev Yak-200.
C’est au tout début des années 1950 que l’état-major soviétique émit un cahier des charges relatif à un avion d’entraînement destiné aussi bien aux futurs pilotes d’avions de transport qu’à ceux destinés à voler sur bombardiers moyens. En URSS à cette époque la compétition n’existait pas et Moscou décidait de qui aurait ou non le contrat. En l’occurrence c’est Yakovlev qui remporta celui-ci. La raison était simple : l’avionneur produisait alors les Yak-11 Moose et Yak-18 Max, les deux principaux avions écoles du pays.
Sauf qu’un tel avion, aussi polyvalent, n’existait alors tout simplement pas dans les doctrines d’emploi soviétiques. Américains, Britanniques et Français les connaissaient, pas les Soviétiques !
Dans un premier temps le programme fut désigné Yak-UTB. Pourtant très vite les ingénieurs soviétique expliquèrent aux militaires qu’ils devaient scinder le programme en deux. D’un côté le strict avion d’entraînement aux vols multimoteurs et de l’autre une version de formation à la radionavigation et au bombardement. Après quelques hésitations Moscou accepta fin 1951. Désormais le Yak-UTB serait connu comme Yak-200 pour la principale version et Yak-210 pour son dérivé spécialisé.
Par chance l’équipe de Yakovlev en charge du programme fut rejointe par des designers et ingénieurs ayant auparavant travailler sur l’avion de transport léger Yak-6 Crib. Ils savaient donc comment développer un bimoteur.
Afin de réduire au maximum les coûts de développement des éléments furent pris sur d’autres avions existant déjà. L’empennage et la voilure provenaient de l’avion de transport Yak-16 Cork, la motorisation était d’ailleurs la même sous la forme de moteurs à sept cylindres en étoile Shvetsov ASh-21 d’une puissance nominale de 710 chevaux. Une partie de l’équipement de bord du cockpit provenait du Lisunov Li-2 Cab tandis que le câblage avait en partie été récupéré sur le prototype de chasseur à réaction Yak-19.
Le Yak-200 ressemblait donc à un puzzle géant. Pour autant il n’était pas dénué d’une certaine élégance avec son aile médiane, son cockpit largement vitré et son train tricycle escamotable. C’est dans cette configuration que le premier vol eut lieu le 10 avril 1953.
Si le développement de ce Yakovlev Yak-200 se déroulait bien celui de sa version dérivée de formation à la radionavigation et au bombardement était plus chaotique. Les ingénieurs soviétiques rognaient en permanence sur les capacités de l’avion pour créer le Yak-210. Les éléments ajoutés pour les missions spéciales de l’avion lui firent d’abord gagner 930 kilogrammes avant que cette masse ajoutée soit ramenée à 860 kilos. De ce fait la capacité en carburant et donc le rayon d’action furent drastiquement réduits. L’élève navigateur-bombardier et son instructeur prenaient place dans un petit compartiment du nez de l’avion.
De ce fait le Yak-210 ne vola qu’en août 1953. C’est quelques jours plus tard que le bimoteur de Yakovlev fut identifié par les agents de renseignement de la CIA.
L’OTAN décida, à juste titre, que les Yakovlev Yak-200 et Yak-210 n’étaient qu’un seul et même avion. Elle lui attribua la désignation de Mint. Pourtant déjà en cet été 1953 le programme avait du plomb dans l’aile. Ilyushin avait présenté une version d’entraînement de son bombardier Il-28 Beagle sous la forme de l’Il-28U Mascot et l’avion semblait avoir sceller le sort du Yak-210. Il ne restait que le Yak-200 dont les forces aériennes soviétiques décidèrent de stopper le programme en octobre 1953. L’aviation soviétique n’aurait donc pas d’avion d’entraînement spécifiquement conçu pour le multimoteur. Pourtant il fallut attendre le printemps 1956 pour que Moscou acte politiquement la fin de ce programme. Tout n’allait alors pas vite en URSS.
Les essais comparés du Yak-200 et du Yak-210 démontrèrent que le second avait un rayon d’action équivalent au tiers seulement de celui du premier. Le Yak-200 pouvait à charge franchir 1250 kilomètres contre seulement 400 pour le Yak-210.
Évidemment envoyés à la ferraille après l’arrêt de leur développement les deux prototypes du Yakovlev Yak-200/Yak-210 Mint n’ont rien laissé jusqu’à nos jours.
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