Quel ne fut pas le choc des Etats-Unis quand en 1984 la CIA annonça qu’elle avait découvert sur la base soviétique de Zhukhovsky un nouveau type d’avion à décollage et atterrissage vertical. Jusqu’alors l’Union Soviétique n’avait réussi qu’à aligner un appareil très surestimé : le Yak-38 Forger. Les prises de vues du satellite américain montraient clairement un appareil d’une taille supérieur à son homologue occidentale, le Harrier, et surtout d’une esthétique très surprenante. L’OTAN attribua à cet appareil la désignation de Freestyle, faisant de lui non pas un avion expérimental mais bien un chasseur.
Pour le Freestyle tout commença en 1975 par une demande de l’AVMF (Aviatsiya Voenno Morsko Flotta, aéronavale soviétique) formulée à l’avionneur Yakovlev afin de trouver un remplaçant à son Yak-38. En effet ce chasseur-bombardier léger ADAV n’avait pas donné entière satisfaction à l’état-major. Si bien qu’il fut décidé que l’avion devait être remplacé. Yakovlev fut tout naturellement sélectionné étant donné l’importance des travaux de ce bureau d’étude sur le vol vertical, notamment grâce au prototype Yak-36 Freehand.
Les premières ébauches du nouveau prototype furent rapidement prêtes, entre autre car les ingénieurs de Yakovlev travaillaient déjà sur un programme similaire. Il s’agissait de mettre au point un avion non seulement capable de frapper vite et loin des cibles au sol mais également d’effectuer des missions de défense aérienne et d’interception. Ce programme était beaucoup plus ambitieux que tous les autres concernant des ADAV. Il était prévu que l’avion soit largement supersonique, voir même bisonique. C’est ainsi que le premier prototype fut construit.
Il s’agissait d’un monoplan monoplace triréacteur. Il disposait d’un très novateur double empennage permettant les vols à faible vitesse et les séquences de translation entre le vol vertical et le vol horizontal. Le réacteur le plus puissant permettait la propulsion tandis que les deux autres, plus petits, avaient pour utilisation principale la sustentation et les phases de décollage-atterrissage. L’avion disposait d’un train d’atterrissage tricycle totalement escamotable. L’avion dispose d’une seule et unique tuyère orientable, alors que le Forger et le Harrier en ont chacun deux. Le prototype ne disposait d’aucun armement. Il effectua son vol inaugural le 10 mars 1989.
Selon le Pentagone, l’avion était en phase d’essais statique et d’essais roulage quand il a été identifié par la CIA. La période d’essais s’est déroulé entre ce premier vol et l’accident qui détruisit quasiment intégralement le second prototype en octobre 1991. Cet accident tombait au plus mal, l’Union Soviétique connaissait alors ses dernières heures …
L’AVMF, maître d’œuvre du programme, décida de stopper net les essais et le premier prototype rejoignit directement la zone de tests de la base de Zhukhovsky pour y être stocké. Cette retraite précoce dura plusieurs mois, jusqu’en septembre 1992 où le constructeur Yakovlev décida de présenter en vol son appareil au salon aéronautique de Farnborough en Grande-Bretagne. Devant un parterre de spécialistes et de passionnés de l’aéronautique l’appareil fit des merveilles, surtout en comparaison avec les AV-8B de l’US Marines Corps.
Mais cette démonstration n’eut qu’un effet temporaire sur la vie de la machine. En effet Yakovlev signa un accord en février 1993 avec l’avionneur sud-africain Atlas, constructeur du chasseur-bombardier Cheetah, afin de proposer l’avion à la South African Air Force mais aussi à divers pays « non-alignés » ne pouvant acquérir de matériels américains. Mais tout comme la Perestroïka avait stoppé ses essais, la fin de l’Apartheid mit un coup d’arrêt au mariage russo-africain. L’Afrique du Sud n’était plus sous embargo militaire.
Les espoirs de Yakovlev s’évanouirent définitivement au milieu des années 90 quand les avionneurs Mikoyan-Gurevitch et Sukhoi présentèrent respectivement leurs MiG-29 et Su-27 en versions navalisées. En effet la Russie cherchait à acquérir une force aéronavale classique comme les Etats-Unis et la France en possèdent. C’était le début de la fin pour les ADAV en ex-URSS.
Le programme du Yak-141 a totalement été stoppé en janvier 1996, soit 21 ans après son lancement. Cet avion qui fit si peur aux états-majors occidentaux n’était qu’un feu de paille de plus dans l’histoire de la Guerre Froide. Mais un feu de paille qui avait battu douze records internationaux de vol sur ADAV, dont dix qui étaient auparavant détenus par le British Aerospace / Mc Donnell Douglas AV-8B Harrier II. Le prototype du Freestyle est désormais visible au musée des essais en vol russe à Zhukhovsky.
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