Durant une bonne partie de la guerre froide et jusque dans les années 2000-2010 l’aviation soviétique puis russe a reposé son entraînement avancé sur un seul et unique avion : l’Aero L-39 tchécoslovaque. Seulement voilà l’avion vieillissant vite il a fallu lui trouver un successeur et cette fois la Russie s’est tournée vers ses propres constructeurs. Le résultat a été un surprenant mais très réussi petit jet ayant même des capacités secondaires d’attaque au sol : le Yakovlev Yak-130.
Au tout début des années 1990 la Communauté des États Indépendants (on ne parle alors pas encore de Russie) lance un programme visant au remplacement des derniers Aero L-29 et d’une grande partie des L-39 en service dans les rangs de l’aviation ex-soviétique. Et ce malgré une situation économique catastrophique due à l’effondrement total du système marxiste léniniste. Quatre avionneurs y répondent, mais sans réellement encore comprendre les nouvelles règles des marchés publiques : Mikoyan, Myasishchev, Sukhoi, et Yakovlev.
Sur le papier seuls le premier et le quatrième d’entre-eux ont réellement des chances d’être produits en série. Les deux autres sont donc tout bonnement abandonnés à l’état de vue d’artistes et de plans sur papiers. Seulement voilà le budget de la défense de la CEI est alors un des plus faibles au monde et les deux constructeurs encore en lice doivent développer leurs avions respectifs sur fonds propres. Une aberration pour des avionneurs ex-soviétiques habitués aux plans de financement étatique. Et c’est la raison pour laquelle ils vont tenter de chercher des partenariats avec des entreprises étrangères.
Aux États-Unis on se méfie encore de ces constructeurs ex-soviétiques et des vicissitudes du pays c’est donc vers l’Europe que vont se tourner Mikoyan et Yakovlev.
Le premier passe un accord avec un équipementier et un motoriste français tandis que le second s’allie à l’avionneur Aermacchi lui aussi alors en recherche de développement d’un jet d’entraînement afin de succéder à son avion à succès MB-339.
L’accord est signé en 1993 et rapidement l’avant-projet de l’avion est présenté au Salon du Bourget sous le nom de Yak-AEM 130. L’influence des designers italiens est alors flagrant dans l’architecture général de l’avion, même si d’autres aspects moins visibles dénotent de l’accord avec les Russes.
Pile deux ans plus tard, en juin 1995, le prototype est officiellement présenté à la presse internationale au Bourget. Il a voyagé à bord de la géante soute d’un Antonov An 22 de l’aviation militaire russe, et pour cause il ne vole pas encore.
Extérieurement le Yak-AEM 130 est assez novateur pour l’époque avec son aile médiane, son cockpit arrière surélevé, ou encore son architecture générale. Il est propulsé par deux réacteurs Honeywell F124 d’une poussée unitaire de 2860kg. C’est la première fois qu’un futur avion d’arme russe dispose d’une motorisation américaine. Cela revient alors à l’accord avec l’Italie. Niveau armement le nouvel avion ne dispose d’aucun canon en interne mais de points d’emport sous voilure pour recevoir jusqu’à concurrence de 3000kg de charges dont des paniers à roquettes, des bombes lisses, et des nacelles-canons.
C’est dans cette configuration que le vol inaugural a lieu le 25 avril 1996.
Mais déjà des dissensions se font ressentir entre Italiens et Russes sur l’avenir des exportations autant que sur les systèmes d’armes. En coulisse l’administration américaine voit d’un très mauvais œil que le réacteur F124 ne tombe entre les mains de l’ancien ennemi. D’autant que le Pentagone a alors autorisé l’achat d’un lot par Boeing pour son drone expérimental ultra-secret X-45.
Un drone expérimental furtif avec un réacteur que l’on retrouve sur un jet d’entraînement russe, ça ne passe pas dans les couloirs du Pentagone !
Et finalement le divorce entre Aermacchi et Yakovlev est officiellement consommé en février 2000. Un accord scelle la fin du partenariat mais aussi des règles assez inédites entre un pays occidental et l’ancienne Union Soviétique quand à la répartition des marchés d’export : à Aermacchi et son M-346 Master les pays de la sphère d’influence italienne, de l’OTAN, et de la sphère d’influence américaine et à Yakovlev et son désormais Yak-130 la sphère d’influence ex-soviétique, l’Afrique du nord, et l’Inde.
Un territoire crée alors des tensions entre les deux : l’ex-Yougoslavie. Il est décidé que ce sera la seule zone où les deux machines pourront s’affronter. Cet accord doit tenir jusqu’en 2030.
Divorce avec les Italiens et donc avec le motoriste américain. Le Pentagone refuse catégoriquement que Honeywell exporte son F124 vers la Russie. Yakovlev doit donc trouver en urgence un nouveau réacteur adaptable sur le Yak-130.
Et c’est chose faite avec Ivchenko et son tout nouveau AI-222 de 2500kg de poussée unitaire. Même problématique avec l’armement, les armuriers et équipementiers occidentaux se détournent de l’avion russe.
Désormais donc débarrassés des Italiens et de leurs inquiétudes quant à la transformation de l’avion en machine de combat plus qu’en jet d’entraînement les Russes peuvent maintenant le proposer à l’export. Et cette différence profonde entre le M-346 Master et le Yak-130 va créé un trouble à l’OTAN quand au choix du futur nom de code : un mot en M comme les autres avions d’entraînement ou en C comme les avions de combat ? Finalement la première solution est choisie et le biréacteur devient Mitten dans la nomenclature atlantiste.
En parallèle le concours qui oppose Mikoyan et son MiG-AT au Yakovlev Yak-130 tourne en faveur de ce second avion. La force aérienne russe l’annonce officiellement au printemps 2002. Reste que l’avion est loin d’être apte à entrer en service opérationnel et que la flotte des Aero L-29 et L-39 vieillit à vue d’œil. Tellement même qu’en 2005 près de 90% des L-29 sont retirés du service sans remplaçant. Le Yak-130 n’est pas encore en service.
Finalement la Russie accepte au service ses premiers Yakovlev Yak-130 en février 2010. Mais l’avion peine à trouver preneur à l’export. Seule la force aérienne biélorusse, quasi totalement inféodée à celle de Russie, accepte finalement en 2012 d’acquérir huit exemplaires.
Dans le même temps le Yak-130 multiplie les présentations officielles un peu partout dans le monde.
Une des premières grosses commandes à l’export est venu du Bangladesh qui a acheté en 2012 un lot de seize avions ainsi que l’armement qui les accompagne. Pour les Bangladais le Yakovlev Yak-130 n’est pas qu’un jet d’entraînement c’est aussi et avant tout un avion d’attaque au sol et d’appui aérien rapproché. Le même type de commande est arrivé trois ans plus tard du Myanmar pour six avions, puis six autres avions achetés début 2018.
Le premier lot birman concerne des avions d’attaque et le second des avions d’entraînement.
Outre ces pays des Yak-130 ont été vendus à l’Algérie et à la Syrie, cette seconde ayant employé ce type d’avion lors de frappes aériennes contre des positions djihadistes autant que contre les populations civiles.
En mission d’attaque au sol le Yakovlev Yak-130 reste identique à sa configuration d’entraînement mais décolle généralement en monoplace. L’absence de personnel en place arrière allège l’avion. Il emporte généralement une nacelle canon GSh-23 de 23mm en position ventrale sous fuselage ainsi que diverses combinaisons de paniers à roquettes et de bombes non guidés. Deux missiles air-air d’autodéfense R-60 peuvent être emportés.
En 2017 la Russie a commencé à recevoir un nouveau lot de Yakovlev Yak-130 doté d’une avionique modernisée afin de rendre ces avions aptes à former les futurs pilotes de chasseurs Sukhoi Su-57, les premiers avions furtifs russes. Pourtant les détails sont inconnus, car classifiés par la Russie.
Au final si le Yakovlev Yak-130 est indéniablement le premier avion d’entraînement ex-soviétique capable de rivaliser avec les meilleurs avions occidentaux il n’est pas à proprement parler purement russe. Son influence italienne demeure très prégnante.
Il est d’ailleurs à signaler que le Turkménistan a préféré au printemps 2018 forcer une commande de M-346 Master plutôt que de devoir acheter des Yak-130, malgré le fait que ce pays a été occupé par les Russes du temps de l’Union Soviétique.
En savoir plus sur avionslegendaires.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.