Yakovlev EG Shootka

Pour le commun des mortels un hélicoptère c’est avant tout un rotor au-dessus d’une cabine et un rotor arrière au bout d’une poutre à l’image du Bell 505 Jet Ranger X. C’est d’ailleurs ainsi que les enfants les dessinent. Pourtant il existe bien d’autres configurations basées sur les doubles rotors. On y trouve notamment ceux en tandem tel le célèbre Boeing Vertol CH-46 Sea Knight ou encore les coaxiaux contrarotatifs à l’image bien sûr du Kamov Ka-25 Hormone. Cette dernière technologie a d’ailleurs toujours été une spécialité soviétique, puis russe, et ce même si des constructeurs américains et français s’y essayèrent. Un des aspects les plus intéressants fut imaginé durant l’après-guerre justement en URSS : le Yakovlev EG Shootka.

C’est à l’été 1945 que le bureau d’étude Yakovlev ouvrit une section dédiée au développement industriel des hélicoptères. Pourtant l’avionneur soviétique s’y intéressait déjà depuis une dizaine d’années ayant même tissé des liens avec l’industriel français Dorand. Aussi il ne fut pas surprenant qu’en 1946 il se mette à plancher sur un appareil faisant appel à la technologie des doubles rotors coaxiaux contrarotatifs. Celle-ci était en effet déjà étudié en France durant l’entre-deux-guerres. Le programme reçut la désignation EG, pour Eksperimentalnyi Gelikopter. Le programme n’était donc pas destiné à déboucher sur la moindre construction en série.

La Seconde Guerre mondiale avait offert à l’Union Soviétique des capacités industrielles hors du commun permettant donc de lancer des études comme celle du Yakovlev EG. Les ingénieurs Bemov et Erlikh furent chargés des travaux. Dès le départ ils sélectionnèrent le célèbre moteur à cinq cylindres en étoile Shvetsov M-11 dans sa version FR-1. Celui-ci développait 140 chevaux. Pour l’assemblage du fuselage de leur hélicoptère expérimental les deux ingénieurs choisirent le Duralumin comme base de travail. Il offrait légèreté et robustesse mais surtout une disponibilité immédiate. Le rotor était quant à lui assemblé en métal tout comme les jambes du train d’atterrissage tricycle fixe. Les deux membres d’équipages prenaient place dans un poste de pilotage côte à côte disposant d’un bon champ visuel vers l’avant et sur les côtés.

C’est le pilote d’essais Valeryy Trevarrovskii, un des rares pilotes soviétiques formés durant la Seconde Guerre mondiale sur hélicoptère, qui réalisa le premier vol de l’appareil en juin 1947. Et dès le départ le Yakovlev EG, baptisé Shootka, se révéla catastrophique. Tant que sa vitesse ascensionnelle restait en dessous des 30 kilomètres heures tout allait très bien. Dès qu’elle les dépassait l’EG entrait dans des turbulences dramatiques, faisant vibrer l’intégralité de l’hélicoptère. Une série de quarante vols tests courts, représentant un total de 320 minutes, permit de solutionner le problème. Un stabilisateur horizontal en contreplaqué fut installé à l’arrière du prototype.

Le quarante-et-unième vol d’essais fut le premier avec cet équipement. Et cette fois les vibrations n’apparurent qu’à 75 kilomètres heures en ascension. Trevarrovskii réalisa ainsi quinze heures supplémentaires de vols avant que Yakovlev ne reçoive l’ordre de Moscou de suspendre les travaux autour de son EG Shootka. Le Mil Mi-1 était entré en service, l’URSS n’avait plus besoin de travailler sur un hélicoptère léger. Malgré cela l’EG vola encore quatre fois lors d’essais pour le compte du motoriste Shvetsov. Il teste son M-12 également en étoile en configuration hélicoptère. En août 1948 enfin sa carrière s’arrêta définitivement. L’hélicoptère expérimental fut démonté et certains éléments récupérés pour d’autres programmes. Le reste fut envoyé à la ferraille.

Si Yakovlev est surtout connu comme avionneur il réalisa un hélicoptère construit en série, le Yak-24. Et comme l’EG Shootka il s’agissait d’un appareil à doubles rotors, mais cette fois en tandem. Il est à noter que l’EG n’a jamais été codé par l’OTAN.