La période comprise entre la seconde moitié des années 1950 et la première moitié de la décennie suivante fut cruciale pour le monde des voilures tournantes. En effet elle vit l’émergence de manière généralisée des turbines à gaz comme moyens de propulsion des hélicoptères militaires. Petit à petit les moteurs à pistons, souvent jugés moins puissants et plus fragiles laissèrent peu à peu la place. D’abord cantonné à des hélicoptères légers comme le Bell XH-13F américain ou encore à la SNCASE SE-313 Alouette II française ce nouveau mode de propulsion gagna tous les gabarits d’hélicoptères. Il arriva même parfois que certaines machines débutent leur carrière sur moteur à pistons avant de la terminer sur turbine. L’un des exemples les plus frappants fut le Westland Whirlwind britannique.
Le succès du Dragonfly aussi bien sur le marché intérieur qu’à l’export poussa l’hélicoptériste britannique Westland à poursuivre son partenariat industriel avec son homologue américain Sikorsky. L’accord anglo-américain prévoyait que n’importe quel hélicoptère pourrait être produit en Grande Bretagne depuis le catalogue américain. Et les dirigeants de Westland jetèrent leur dévolu sur le Sikorsky H-19, lequel intéressait grandement la Royal Air Force mais également la Royal Navy.
Dans la nomenclature britannique il reçut le nom de Whirlwind.
À la différence profonde du Dragonfly qui avait été pensé dès le départ pour recevoir le moteur britannique Alvis Leonides Mk-50 le Westland Whirlwind reprenait les deux motorisations américaines d’origine. Ainsi les moteurs Pratt & Whitney R-1340-40 Wasp de 600 chevaux et Wright R-1300 Cyclone de 700 chevaux à respectivement neuf et sept cylindres en étoile étaient appelés à propulser les hélicoptères britanniques. En fait rien, ou presque, ne différenciaient le Whirlwind du H-19, sauf dans le poste de pilotage.
C’est en août 1953 que le prototype réalisa son vol inaugural. Le Whirlwind était alors le plus gros hélicoptère construit outre-Manche.
Une commande officielle fut passée par le ministère britannique de la défense pour quarante-trois exemplaires dotés du moteur Pratt & Whitney. Les dix premiers furent des Whirlwind HAR Mk-1 et les trente-trois suivant des Whirlwind HAR Mk-2. La seule différence entre les deux machines résidant alors dans la navalisation des premiers destinés à la Fleet Air Arm et non des seconds acquis pour le compte de la Royal Air Force. Pourtant les deux modèles étaient appelés à remplir la même mission : la recherche et le sauvetage en mer.
Ils entrèrent en service en juillet 1954. Quelques semaines plus tard les premiers hélicoptères de la Royal Navy embarquaient sur le porte-avions HMS Perseus.
Fin 1954 celle-ci passa une nouvelle commande, cette fois pour vingt-cinq Whirlwind HAR Mk-3 doté du moteur Wright. Réputé plus adapté aux climats chauds et humides il était destiné aux navires britanniques opérant en outre-mer, et notamment en Malaisie. La RAF fit modifié à ce standard vingt-quatre de ses trente-trois exemplaires déjà en dotation à qui elle octroya la désignation de Whirlwind HAR Mk-4. Les neuf Whirlwind HAR Mk-2 non remotorisés furent déclassés et affectés à des missions de soutien logistique et de transport de personnels sour la désignation de Whirlwind HC Mk-2. À l’été 1955 le Westland Whirlwind était devenu le principal hélicoptère de sauvetage et d’évacuation sanitair en Grande Bretagne.
Fin 1955 une motorisation britannique fit son apparition sur l’aéronef. Trois exemplaires supplémentaires furent commandés afin de remplacer des appareils retirés prématurément du service en raison d’un défaut de peinture qui avait eu pour résultat de corroder à l’excès les structures. Les nouveaux appareils reçurent la désignation de Westland Whirlwind HAR Mk-5. Ils étaient animés par un Alvis Leonides Major à quatorze cylindres en étoile de 750 chevaux.
Mais déjà une idée trottait dans la tête des ingénieurs de l’hélicoptériste : adapter une turbine à gaz sur l’appareil. Pour cela il allait devoir redessiner le nez du Whirlwind conçu par les ingénieurs américains de Sikorsky spécialement pour les moteurs en étoile. Le constructeur réquisitionna donc le troisième Whirlwind HAR Mk-5 et déposa son moteur Major, le remplaçant par un système français Turboméca Twin Turmo de 640 chevaux. Le Twin Turmo était en fait deux turbines à gaz Turmo 2 de 320 chevaux chacun jumelées.
Les résultats furent encourageant, même si Turboméca savait pertinemment qu’il n’aurait jamais le contrat, la concurrence britannique travaillant également sur des équipements similaires. Le Westland Whirlwind HAR Mk-6 ne fut donc construit qu’à un seul et unique exemplaire qui fut cédé en 1960 à l’Aeroplane & Armament Experimental Establishment comme soutien aux essais en vol. Il s’agissait alors du seul hélicoptère de la Fleet Air Arm au sein de l’A&AEE.
En parallèle la Fleet Air Arm comprit très vite que non seulement le moteur en étoile Alvis Leonides Major était fabriqué localement et plus puissant que les moteurs américains d’origine mais en plus il se révéla bien plus fiable à l’emploi. Il rouillait moins.
Aussi elle commanda deux nouvelles versions : Le Whirlwind HAR Mk-7 doté d’un treuil non plus mécanique mais électromécanique et surtout le tout nouveau Whirlwind HAS Mk-7 de lutte anti-sous-marine. Quarante et quatre-vingt-dix exemplaires en furent respectivement produits.
Le Whirlwind HAS Mk-7 intégrait désormais donc un armement offensif sur cette machine, sous la forme d’une torpille de 900 kilos ou de charges de profondeurs. Ils entrèrent en service en août 1957. Dotés d’un radar de recherches et d’un sonar plongeant ils permirent non seulement de remplacer les vieillissants Grumman Avenger AS Mk-4 datés de la Seconde Guerre mondiale mais permirent en outre de sortir la lutte anti-sous-marine aéroportée du seul giron des porte-avions britanniques. Désormais de plus petits navires de guerre pouvaient s’y atteler grâce au Whirlwind HAS Mk-7.
Fin 1957 la Royal Navy retrancha deux Whirlwind HAR Mk-7 de recherches et sauvetages en mer de sa commande initiale. En fait ces exemplaires n’avaient pas d’utilité pour elle. De ce fait Westland leur chercha une nouvelle fonction. Et c’est la Royal Air Force qui la trouva : le transport rapide de la jeune reine Elisabeth II, montée sur le trône britannique cinq ans plus tôt. Modifiés et fortement insonorisés ils furent acceptés au service au début de l’automne 1958.
Désignés Westland Whirlwind HCC Mk-8 par la Royal air Force ils se distinguaient immédiatement à leur nez rallongée pour l’accueil du moteur Major mais aussi, et surtout à leur livrée. Celle-ci était uniformément rouge sauf les parties supérieures autour du poste de pilotage qui étaient bleues. C’est le N°32 Squadron qui les mit en œuvre, transportant pour la première fois la souveraine britannique lors des commémorations de l’Armistice de la Première Guerre mondiale en novembre 1958. Les Whirlwind HCC Mk-8 étaient les premiers hélicoptères officiellement affectés au transport de Sa Majesté et des membres de sa famille. Ils ne furent retirés du service que fin 1976 après la livraison des deux Westland Gazelle HCC Mk-4. Bien qu’Elisabeth II ait toujours été très discrète sur ce genre de question il est de notoriété qu’elle n’aimait pas le Whirlwind HCC Mk-8 qu’elle trouvait trop bruyant et trop inconfortable. Elle préféra largement des modèles d’hélicoptères plus modernes.
En 1959 Westland reprit ses travaux visant à remotoriser le Whirlwind avec une turbine à gaz. Les vols d’essais du Whirlwind HAR Mk-6 portaient leurs fruits et dans le même temps Bristol-Siddeley avait terminé la validation de sa Gnome. La Royal Navy accepta de rétrocéder onze Whirlwind HAR Mk-7 et un Whirlwind HAS Mk-7 afin de créer à moindre coup une série de douze hélicoptères turbinisés dédiés à la recherche et au sauvetage en mer. Cette nouvelle version prit la désignation de Whirlwind HAR Mk-9. Outre la turbine Gnome Mk-101 de 1050 chevaux l’hélicoptère se reconnaissait à son nez encore rallongé.
Seuls dix d’entre eux entrèrent en service à l’été 1960 au sein de la Fleet Air Arm. Les deux autres furent versés à la Royal Air Force qui les employa pour du transport d’assaut sous la désignation de Whirlwind HC Mk-10.
L’utilisation entre l’été 1960 et le printemps 1961 de ces Whirlwind turbinisés conduisit le ministère britannique de la défense à passer une nouvelle commande pour soixante-dix hélicoptères. Soixante-huit étaient des Whirlwind HAR Mk-11 de recherche et de sauvetage en mer et les deux derniers des Whirlwind HCC Mk-12 destinés au transport de la famille royale. Tous avaient été commandé pour le compte de la RAF. Malheureusement jamais la reine ou un de ses enfants ne vola dessus car les essais en vol démontrèrent que la turbine à gaz engendrait des turbulences rendant les vols très inconfortables. D’autant que le Westland Wessex HCC Mk-4 avait alors fait son apparition dans le paysage royal britannique, avec pour lui les faveurs d’Elisabeth II.
Les Whirlwind HAR Mk-11 de leur côté prirent très vite les alertes SAR le long du littoral britannique, leur livrée jaune canari unie devenant mythique pour les décennies à venir notamment en Manche. Pour une raison assez obscure à partir de 1968 ils virent leur désignation modifiée en Whirlwind HAR Mk-10.
La majorité des Westland Whirlwind demeura en service jusqu’au milieu des années 1980, à l’exception des Whirlwind HAS Mk-7 qui n’eurent qu’une dizaine d’années de carrière avant de laisser la place aux Westland Sea King HAS Mk-1 à la fin des années 1960.
Comme cela avait été le cas avec le Dragonfly le Westland Whirlwind fut développé également en sous-versions pour l’export. Trois furent créées et appelées Series 1, Series 2, et Series 3. La première possédait le moteur Pratt & Whitney, la deuxième le moteur Alvis Leonides, et la troisième la turbine Bristol-Siddeley. Les marchés visés étaient autant civils que militaires, ce fut pourtant les seconds qui furent les plus prolifiques.
Le Westland Whirlwind connut une carrière militaire auprès des pays suivants : l’Autriche, le Brésil, Bruneï, l’Espagne, la France, le Ghana, l’Iran, l’Italie, le Koweït, le Nigeria, le Qatar, et la Yougoslavie. Il subit deux cuisants revers auprès d’anciennes colonies britanniques : le Canada qui exploitait déjà le Sikorsky HO4S Chickasaw et l’Inde qui lui préféra le Breguet Br.1050 Alizé.
L’histoire commune du Westland Whirlwind et de la France est pour le moins chaotique. C’est en 1957 que douze Whirlwind Series 2 furent achetés par le ministère de la défense nationale. Neuf étaient à destination de l’Aviation Légère de l’Armée de Terre qui les affecta au Groupement d’Hélicoptères N°1 et les trois derniers à celle de la Marine Nationale. Là ils rejoignirent les Sikorsky H-19 en dotation au sein de la toute nouvelle Flottille 33F.
En fait sous la cocarde tricolore les Whirlwind servirent surtout en Algérie, autant pour de la dépose de parachutistes que de commandos marine. Mais surtout ils ne furent jamais vu autrement que comme des H-19, et ce malgré leur motorisation britannique.
La signature des accords d’Évian le 19 mars 1962 signa la fin de leur carrière dans l’aéronavale, au profit du Sikorsky HSS-1 tandis que l’ALAT dut attendre octobre 1965 pour voir partir ses sept derniers Whirlwind. Entre temps ils avaient été reversés au Groupement d’Hélicoptères N°2. En attendant mieux c’est le Piasecki H-21C « Banane Volante » qui remplaça les Whirlwind de l’Armée de Terre.
Au Brésil c’est la Marinha do Brasil qui utilisa cinq Whirlwind Series 1 à partir de juin 1961. Ils embarquaient sur le porte-avions Minas Gerais comme machines de servitude et recherche sauvetage en mer. En 1966 deux furent renvoyés chez Westland afin que leur moteur en étoile ne soit déposé au profit d’une turbine à gaz. Ils devinrent ainsi des Whirlwind Series 3. Ils demeurèrent en service jusqu’en octobre 1982, laissant la place à des Sikorsky SH-3A Sea King rachetés de seconde main auprès de l’US Navy.
En Espagne l’Ejercito del Aire attribua à ses six Westland Whirlwind Series 2 la désignation de ZD-1B, celle de ZD-1A étant prise par les Sikorsky H-19. Comme eux les hélicoptères de facture britannique assuraient des missions de recherches et de sauvetages en mer. Ils furent utilisés de 1962 à 1974.
Au final le Westland Whirlwind est beaucoup plus qu’une simple production sous licence britannique d’un hélicoptère américain. Premier hélicoptère anti-sous-marin de la Royal Navy, premier hélicoptère de transport royal de la Royal Air Force il a aussi permit à l’industrie britannique de défricher le domaine de vol des hélicos à turbines.
Il est à signaler que les désignations Whirlwind HAR Mk-21 et Whilrwind HAS Mk-22 désignent en réalité des Sikorsky HO4S Chickasaw achetés de seconde main par la Grande Bretagne, et surtout pas des machines produites par Westland.
Rappelons enfin qu’un Westland Whirlwind éponyme existe, un célèbre chasseur bimoteur daté de la Seconde Guerre mondiale.
De nos jours plusieurs exemplaires de cet hélicoptère sont visibles dans des musées, notamment au Fleet Air Arm Museum de Yeovil en Grande Bretagne ou encore au Château de Savigny-les-Beaunes en France. En outre un Whirlwind HAR Mk-10 est maintenu en état de vol en Grande Bretagne sous l’immatriculation civile G-BGVE.
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