Lorsque l’on aborde le cas des hélicoptères de combat on pense généralement aux lourds appareils d’appui tactique et de lutte antichars comme par exemple le Bell AH-1 Cobra américain ou le Mil Mi-28 Havoc soviétique. Ce n’est pourtant là qu’une forme parmi d’autres d’hélicoptères de combat. L’autre grande famille est composée des machines dédiées à la lutte anti-sous-marine et anti-navires chez qui les torpilles et les missiles air-surface remplacent bien souvent les mitrailleuses, roquettes en paniers, et missiles antichars. Dans cette catégorie peu de pays ont réellement réussi à produire en série des aéronefs réellement remarquables. La Grande Bretagne l’a, elle, fait à trois reprises depuis les années 1960. Et le premier de ces succès en matière d’hélicoptères de combat maritime fut le petit monoturbine Westland Wasp.
Quand à la toute fin des années 1950 la Royal Navy annonça rechercher un hélicoptère de lutte anti-sous-marine destiné à servir à bord de ses frégates et destroyers elle se tourna tout naturellement vers Saunders-Roe et son P.531 expérimental. L’appareil en question avait le mérite d’être compact, suffisamment pour permettre son embarquement tout en étant assuré d’être produit en série puisque commandé par l’Army Air Corps en tant que Scout. Pour autant la machine ne répondait pas exactement aux attentes des marins britanniques.
La première modification demandée concernait l’atterrisseur de l’hélicoptère. Les ingénieurs de Saunders-Roe durent plancher sur une version dotée de roues et non de patins. La Fleet Air Arm utilisait alors des Westland WS-51 Dragonfly, une version locale du Sikorsky R-5 américain, doté d’un train tricycle. D’autres pistes furent envisagées, et c’est lors de vacances dans le sud de la France qu’un des ingénieurs britannique eut la réponse. Fréquentant les plages de Fréjus et Saint Raphaël il eut la surprise de voir passer deux hélicoptères SNCASE SE-313 Alouette II dotés d’un train quadricycle. Le «caddie volant» était donc la solution.
Si ça marchait pour la Marine Nationale il n’y avait pas de raison que cela échoue auprès de la Royal Navy !
Une fois rentré en Grande Bretagne il modifia ainsi le quatrième prototype de P.531. Ce changement d’atterrisseur eut des répercussions sur l’aérodynamique de l’appareil, rendant inutile les stabilisateurs latéraux au niveau de la poutre. De ce fait les ingénieurs de Saunder-Roe purent doter celle-ci d’un système de repliage, rendant l’entreposage de l’hélicoptère plus facile. Malheureusement pour le constructeur britannique la SNCASE refusa de vendre la licence de fabrication des atterrisseurs quadricycles, obligeant Saunders-Roe à passer un accord avec l’industriel américain Lockheed qui en proposait un également. En fait le système SNCASE relevait tellement du bricolage que les Français n’eurent jamais le courage d’accepter sa fabrication en grande série outre-Manche.
Malheureusement comme dans le cas du Scout le constructeur Saunders-Roe ne vit rien du succès de son hélicoptère anti-sous-marin. Lors de la fusion avec Westland une commande fut passée par la Fleet Air Arm pour quatre-dix-huit Wasp dont les premiers exemplaires entrèrent en service en novembre 1963. Leur rôle était alors unique : la traque et la destruction des submersibles soviétiques. La guerre froide battait son plein.
L’armement standard de l’hélicoptère était de deux torpilles placés sous le fuselage, entre les jambes du train d’atterrissage fixe. Il s’agissait d’engins de modèles Mark 44 ou Mark 46 de facture américaine. Trois charges de profondeurs Mark 11 conçues localement pouvaient remplacer les dites torpilles.
À partir de Noël 1964 tous les Westland Wasp HAS Mk-1 destinés à la Fleet Air Arm furent livrés avec deux systèmes de flottaison de secours, fixées dans des compartiments juste en dessous du rotor principal de l’appareil. Cet équipement de sécurité reçut assez vite le sobriquet de : «Mickey’s ears». C’est à dire «les oreilles de Mickey».
À la même époque la mitrailleuse L7A, une version fabriquée sous licence britannique de la FN MAG belge de calibre 7.62 millimètres fut installée sur ces hélicoptères afin de leur octroyer une capacité d’autodéfense. Si le Wasp emportait cette mitrailleuse et son conteneur à cartouche sa charge était limitée à une seule torpille.
L’année 1968 vit l’hélicoptère doté d’une nouvelle capacité : la lutte anti-navires. Pour cela il fut équipé d’une capacité d’emport d’un à deux missiles Nord AS.12 de facture française. Grâce à cette arme très précise le Westland Wasp HAS Mk-1 pouvait s’attaquer à des navires de guerre de petite taille, jusqu’à la frégate. Pour les bâtiments plus imposants la Fleet Air Arm faisait appel à ses Westland Wessex HAS Mk-3 également armés d’AS.12.
Le couple Wasp / AS.12 fit ses preuves durant la guerre des Malouines.
Le 25 avril 1982 un Westland Wessex HAS Mk-3 prit en chasse le sous-marin argentin ARA Santa Fe qui venait de déposer un groupe de commandos sur une île de l’archipel britannique. Les charges de profondeurs tirées par l’hélicoptère britannique endommagèrent suffisamment le submersible pour l’obliger à faire surface. Malheureusement pour lui les frégates HMS Brilliant et HMS Plymouth, ainsi que le destroyer HMS Antrim avaient déployés leurs Westland Wasp respectifs. Armés chacun de deux missiles AS.12 ils firent feu sur le bâtiment ennemi, l’obligeant à s’échouer avec de lourds dégâts. Vingt-et-un des quatre-vingt-quatre membres d’équipage du sous-marin avaient péri et trente autres étaient blessés, à divers degrés. Ils l’abandonnèrent, et aux côtés des survivants, se rendirent aux forces britanniques. Si l’AS.12 n’avait pas la puissance de feu d’un AM.39 Exocet il avait pourtant permis une belle victoire à la Royal Navy.
La guerre des Malouines fut le chant du cygne pour le Westland Wasp, le dernier exemplaire quittant le service actif en 1988 au profit du Westland Lynx HAS Mk-3.
Pour autant la carrière du Westland Scout ne se limita pas à la seule Royal Navy. Des exemplaires furent pris en compte par les marines brésiliennes, indonésiennes, malaisiennes, néerlandaises, néo-zélandaises, et sud-africaines. La majorité d’entre-elles utilisa ses Wasp comme hélicoptères anti-sous-marins mais pas toutes.
La Marinha do Brasil utilisa ses dix hélicoptères, achetés entre 1966 et 1977, pour des missions de contrôle des zones de pèches et de lutte contre les guérillas. À cette fin ils furent modifiés en 1979 afin d’emporter l’ensemble Avibras composé d’une mitrailleuse FN de calibre 7.62 millimètres surmontant un panier LH-70/7 à sept roquettes de 70 millimètres. Les UH-2 Wasp brésiliens emportaient un de ses ensembles de chaque côté.
Aux Pays-Bas le Wasp était connu comme Westland AH-12A et remplissait des missions de lutte anti-sous-marine, notamment depuis le porte-avions HNLMS Karel Doorman. Ces hélicoptères étaient également déployés à bord de frégates et de destroyers.
L’utilisateur étranger le plus important du Westland Wasp est souvent considéré comme la Royal New Zealand Navy. Elle employa huit de ces hélicoptères entre 1966 et 1998 pour des missions de lutte anti-sous-marine et de lutte anti-navires. Comme les machines de la Royal Navy ceux-ci furent dotés de missiles français AS.12, mais pas avant 1973. À partir de septembre 1990 la frégate HMNZS Southland embarquant un Wasp fut déployée afin de soutenir l’action internationale visant à placer l’Irak de Saddam Hussein sous un strict embargo maritime. L’hélicoptère fut notamment employé pour aider à l’inspection de navire suspectés de transporter des armements en provenance de Chine.
La Nouvelle-Zélande a remplacé ses Westland Wasp par des Kaman SH-2F Seasprite de facture américaine.
De nos jours plus aucun Westland Wasp ne sert nul part dans le monde. Un exemplaire est cependant préservé au Royaume-Uni en état de vol tandis que plusieurs se trouvent un peu partout dans le monde.
Au travers de sa riche carrière internationale le Wasp a su démontrer qu’il était autre chose qu’une simple version navalisée du Westland Scout. Il demeure à ce jour une des meilleurs réussites de l’industrie aéronautique britannique de la guerre froide dans le domaine des voilures tournantes.
En savoir plus sur avionslegendaires.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.