Au tout début du 21e siècle un sondage paru dans la presse aéronautique anglophone expliquait que l’hélicoptère favori des Britanniques était la Gazelle. Le même sondage disait que ces mêmes Britanniques pensaient à plus de 90% que cet appareil avait totalement été pensé et construit au Royaume-Uni. Pour la petite histoire il ressortait que le premier hélicoptère français auquel pensaient les sondés était le Puma. Détail intéressant tous deux avaient été pensés par Sud Aviation et tous deux représentaient un partie importante de l’Anglo-French Helicopter Agreement.
Mais alors pourquoi les sujets de Sa Majesté pensaient que la Gazelle était comme eux britannique ? Tout ça à cause sans doute de la Westland Gazelle.
Il faut remonter à 1967 pour comprendre le pourquoi du comment. À cette époque Britanniques et Français étaient tombés d’accord sur l’achat et la licence de production pour les premiers du SA.330 Puma et de l’achat et la participation industriel autour du Lynx pour les seconds. C’est ça l’Anglo-French Helicopter Agreement. Ou plutôt cela en est les deux tiers.
Car cette année-là à Londres, à l’état-major de l’Army Air Corps des généraux britanniques firent entendre leur petite musique. Ils avaient remarqué depuis quelques temps un hélicoptère particulièrement ambitieux : la SA.341 Gazelle.
Ils cherchaient alors à remplacer leurs Westland Sioux AH Mk-1 de reconnaissance armée et d’appui tactique ainsi que leurs derniers Saunders-Roe Skeeter AOP Mk-12 d’observation. Et ils avaient jeté leur dévolu sur l’hélicoptère français. Après de rapides négociations la Gazelle fut intégrée à l’accord franco-britannique.
Afin de répondre aux besoins de l’Army Air Corps la société Westland signa un accord autour de la production de 270 exemplaires de la version SA.341B. Les livraisons étaient prévus pour débuter en 1973.
Très proche des appareils de présérie la Westland Gazelle conservait la turbine Astazou III de 600 chevaux conçue et produite par Turboméca en France. Par ailleurs désormais le poste de pilotage comportait des équipement en anglais, et le système métrique laissait la place au système impérial. L’avionique comportait un équipement radio type PTR.1751 relié à une antenne UHF fabriquée par la société britannique Chelton et installée sous la poutre de queue. Pour le reste, à quelques très rares exceptions marginales les hélicoptères britanniques et français étaient fondamentalement les mêmes.
En 1975 alors que les livraisons de Westland Gazelle AH Mk-1 allaient bon train l’hélicoptériste britannique renégocia le contrat initial, obtenant une licence supplémentaire pour dix à quinze SA.341B destinés au marché civil britannique.
Par la même occasion un contrat fut signé pour 80 machines de plusieurs sous-versions : la SA.341C destinée à l’entraînement des pilotes de la Royal Navy et connue comme Gazelle HT Mk-2, la SA.341D identique pour les pilotes de la Royal Air Force à l’exception des équipements navals et désignés Gazelle HT Mk-3, et enfin la SA.341E pour le compte là encore de la RAF et désignée Gazelle HCC Mk-4 afin d’assurer le transport de la famille royale et des hautes autorités civiles du pays. Cela concernait respectivement 40, 29, et quatre machines. Les sept hélicoptères restant étaient des SA.341E destinés au marché civil britannique haut de gamme.
Les SA.341B et SA.341E civils étaient désignés Westland Gazelle Mk-1 et Gazelle Mk-5.
Les livraisons aux forces britanniques s’échelonnèrent jusqu’en mars 1985, l’Army Air Corps possédant sa pleine dotation en février 1984.
Très vite la Westland Gazelle se tailla une réputation d’hélicoptère sûr et facile à piloter. L’Army Air Corps céda en 1982 dix-sept Gazelle AH Mk-1 au Royal Marines Corps afin qu’ils servent de base au Commando Brigade Air Squadron 3 pour des missions d’appui tactique. Équipés de mitrailleuses belges de calibre 7.62mm et de paniers à roquettes SNEB de 68mm de facture française ils devaient assurer des missions de jour au-delà des lignes ennemies.
Quand la guerre des Malouines éclata ces appareils ainsi que des machines de l’Army Air Corps y furent déployés afin de répondre aux agressions argentines.
Les Malouines furent le baptême du feu des Westland Gazelle AH Mk-1. Trois y furent perdues, dont deux du fait de tirs de la DCA argentine et un autre d’un tir fratricide commis par le destroyer britannique HMS Cardiff. Ironie de l’Histoire seul ce tir fut mortel pour un équipage de Gazelle, les quatre militaires britanniques périrent. Après coup les artilleurs anti-aériens de la Royal Navy avouèrent avoir confondu l’hélicoptère de l’Army Air Corps avec une Alouette III argentine. La Gazelle en question portait le code tactique XX377.
L’expérience des Malouines conduisit le ministère britannique de la défense à réclamer que désormais les Gazelle soient mieux protégées et surtout plus lourdement armées. Avec le concours d’ingénieurs et de techniciens français d’Aérospatiale un lot de soixante-sept machine fut modifié pour la lutte antichar avec capacité de tir de quatre missiles TOW de fabrication américaine. Ces hélicoptères devinrent en janvier 1983 des Gazelle AH Mk-1A. Ils reprenaient une partie de l’avionique des SA.342M alors en dotation dans l’Aviation Légère de l’Armée de Terre.
Au cours des années 1980 les Gazelle AH Mk-1 poussèrent vers la retraite les Sud Aviation Alouette AH Mk-1 et Westland Scout AH Mk-1. Dans le même temps La Royal Navy fit un usage intensif de ses Gazelle d’entraînement. En 1984 quatre Gazelle HT Mk-3 de la Royal Air Force furent versés à l’Empire Test Pilot School. Ces machines volèrent jusqu’en 2018, laissant la place à des Airbus Helicopters H125 jugés bien plus modernes et adaptés.
Si la reine Elizabeth II n’utilisa que très peu ses Gazelle HCC Mk-4 c’est en raison de l’inconfort de l’appareil. La souveraine lui préféra au début des années 1990 un Sikorsky S-76 acheté sur le marché civil.
Avec l’apparition d’un cursus d’entraînement commun à toutes les forces britanniques les Westland Gazelle d’entraînement devinrent obsolète au tournant du 20e siècle. Beaucoup furent revendus sur le marché civil d’occasion.
Mais début 2020 l’Army Air Corps utilisait encore une cinquantaine de Gazelle AH.1 désarmées. Ces hélicoptères assuraient alors des missions de reconnaissance au profit des Westland Apache AH.1 d’attaque et d’appui. Le remplacement des dernières Gazelle militaires britannique est désormais envisagé pour 2030. Une longévité qui leur donnera un palmarès similaire à leurs homologues françaises.
À la différence des Français les Britanniques n’ont jamais doté leurs Gazelle de lames coupes câbles !
N’ayant pas le droit, au titre de l’Anglo-French Helicopter Agreement, d’exporter ses Westland Gazelle sur le marché militaire le gouvernement britannique fit une petite entorse en 1981. Cette année là en effet elle vendit deux Gazelle Mk-1 à la police qatarie, pour des missions parapublique. À cette époque cette force de l’ordre relevait plus d’une gendarmerie que d’une police. Toutes les machines civiles furent vendus sur le marché intérieur britannique.
Au Royaume-Uni la Westland Gazelle est un hélicoptère mythique ! Et grâce à cette monographique vous comprendrez sans doute un peu mieux pourquoi. Du coup la méprise entre hélicoptère britannique et français est largement plus compréhensible.
Plusieurs appartiennent à des collectionneurs privés sous livrées militaires tandis qu’une dizaine est d’ores et déjà préservée dans des musées aux quatre coins de la Grande Bretagne.
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