Vultee XP-54 Swoose Goose

Alors que l’émergence d’une menace hitlérienne forte obligea les avionneurs britanniques et français à penser des avions de chasse les plus pragmatiques possibles la neutralité dont faisaient preuves les États-Unis leur laissa plus de latitudes pour explorer de nouveaux horizons aéronautiques. C’est ainsi qu’en 1939 apparurent trois chasseurs encore expérimentaux dont l’allure extérieure laissait entrevoir une véritable volonté de modernité et d’avancées technologiques. Leur principe commun était de penser un futur avion de combat destiné à l’US Army Air Corps et tranchant radicalement avec ce qui se faisait alors.
L’avionneur Vultee proposa son superbe XP-54 Swoose Goose.

Quand l’US Army Air Corps établit le 27 novembre 1939 la fiche programme R40C l’Europe avait déjà sombré dans la guerre. Celle ci faisait suite à l’invasion de la Pologne par les armées allemandes bientôt rejointes par celles de leurs alliés soviétiques à l’est. Hitler et Staline comptaient bien se partager ce pays. Par un effet de dominos diplomatiques Britanniques et Français leur avaient déclaré la guerre. De l’autre côté de l’Atlantique nord les Américains vivaient, de leur côté, encore dans l’insouciance de la neutralité et de la paix. Les états-majors à Washington DC pourtant savaient tout de ce qui se passaient chez leurs deux alliés européens. Et les rapports sur la réalité d’une chasse allemande redoutablement dotée de chasseurs monomoteurs Messerschmitt Bf 109 et bimoteurs Bf 110 avaient largement alerté les généraux américains.
La fiche programme R40C relative à un monoplace de chasse et d’interception fut donc développée en ce sens. Elle demandait la plus grande innovation possible aux avionneurs voulant se lancer dans la compétition. Une seule obligation existait cependant : que le champ de vision du pilote soit totalement dégagé vers l’avant grâce au recours à un moteur à hélice propulsive.

Sur la quantité d’industriels aéronautiques que l’Amérique comptait déjà en cette fin d’année 1939 trois seulement y répondirent positivement. Curtiss, Nothrop, et Vultee. Leurs avant-projets avaient été respectivement désignés CW-24, N-2, et V-84. L’US Army Air Corps poussa pourtant d’autres constructeurs comme Bell, Lockheed, ou encore North American à se lancer dans la compétition mais sans résultat. En janvier 1941 chacun des trois constructeurs engagés se vit gratifier d’une enveloppe de développement de 250 000 dollars, une fortune pour l’époque, et d’une commande pour deux prototypes.

Les équipes de l’avionneur Vultee se mirent rapidement au travail. En fait ils s’appuyaient sur un autre avant-projet mort né quelques mois auparavant, le V-78. Il allait servir de base de travail pour le développement du Vultee V-84. Comme lui le chasseur allait posséder un train d’atterrissage tricycle escamotable, un empennage double dérive, et un nez très allongée permettant d’accueillir les futurs canons-mitrailleurs. À la différence par contre du V-78 le V-84 abandonna l’idée d’une voilure basse droite au profit d’ailes en mouette inversée. Ce type de voilure était alors à la mode. On le retrouvait sur le bombardier allemand en piqué Junkers Ju 87 et sur le tout nouvel avion de chasse destiné à l’US Navy, le Vought F4U-1 Corsair.
Pour la motorisation de son futur chasseur l’avionneur Vultee sélectionna Lycoming. Le motoriste de Williamsport avait développé son XH-2470 à vingt-quatre cylindres en H d’une puissance de 2300 chevaux entraînant une hélice propulsive quadripale dotée d’une casserole.
Destiné à la chasse à moyenne et haute altitude, notamment face à la menace des bombardiers ennemis, le V-84 se vit équipé d’équipements innovants comme des réservoirs auto-obturants, un cockpit en partie blindé, ou encore un turbocompresseur. Contrairement à la majorité des avions de son temps le Vultee V-84 n’était pas construit uniquement en acier. Il possédait aussi plusieurs éléments en alliages légers de magnésium, bien plus résistants.

Connu des militaires sous la désignation de XP-54 le Vultee V-84 fut baptisé Swoose Goose. C’est sous cette désignation qu’il vola le 15 janvier 1943. À cette époque ses deux concurrents directs, les Curtiss XP-55 Ascender et Northrop XP-56 Black Bullet n’avaient même pas entamé leurs essais de roulage. En fait Vultee payait ici les gains du V-78 ayant permis bien avant le lancement de la fiche programme R40C d’envisager l’avenir. Et les généraux américains y furent sensibles. Beaucoup voyaient dans le XP-54 un avion capable de damer le pion des meilleurs chasseurs japonais. Il faut dire que quand ce premier vol intervint l’Amérique était en guerre depuis un peu plus d’un an et se battait sur tous les fronts.

En coulisse pourtant les dirigeants de Curtiss, de Northrop, et de Vultee se rencontrèrent secrètement en août 1943 Le XP-55 venait juste de voler et le XP-56 accumulait les retards et les pannes. Mais surtout les responsables des trois avionneurs se méfiaient des déclarations de l’US Army Air Force. S’ils savaient pertinemment que le très secret Bell XP-59 Airacomet ne matchait pas dans la même catégorie que leurs avions respectifs ils craignaient beaucoup les rumeurs concernant la création chez Lockheed d’un chasseur à réaction de supériorité aérienne et d’appui tactique. Celui-ci pouvait vraiment mettre en danger la fiche programme R40C que plusieurs élus américains avaient publiquement décrits comme obsolète dès le printemps 1943.
Finalement à l’été 1944 l’état-major de l’US Army Air Force révéla la vérité : les trois avions ne seraient jamais produits en série. Ils continuèrent de voler encore quelques mois, jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale pour le XP-54 Swoose Goose qui servait alors aux essais de motorisation chez Lycoming.

Sans doute le plus élégant des trois avions expérimentaux développés consécutivement à la fiche programme R40C le Vultee XP-54 Swoose Goose est aussi le moins connu aujourd’hui.
Seul le second prototype reçut l’armement de bord.
Quand l’avion cessa ses vols Vultee n’existait plus, sa raison sociale était devenue Convair.