L’histoire aéronautique est jalonnée de prototypes et d’aéronefs expérimentaux plus ou moins réussis. Certains ont enflammé l’inconscient collectif comme par exemple le Bell X-1 tandis que d’autres en revanche sont vite retombés dans l’oubli. Pourtant tous ont eu à un moment donné le mérite de passionner les ingénieurs qui les avaient conçus, et parfois d’effrayer les pilotes qui menaient leurs essais. Justement un des avions les plus communément reconnus comme difficile à piloter et donc à prendre en main n’a jamais dépassé le stade expérimental : le Vought XF5U.
Même avec la meilleure des volontés il est difficile de savoir ce qui est passé par la tête de l’ingénieur américain Charles H. Zimmerman quand il inventa au tout début des années 1930 son concept d’aile circulaire. Si sur le papier celui-ci était révolutionnaire les autorités aéronautique s’accordèrent rapidement pour dire qu’il était irréalisable dans l’état des connaissances et de la technologie de l’époque. Surtout Zimmerman fut incapable de préciser s’il s’agissait d’un procédé visant à développer des avions civils ou militaires. Aussi il remisa durant de longues années son projet jusqu’au début de la décennie suivante.
L’entrée en guerre prévisible de l’Amérique dans le conflit qui déchirait alors l’Europe laissait entrevoir que l’US Army Air Corps et l’US Navy auraient un grand besoin en chasseurs de tous types. Au sein de la société Vought Charles H. Zimmerman proposa qu’on étudie la possibilité d’un chasseur dérivé de son concept d’aile circulaire. Et aussi fou que cela puisse paraître le conseil d’administration de l’entreprise le suivit. Sur fonds propres fut donc lancé le programme V-173.
Dans le même temps les dirigeants de l’avionneur firent des pieds et des mains à Washington afin que les militaires s’intéressent à leur Vought V-173. Mais le scepticisme l’emportait souvent sur l’exaltation des ingénieurs et techniciens. Pourtant l’assemblage de ce prototype allait bon train.
Pour des raisons purement économiques le V-173 fut construit en bois, contreplaqués et toile. Si le projet ne dépassait pas le stade expérimental et que personne ne s’y intéressait il s’agissait aussi de ne pas engager de dépenses inutiles.
Extérieurement le Vought V-173 se présentait donc sous la forme d’un monoplan à aile médiane circulaire. Outre sa construction en contreplaqué et bois entoilé il disposait de deux petits moteurs forts peu onéreux : des Continental A-80 à quatre cylindres en ligne de 82 chevaux de puissance entraînant chacun une hélice tripale en bois et métal. Pour le reste l’avion disposait d’un train d’atterrissage classique fixe à grande incidence et d’un empennage à double dérive.
Son premier vol eut lieu le 23 novembre 1942.
Malgré le fait que dès le départ les pilotes d’essais firent remarquer, certains dirent même qu’ils se plaignaient, que l’avion était instable en vol et particulièrement difficile à faire décoller, et pis encore à faire atterrir une commande étatique arriva. L’US Navy envisageait alors fortement d’en développer une version de chasse à la fois terrestre et embarquée sous la désignation de Vought XF5U. Bien qu’il ne fut jamais officiellement baptisé l’avion fut rapidement affublé d’un sobriquet qui lui colla à la peau : le «Flying Pancake».
Pour mémoire le pancake est une petite crêpe assez épaisse que l’on mange en Amérique du nord lors du petit-déjeuner. Ce surnom n’avait donc rien de très élogieux pour l’avion de Charles H. Zimmerman.
Entre les deux avions de grosses différences existaient. Le Vought XF5U devait être bien plus gros, et surtout il devait être armé. Quatre canons de calibre 20mm et deux bombes de 454kg chacune devaient permettre à l’appareil de mener des missions de combat. Mais si Zimmerman put réunir une équipe, celle-ci devait travailler dans des conditions spartiates, au fond d’un atelier poussiéreux. Car le gros des usines Vought était affecté à la production en série du chasseur embarqué F4U Corsair, de l’hydravion d’observation OS2U Kingfisher, et à la sous-traitance pour d’autres constructeurs. L’Amérique était en guerre, et malgré son intérêt pour le XF5U celui-ci ne devait pas empiéter sur les autres avions assemblés.
Malgré donc une architecture très originale le futur chasseur avait tout d’un avion très innovant. Ses deux moteurs en étoile Pratt & Whitney R-2800 Twin Wasp de 1350 chevaux entraînaient chacun une hélice quadripale en métal. Mais l’emplacement de ceux-ci étaient particulier : chaque moteur était situé de part et d’autre du poste de pilotage, et ils étaient noyés dans l’aile. Deux arbres de transmission mécanique permettaient l’entraînement des hélices qui tournaient chacune dans un sens contraire vis à vis de l’autre. Le moteur de droite entraînait son hélice dans le sens des aiguilles d’une montre et le moteur de gauche dans le sens contraire. En cas de panne sur l’un des moteurs, celui restant pouvait en outre entraîner les deux hélices permettant ainsi au pilote de rentrer à bon port.
Mais les innovations ne sont pas limités à la motorisation. Car construit intégralement en métal le XF5U possède un revêtement travaillant en un matériaux appelé metalite : des lamelles de balsa sont recouvertes de feuilles d’aluminium. Un procédé qui doit permettre d’alléger la masse de l’avion.
Alors que la guerre prenait fin dans le Pacifique, ce Vought XF5U n’avait toujours pas voler en l’état. Pis le prototype du V-173, le seul ayant volé, avait été gravement endommagé lors d’un transfert routier vers un centre d’essais en Californie. Un premier arrêt de quelques semaines entre avril et juin 1946 fut ordonner afin d’étudier les possibilités pour relancer le programme. On pensa alors déposer les deux moteurs en étoile et les remplacer par des turbopropulseurs, le mode de motorisation alors en plein boom mais cela aurait nécessité de nouveaux travaux bien trop lourds pour un avion que personne ne prenait alors vraiment au sérieux dans l’US Navy. Finalement le programme XF5U fut tout bonnement abandonné en mars 1947 sans que l’avion n’ait jamais dépassé le stade des essais statiques.
Au final donc dans ce programme Vought XF5U seul le «petit» V-173 a réellement volé. Il s’agit du seul et unique avion connu à ce jour comme aboutissement du principe de l’aile circulaire. Une fois restauré il a été versé aux collections du National Air & Space Museum.
De nos jours il semble toujours aussi original aux visiteurs qu’à l’époque aux militaires.
En savoir plus sur avionslegendaires.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.