Voisin Type V / Type VI

De toutes les évolutions militaires qui naquirent durant la Première Guerre mondiale l’aviation est celle qui marqua le plus son temps. Entre les premiers frêles et instables monoplans de 1914 et les robustes biplans manœuvrables de 1918 il y avait un véritable gouffre technologique. Parmi les constructeurs qui marquèrent ce conflit il y eut en France la Société Anonyme des aéroplanes Gabriel Voisin qui se spécialisa dans l’étude et le développement d’appareils dédiés aux missions de reconnaissance et de bombardement. Dans cette dernière catégorie une machines les plus marquantes fut le Type V.

À la toute fin de l’année 1914 les autorités militaires françaises demandèrent à Voisin d’étudier la possibilité de développer deux versions améliorée du Type III. La première devait permettre de mener des missions de chasse lourde tandis que la seconde assurerait des vols de bombardement avec un moteur plus puissant. Les deux avions reçurent les désignations respectives de Type IV et Type V. Sur ce second modèle le nouveau moteur choisi était le Salmson P9 à neuf cylindres en étoile installé en mode propulsif et actionnant une hélice bipale. Sa puissance était de 150 chevaux. Pour l’ensemble il reprenait les grandes lignes du Type III mais avec un train d’atterrissage surélevé et une envergure accrue. Son armement se composait d’une mitrailleuse mobile de calibre 7.5 millimètres installée dans la partie avant de la nacelle de pilotage et d’une charge de bombes atteignant 225 kilogrammes. Le Voisin Type V était servi par deux membres d’équipage, un pilote et un observateur bombardier. C’est ce dernier qui servait l’armement défensif. Son prototype vola pour la première fois en février 1915.

Aussi connu comme Voisin LAS le Type V entra en service dans le courant du mois de mai 1915. Évoluant en escadrilles au-dessus des lignes ennemies ils pouvaient frapper aussi bien les villes d’Allemagne que les garnisons ou les régiments allemands et austro-hongrois. Dès l’été 1915 le biplan français s’était taillé une réputation particulièrement noire auprès des troupes ennemies. Il était réputé frapper ses objectifs avec précision tout en pouvant s’échapper avant que la chasse allemande ne le rattrappe.

Si à l’export il n’intéressa pas la Belgique, la Grande Bretagne, et l’Italie un accord industriel fut passé avec la Russie et plus particulièrement avec les avionneurs Dux, Lebedev, et Tereshchenko. Outre soixante-dix exemplaires livrés aux forces impériales russes à la fin du printemps 1915 un total de 463 exemplaires furent produits localement par les trois entreprises. Le Voisin Type V devint rapidement le principal bombardier russe, ce qu’il ne fut jamais en France. Malgré son efficacité il demeurait dans l’ombre du Type III.

Début 1916 un lot de cinquante Type V fut construit avec une voilure de Type III. L’avion reçut la désignation de Voisin Type VI. Il ne fut cependant jamais engagé dans des missions diurnes. Moyennant l’emport de trois phares sous fuselage ils furent employés comme bombardiers de nuit. Les Type V subirent la même modification. Les deux modèles d’avions n’emportaient alors plus que 150 kilogrammes de bombes. Ils permirent de nouveaux raids aériens nocturnes contre les forces allemandes. Finalement début 1918 les derniers Type V et Type VI encore en dotation furent retirés du service car désormais obsolètes face à la chasse allemande.

En Russie la production se poursuivit jusqu’au printemps 1917. Lors de la révolution bolchévique les Voisin Type V furent engagés dans des raids aériens par les forces tsaristes contre les forces léninistes. Leur emploi fut cependant marginal. Finalement plusieurs tombèrent entre les mains des forces marxistes. Le Type V fut le premier bombardier de la jeune aviation soviétique. Localement plusieurs furent modifiés afin de permettre de remplacer les roues du train quadricycle par des skis. Ils demeurèrent en service jusqu’en 1924, époque à laquelle ils étaient totalement dépassés.

Évolutions de l’excellent Type III le Voisin Type V et sa sous version Type VI figurent parmi les avions de la Triple Entente ayant eu le plus d’impact sur le moral des troupes allemandes. Avions de qualité ils étaient globalement appréciés de leurs équipage qui le reconnaissaient une maniabilité élevée. Fin 2023 un exemplaire fabriqué par Lebedev était toujours exposé au musée de Monino en Russie.