Pour des puissances aéronautiques européennes comme l’Allemagne, la France, l’Italie, ou encore le Royaume-Uni retrouver le tout premier aéronef construit en série relève souvent de la gageure. Au sujet des pays de moindre importance dont bien souvent l’industrie aéronautique remonte à l’entre-deux-guerres le défi est nettement plus facile. On y retrouve des nations comme la Belgique, l’Espagne, la Finlande, ou encore la Roumanie. Dans le cas de l’avant-dernière de ceux ci il s’agit d’un petit biplan d’entraînement ayant servi aussi bien comme avion terrestre que comme hydravion à flotteurs : le VL Sääski.
Dans la seconde moitié des années 1920 l’expérience aéronautique en Finlande se limitait à le production sous licence d’appareils étrangers comme l’avion d’entraînement français Caudron C.60 ou encore l’hydravion allemand de reconnaissance Hansa-Brandenburg W.33. Des travaux d’ingénierie et de conception avait bien eu lieu avec les chasseurs C.24 et C.25 mais ceux-ci n’avaient jamais dépassé le stade du prototype, pas plus que le biplan d’entraînement K.1. En fait les ingénieurs d’IVL étaient marqués par leurs échecs.
À la même époque une équipe indépendante menée par l’ancien pilote militaire Asser Järvinen, par ailleurs héritier d’une puissante famille de banquiers, et par l’ingénieur Kurt Berger se lança sur fonds propres dans l’étude d’un appareil d’entraînement justement destiné au remplacement des Caudron C.60. L’idée était courageuse car malgré les appuis financiers de Järvinen elle ne possédait aucun atelier, tout juste un petit bureau d’étude installé dans un appartement d’Helsinki. Cette équipe comprit bien vite que les ingénieurs d’IVL avaient échoué car ils avaient tenté de réaliser des machines aux standards britanniques ou français. Ils devaient penser leur appareil pour les seuls besoins et donc les seuls standards de la Finlande. Ils avaient donc l’obligation qu’il soit modeste et robuste.
En premier lieu et comme pour tout aéronef une fois les designers entrés en action il fallut trouver un moteur idoine. Après avoir envisagé des collaborations avec De Havilland puis Renault ils jetèrent leur dévolu sur le motoriste allemand Siemens-Halske et son Sh 12 à neuf cylindres en étoile d’une puissance de 120 chevaux. Malgré le Traité de Versailles de 1919 l’Allemagne avait l’autorisation de concevoir et de vendre des moteurs d’avions à condition que ceux-ci soient d’origine civile. Ce qui était le cas du Sh 12 utilisé notamment par les Udet U8 et U12 ou encore par le BFW M.27.
Un prototype fut construit sous le nom de Sääski, le moustique en finnois. Porteur de l’immatriculation locale K-SASA il réalisé son premier vol en novembre 1927 soit à peine huit mois après le lancement du programme. L’avion fut immédiatement acheté par une connaissance d’Asser Järvinen qui en fit son appareil personnel. L’équipe d’ingénieurs avait cependant eu le temps de le présenter aux militaires qui avaient vu en lui un appareil capable de mener des missions d’entraînement de base.
L’Ilmavoimat passa une première commande pour dix exemplaires qui devaient être assemblés dans le même petit atelier qui avait vu l’assemblage du prototype. Le premier exemplaire était destiné là encore aux essais en vol et fut employé sous l’immatriculation civile K-SASB. Un moustique stylisé avait été peint sur l’avant du fuselage afin de le familiariser avec les militaires. Le rythme des livraisons était lent. En 1930 l’état finlandais ordonna que l’équique de Berger et Järvinen intègrent IVL. Par pure superstition vis-à-vis des échecs de cette société il fut décidé de renommer le constructeur VL. Le Sääski allait être son tout premier avion. Surtout avec déjà dix machines produites d’affilé il était le premier appareil finlandais construit en série. Deux autres commandes suivirent, une pour dix-huit exemplaires comme hydravions à flotteurs et l’autre pour quatre machines disposant d’une potentialité d’emport d’une mitrailleuse mobile Vickers de calibre 7.62 millimètres. Dédiés aux missions de reconnaissance ces exemplaires furent pris en compte par les Rajavartiolaitos, les gardes frontières finlandais, dont ils furent les tous premiers avions.
Pour VL les exemplaires destinés à l’Ilmavoimat furent désigné Sääski II, aussi bien les avions que les hydravions, et ceux des Rajavartiolaitos Sääski III. Les livraisons s’échelonnèrent jusqu’en 1932. D’autres furent vendus sur le marché civil, et notamment un à la pionnière norvégienne de l’aviation Gidsken Jakobsen qui l’employa pour la cartographie aérienne des fjords de son pays.
En tant qu’avion et hydravion d’entraînement ce biplan était particulièrement apprécié des élèves pilotes mais aussi des instructeurs. Surtout il représentait la fierté d’évoluer sur un appareil 100% pensé et réalisé en Finlande.
Quand en novembre 1939 la Guerre d’Hiver éclata entre la Finlande et l’Union Soviétique le VL Sääski demeurait le principal avion et hydravion d’entraînement de base de l’Ilmavoimat. Les quatre exemplaires des Rajavartiolaitos furent balayés par l’aviation soviétique dès le premier jour de conflit. Trois furent détruits lors d’un bombardement et le quatrième descendu par un chasseur Polikarpov I-16. Ce fut d’ailleurs la première victoire aérienne de l’URSS contre la Finlande. Pas la dernière ! Malgré cela plusieurs exemplaires restèrent en service dans l’aviation finlandaise une fois les hostilités terminées. L’ultime Sääska quitta le service actif en octobre 1943.
Aéronef mal connu de ce côté ci de l’Europe le VL Sääska est cependant une superstar en Finlande. Le Suomen Ilmailumuseo, le musée aéronautique d’Helsinki, préserve et expose un exemplaire du premier appareil finlandais construit en série. Un autre exemplaire est conservé dans un musée dédié aux hydravions tandis qu’une réplique du Sääska de l’aviatrice Gidsken Jakobsen est lui exposé en Norvège. Pour la petite histoire les Rajavartiolaitos possèdent toujours un élément aérien axé principalement autour des hélicoptères Bell 412 et Eurocopter AS.332 Super Puma, et ayant récemment commandé des jets de reconnaissance Bombardier Challenger 650. Et tout ça est partie d’un petit biplan ô combien rustique.
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