Parfois encore considéré, à tort, comme secondaire vis à vis de la chasse le transport aérien militaire est un élément essentiel de toutes forces aériennes. De la plus mineure à la plus puissante aucune ne peut faire l’impasse sur les avions et hélicoptères de transport. Ils sont l’essence même de la projection aéroportée. Et dans ce segment la Royal Air Force tient lieu de précurseur. Bien avant leurs homologues américains ou français les aviateurs britanniques comprirent l’intérêt de disposer d’avions militaires de transport. Une des premières véritables réussites dans ce domaine découlait d’un bombardier bimoteur. Il s’agit du Vickers Victoria, daté des années 1920.
Quand au tout début de l’année 1920 l’Air Ministry remit à plat le principe de cahier des charges dans la dotation d’avions militaires il créa les désormais fameuses Specifications. Il s’agissait de véritables appels d’offres assez détaillés permettant à la Royal Air Force et à la Royal Navy d’obtenir alors les avions et hydravions qu’ils souhaitaient.
L’une des premières fut la 5/20 relative à un avion de transport militaire biplan. Elle prévoyait que le futur appareil devait pouvoir accueillir entre vingt et vingt-quatre soldats équipés ou une charge marchande de 1850 kilogrammes sur une distance de 1100 kilomètres sans escale.
Trois constructeurs y répondirent : Armstrong-Whitworth, Bristol, et Vickers.
Au printemps 1921 l’avant-projet de Bristol fut rejeté tandis que l’Air Ministry passait commande pour deux prototypes de chacun des deux autres avions encore en compétition. Ils étaient désignés Armstrong-Whitworth Awana et Vickers Victoria. Si le premier était un avion entièrement original le second lui dérivait du bombardier lourd Virginia, alors en dotation dans les unités de la RAF. Surtout Vickers pouvait s’appuyer sur un autre avantage : son Vernon était entré en service quelques temps plus tôt, devenant le tout premier avion de transport militaire britannique.
L’avionneur avait donc des arguments à faire valoir, il avait également de ce fait une obligation d’excellence.
Extérieurement le Vickers Victoria ne pouvait pas renier sa parenté avec le bombardier Virginia. Il s’agissait d’un biplan de construction mixte en bois entoilé et contreplaqué. Sa propulsion était assurée par deux moteurs à douze cylindres en W Napier Lion Mk-II d’une puissance unitaire de 450 chevaux et entraînant une hélice bipale en bois. La cabine était aménagée pour accueillir vingt-quatre soldats équipés tandis que les deux pilotes prenaient place dans un cockpit biplace côte à côte à l’air libre. Le Virginia possédait un empennage double et un train d’atterrissage classique fixe.
C’est dans cette configuration que le premier vol de l’avion eut lieu le 22 août 1922.
Alors qu’un second prototype était en cours d’assemblage l’Air Ministry décida d’octroyer le contrat à Vickers. L’Armstrong Whitworth Awana pourtant plus avancé sur le plan industriel était bon pour la casse. Les deux prototypes de l’avion choisi reçurent les désignations officielles de Victoria Mk-I et Victoria Mk-II.
Un lot de quarante-six avions de série désignés Victoria Mk-III fut commandé. Les premiers entrèrent en service au début de l’année 1926.
Sans toutefois remplacer immédiatement les Vickers Vernon les nouveaux avions permirent de largement les surclasser. Pourtant à l’époque déjà l’avionneur cherchait à les remplacer. Un prototype Victoria Mk-IV fut assemblé et vola en 1925. À la différence de ses prédécesseurs il disposait d’une voilure et d’un fuselage faisant appel à des tubulures d’acier. Un contrat fut signé avec la Royal Air Force afin que les treize derniers avions livrés en 1926 soient construits comme tels. Sur ces avions les moteurs d’origine furent déposées au profit de Bristol Jupiter Mk-V à neuf cylindres en étoile d’une puissance nominale de 480 chevaux.
À l’usage ces Victoria Mk-IV montrèrent de vraies avancées mais également une sous-motorisation réelle.
C’est pourquoi Vickers développa le Victoria Mk-V qui était en fait un Victoria Mk-IV doté de moteurs à douze cylindres en W Napier Lion Mk-XIB. Ceux-ci avaient une puissance unitaire de 570 chevaux. Trente-sept exemplaires furent assemblés.
À cause de l’alourdissement structurelle due à l’ajout de pièces métallique la capacité des Victoria Mk-IV et Mk-V fut ramenée à vingt-deux passagers.
Si les Vickers Victoria Mk-III et Mk-V servirent principalement en Grande Bretagne les Victoria Mk-IV furent surtout déployés dans les colonies britanniques. Égypte, Inde et Irak furent les principaux territoires survolés par les avions dotés de moteurs en étoile. À l’usage le Victoria s’imposa bien plus comme un avion de transport de personnels que de fret. Surtout en 1927 il permit à la Royal Air Force de réaliser les premiers largages de troupes aéroportées, notamment au-dessus des faubourgs de Bagdad. Si les avions étaient parfaitement adaptés les techniques de parachutisme militaire étaient encore balbutiantes. Lors de la première manœuvre de ce type quatre fantassins britanniques se tuèrent, leurs voilures ne s’étant pas correctement ouvertes.
En 1930 deux Victoria Mk-III furent transformés en avions d’entraînement avancé.
En 1932 Vickers décida de répondre à une demande de la Royal Air Force visant à se doter d’un bombardier de transport. Un prototype Victoria Mk-VI fut alors développé avant que l’avionneur ne se ravise et décide de développer l’avion sous son propre nom. Ainsi naquit le Valentia qui servit jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.
Plusieurs Victoria Mk-V furent d’ailleurs transformés à ce standard.
Finalement les derniers Vickers Victoria quittèrent le service actif en 1935. Jamais vendu à l’export cet avion permit à la Royal Air Force de se faire un nom dans le domaine du transport aérien militaire, et une expertise totale à une époque où d’autres comme la France ne faisaient que débuter sur le sujet.
Aujourd’hui il ne reste plus aucun Victoria, tous ont été détruits.
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