Contrairement à une idée reçue la Première Guerre mondiale fut très riche en production aéronautique. On dénombra des dizaines de types différents de chasseurs dont certains construits en toute petite série, et ce aussi bien au sein de la Triple Entente autant que de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie. En Grande-Bretagne un des exemples les plus marquants fut le monomoteur biplan Vickers F.B.19 Bullet.
En décembre 1914 l’ingénieur Rex Pierson se lança dans le développement d’un chasseur d’observation monoplace sous la désignation de Vickers E.S.1. E.S. signifiant Experimental Scout et le chiffre 1 indiquant qu’il s’agissait du premier avion de ce genre développé par l’avionneur. Il devait permettre de fournir un avion léger, facile d’usinage, peu onéreux, donc aisé à construire en grande série. Pour cela il limita l’armement à une mitrailleuse Vickers de calibre 7.7 millimètres installée au-dessus du plan supérieur de voilure. Il était animé par un moteur rotatif Clerget 9Z à neuf cylindres en étoile d’une puissance de 115 chevaux.
Les essais en vol menés à partir d’août 1915 démontrèrent que ce choix avait été judicieux puisque le prototype E.S.1 atteignit la vitesse de 190 kilomètres heures, une première alors pour un chasseur britannique. Le Royal Flying Corps demanda l’assemblage de deux autres prototypes. Le premier conservait le moteur Clerget mais adoptait une mitrailleuse Vickers synchronisée tandis que le second conservait l’armement d’origine mais voyait son moteur déposé au profit d’un Le Rhône 9J de même architecture et de même puissance. Vickers continuait de faire confiance aux motoristes français.
Finalement c’est ce troisième prototype qui donna pleine satisfaction. Le Royal Flying Corps décida donc de commander une version de série dérivé de l’E.S.1. Le nouvel avion reçut la désignation de F.B.19, les lettres F et B signifiant ici Fighting Biplane et le nombre 19 indiquant qu’il s’agissait du dix-neuvième modèle d’avion de ce genre développé par Vickers. Mû par un Le Rhône 9J de 115 chevaux le premier d’entre eux vola en août 1916.
Malgré cela la cinquantaine d’exemplaires assemblés ne furent pas déployés sur le front en France, le F.B.19 ne réussissant pas à se hisser au niveau des meilleurs chasseurs légers alliés de l’époque : les Nieuport Nie.17 Super Bébé français et Sopwith Pup britanniques.
L’expérimentation de six avions face aux chasseurs allemands le confirma. Malgré ses qualités en terme de vitesse et de manœuvrabilité le F.B.19 n’avait pas sa place sur le front occidental, la chasse allemande étant dotée de chasseurs trop dangereux pour lui.
Nonobstant l’avion reçut le patronyme de Bullet.
C’est pourquoi le Royal Flying Corps décida de maintenir une trentaine d’exemplaires sur le sol britannique afin d’assurer la défense aérienne du pays tandis que les autres furent envoyés en Macédoine pour dix d’entre eux et en Palestine pour les dix autres. Face à des chasses moins bien équipées comme celle de l’empire ottoman qui n’alignaient alors que des avions allemands et austro-hongrois de seconde zone comme le Fokker D.I ou le Halberstadt D.II les Vickers F.B.19 Bullet réussirent à tirer leur épingle du jeu. Pourtant ces chasseurs n’étaient pas appréciés des pilotes qui les trouvaient trop légers et insuffisamment armés.
Début 1917 la Russie passa commande pour 125 exemplaires dotés d’un moteur rotatif Gnome Monosoupape de 100 chevaux. Cela faisait suite à une série de démonstrations menées par des pilotes de l’avionneur à Kyïv, Moscou, et Saint-Petersbourg. Les autorités impériales russes s’étaient dites intéressées par le prix bas de l’avion.
Les avions devaient être livrés par bateau jusqu’au port d’Arkhangelsk, dans le nord-ouest de la Russie. Et c’est là qu’une trentaine d’entre eux se trouvaient quand éclata la révolution rouge. Se méfiant des Bolchéviques, et demeurant allié au tsar Nicolas II, le roi George V ordonna que la Royal Navy se rende sur place pour tenter de reprendre les avions, ou à défaut les détruise. C’est ce qu’elle fit pour quelques-uns d’entre eux. Néanmoins dix-neuf furent sauvés par les forces révolutionnaires et pris en compte par leurs pilotes. Le reste de la commande fut annulée par les autorités britanniques.
Les F.B.19 formèrent ainsi l’épine dorsale de celle qui n’était pas encore l’Aviation du Front.
Les Bolchéviques employèrent leurs Vickers F.B.19 Bullet comme chasseurs légers face à l’aviation russe. Si les résultats ne furent pas forcément glorieux les petits biplans permirent de faire fonctionner la propagande de Lénine. Ils étaient en effet les premiers avions militaires à arborer la fameuse étoile rouge. Ils restèrent en service jusqu’à début 1925.
En Grande Bretagne la carrière de l’avion fut nettement plus courte, et ce malgré le développement d’un F.B.19 Mk-II avec une voilure revue et corrigée et le moteur Clerget 9Z de l’E.S.1. Les ailes se retrouvèrent décalées sur cette version construite à seulement douze exemplaires. Ils furent tous expédiés directement en Palestine où ils permirent de relever un peu le niveau des F.B.19 de première génération. Les nouveaux avions étaient en effet considérés comme encore plus manœuvrant. Pourtant leur armement demeurait insuffisant aux yeux des pilotes présents dans cette partie du monde.
Finalement les derniers F.B.19 Bullet britanniques furent retirés du service en février 1918 sans jamais avoir réellement réussi à démontrer leur utilité au combat.
Si le Vickers F.B.19 Bullet reste relativement confidentiel dans l’histoire aéronautique, y compris au Royaume-Uni, il a été élevé au niveau d’avion hors du commun par les historiens et propagandistes soviétiques. Ce qui très honnêtement n’avait rien de justifier. Et ce même si esthétiquement c’était un très bel avion aux performances assez intéressantes.
En savoir plus sur avionslegendaires.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.