VEF I-16

Pour bien des pays européens l’entre-deux-guerres fut synonyme d’essor de l’industrie aéronautique. Il s’agissait de pays espérant emboiter le pas à la France, à l’Italie, et au Royaume-Uni qui avaient de leur côté débuté cette phase durant la guerre 14/18. On retrouva ainsi des nations comme l’Espagne, les Pays-Bas, la Pologne, ou encore la Roumanie et la Tchécoslovaquie. Nombre d’entre elles sont toujours productrices d’aéronefs. On vit aussi apparaître des pays plus surprenant telle la petite Lettonie qui eut une production assez réduite mais réussit cependant à concevoir et assembler un chasseur monoplace à bas coût, malheureusement demeuré à l’état de prototype : le VEF I-16.

Quand en 1935 la Valsts Elektrotehniskā Fabrika, ou VEF, eut l’idée de se lancer dans l’aventure aéronautique l’entreprise de Riga avait déjà une petite notoriété en Europe. Elle la devait à ses composants électriques jugés de très bonne qualité et qu’elle vendait à de nombreuses entreprises, y compris en Belgique et au Royaume-Uni. Le développement de son bureau d’études pour aéronefs fut donc vu comme une bonne idée d’autant que sa première production en série, l’avion d’entraînement I-12, allait connaitre un petit succès d’estime. Aussi quand fin 1938 son ingénieur en chef, Kārlis Irbītis, proposa de passer à l’étape supérieure et de concevoir un avion de chasse le gouvernement letton accepta.

Tirant les enseignements de ses productions antérieures, que ce soit chez VEF ou auparavant dans sa propre entreprise désormais défunte, Irbītis comprit qu’il devait produire un avion très simple, bon marché, et destiné au strictes missions défensives. Il avait bien conscience qu’il ne pouvait alors pas réaliser un appareil capable de concurrencer les productions allemandes, britanniques, ou encore française de son époque. Pourtant ce sont bien les travaux de deux ingénieurs européens qui lui offrirent l’inspiration : Marcel Riffard et son Caudron C.714 Cyclone d’un côté et Walter Capley avec le Miles M.20 de l’autre. Le design du nouvel avion letton, désigné I-16, s’en ressentit.

Extérieurement cet avion était de conception très simple, presque desuette. Monoplan à voilure basse droite il était assemblé en bois et contreplaqué. Pour sa motorisation Kārlis Irbītis tenta d’obtenir le De Havilland Gipsy Twelve britannique à douze cylindres en V (qui équipait alors l’avion de ligne De Havilland D.H.91 Albatross) d’une puissance de 415 chevaux. Malheureusement des différents diplomatiques empêchèrent le contrat et l’ingénieur letton dut se rabattre sur le Walter Sagitta I-SR tchécoslovaque de même architecture mais développant 454 chevaux. Plus puissant ce dernier était aussi moins cher. Afin d’armer l’I-16 l’ingénieur a fait appel à la société américaine Browning et à sa mitrailleuse de calibre 7.62 millimètres. Deux armes de ce type étaient montées en voilure. Son train d’atterrissage classique fixe disposait de roues carénées.

Le premier vol du prototype du VEF I-16 eut lieu en avril 1940. Il y avait alors urgence à développer l’avion car les troupes soviétiques étaient aux portes du pays. En fait après le troisième vol d’essai la Lettonie était sous occupation des troupes du dictateur Staline. Le 17 juin au matin le petit pays tomba aux mains de l’ogre soviétique sous un prétexte fallacieux. Immédiatement les Soviétiques investirent les usines VEF et réquisitionnèrent l’I-16. Il fut alors repeint à leurs couleurs. Deux pilotes d’essais de l’Aviation du Front furent envoyés à Riga pour le tester et leur premier avis était sans appel : c’était là un très bon chasseur léger.
L’URSS entendit alors produire en série cet avion pour ses propres besoins, dans une usine en Russie. Malheureusement pour eux les Soviétiques ne furent pas les bienvenus dans l’usine lettone et des actes de sabotages ralentirent leur travail. À tel point qu’un an plus tard quand ils affrontèrent leurs anciens alliés allemands aux portes du petit pays balte ils n’avaient quasiment pas avancé sur le dossier et ne possédaient toujours pas les plans de l’avion. Ils ne les eurent jamais. En effet le 8 juillet 1941 Riga tombait, elle était occupée par l’Allemagne nazie. À son tour la Luftwaffe s’intéressa à l’avion.

Le VEF I-16 changea de nouveau de livrée et de pilotes d’essais. À la différence des Soviétiques les Allemands ne furent pas du tout impressionnés par l’avion letton. Ils le considérèrent même comme inférieur au Fokker D.XXI très proche dans sa conception. Finalement l’avion servit quelques temps comme machine de formation des mécaniciens de l’aviation allemande avant d’être envoyé à la ferraille. Ainsi s’acheva la carrière du premier et unique chasseur letton, avant même d’avoir débuté.

Il ne reste donc plus rien de nos jours de ce chasseur de la Seconde Guerre mondiale qui n’entra jamais en service. On remarquera que les seuls photos qui nous sont parvenues l’ont été du fait des Allemands. On reconnait bien la bureaucratie nazie, même lorsqu’il s’agissait des matériels pris à l’ennemi. Il est à signaler que contrairement à une idée reçue le « i » de VEF I-16 ne signifie pas Istrebitel (chasseur en russe) comme sur le Polikarpov I-15 mais reprend simplement l’initiale de Kārlis Irbītis le concepteur de l’avion. Le VEF I-16 letton ne doit d’ailleurs pas être confondu avec le Polikarpov I-16 soviétique.
Une version améliorée appelée I-19 fut prévue mais finalement annulée, elle aurait du troquer ses mitrailleuses américaines Browning pour des canons français Hispano HS.404 de calibre 20 millimètres.