Pour beaucoup de nouveaux constructeurs aéronautiques la conception d’un avion d’entraînement permet de développer son outil industriel mais aussi de vérifier sa capacité à respecter les coûts et les délais imposés par le cahier des charges. Dans le cas d’un constructeur renaissant c’est pratiquement la même chose.
Ce processus, l’avionneur serbe UTVA l’a connu au début du vingt-et-unième siècle avec un monomoteur de formation initial : le Lasta 95.
Au début des années 1980 l’avionneur yougoslave UTVA chercha à développer un avion militaire d’entraînement destiné au remplacement de son Type 75, un avion de tourisme adapté aux demandes de la force aérienne locale.
Cependant avec la montée en puissance des machines d’entraînement initial, notamment en Europe occidentale, les avions d’ancienne génération commençaient à accuser leur âge.
Les travaux s’orientèrent clairement vers un appareil aux allures de T-34C Turbo Mentor. L’impact culturel occidental était très marqué dans la Yougoslavie post-Tito. Pourtant ni les militaires ni l’avionneur n’avaient l’intention d’équiper le nouvel appareil d’un turbopropulseur.
Un moteur à plat semblait largement suffisant. Les responsables d’UTVA s’orientèrent vers l’Avco Lycoming AEIO 540-L1 d’une puissance de 290 chevaux. Celui ci entraînait une hélice bipale en métal.
Pour le reste l’avion était très académique : monoplan à aile basse cantilever, construction tout métal, cockpit biplace en tandem, train d’atterrissage rétractable. Aucun armement n’était prévu initialement.
C’est dans cette configuration que le prototype réalisa son premier vol le 2 septembre 1985 sous la désignation d’UTVA Lasta.
Rapidement une commande fut passée par l’aviation militaire yougoslave pour dix exemplaires de présérie. Cependant les moyens de l’avionneur étaient limités. Si bien que lors de l’effondrement du bloc communiste quatre ans plus tard seuls deux d’entre eux avaient été construits.
Avec la désagrégation lente mais réelle de la Yougoslavie se posa le problème de savoir quel pays allait récupérer les actifs de la société UTVA. Et c’est naturellement la Serbie qui les adopta.
Militairement et économiquement, elle était la plus puissante.
Alors que la guerre civile faisait rage en ex-Yougoslavie les travaux du Lasta continuaient tant bien que mal. En 1995 six exemplaires de présérie volaient. Quatre ans plus tard lors du déclenchement de l’opération internationale visant à libérer le Kosovo du joug serbe, les dix avions commandés en 1986 volaient enfin. Pas pour longtemps, car une bombe larguée par un McDonnell Douglas F-15E de l’US Air Force vint détruire l’ensemble des installations d’UTVA. Neuf des dix avions de présérie, ainsi que le prototype, furent partiellement voire entièrement détruits. Cela sembla un temps sceller le sort du Lasta.
Pourtant sept ans plus tard en 2006 le constructeur renaissant relança sur fonds propres le développement de l’avion sous la désignation de Lasta 95. Le seul avion qui avait survécu au bombardement de 1999 était devenu le prototype. Le propulseur d’origine avait laissé la place à un autre modèle du même motoriste, légèrement plus puissant. Désormais l’avion avait une capacité d’emport d’armements, permettant ainsi la formation initiale au tir. Mais surtout il disposait d’une avionique revue et corrigée : GPS Garmin, ILS, et écrans LCD avaient fait leur apparition.
Il fallut cependant attendre 2009 pour que l’avion revole enfin. Et il volait bien.
Tellement bien d’ailleurs qu’il ne mit pas longtemps à susciter l’intérêt. La renaissante aviation militaire irakienne se cherchait un nouvel avion d’entraînement initial. Elle passa commande dès 2009 pour vingt avions de série, auxquels étaient ajoutés seize en option. L’ensemble de ceux-ci furent livrés entre 2010 et 2013.
En 2011 la force aérienne serbe achetait elle aussi l’avion à hauteur de quinze avions pour l’entraînement initial de ses pilotes.
Seuls les Lasta 95 irakiens semblent disposer d’un armement léger, les appareils serbes eux ne sont utilisés que pour l’écolage de début. Actuellement des possibilités de ventes se dessinent avec l’Algérie, la Colombie, ou encore le Venezuela.
À n’en pas douter cet avion, qui ressemble étrangement au TB-30 Epsilon français, saura être un des grands acteurs du domaine dans les années à venir. Après tout si son démarrage fut assez chaotique il n’y a rien qui peut l’empêcher de réussir à s’imposer. Cela permettrait à la Serbie de rentrer dans le concert des nations aéronautiques.
En savoir plus sur avionslegendaires.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.