La doctrine d’emploi des chasseurs à longue portée soviétiques prévoyait que les appareils soient capables de patrouiller le long des frontières terrestres et du littoral de l’URSS pendant de longues heures. C’est à partir de ce concept que le bureau d’étude Tupolev, spécialiste des bombardiers, conduisit l’étude d’un gros biréacteur de chasse issu du programme de bombardier moyen Tu-22 Blinder. Les ingénieurs de Tupolev construisirent un premier prototype d’abord désigné Tu-102, porteur de la livrée de la compagnie civil Aeroflot, puis Tu-28 quand les Soviétiques furent certains que l’OTAN avait identifié la nature réelle de l’avion.
Les occidentaux, d’ailleurs, désignèrent le Tu-28 sous le code de Fiddler. Il effectua son premier vol le 18 mars 1961. Dès ce vol inaugural, le Tu-28 se conduisit comme un appareil de très hautes performances, capable de voler haut et loin, par-delà les limites des batteries de missiles sol-air. Néanmoins, ses qualités intrinsèques cachaient des failles importantes sur les domaines de la vitesse, du pilotage à haute altitude, de l’atterrissage, et de la résistance des longerons de voilures. Le Kremlin demanda à Tupolev de revoir sa copie.
En juillet 1965, Tupolev présenta en vol une version profondément améliorée du Tu-28 qui fut désigné Tu-128. Ce nouveau chasseur reprenait l’architecture caractéristique de son prédécesseur, mais avait vu l’adjonction d’un nouveau radar surnommé « Big Nose » par les experts occidentaux et le remplacement de son train d’atterrissage principal par un modèle plus résistant. L’IA-PVO (défense aérienne soviétique) décida de commander l’avion en série. Plus de 300 exemplaires ont été livrés entre 1966 et 1971. Les Tu-128 reçurent la désignation de Fiddler-B, le A étant alors réservé aux quatre Tu-28 de présérie.
Le Fiddler se présentait comme un gros biréacteur biplace à aile basse disposant d’une flèche importante. Il ne dispose, comme nombres de chasseurs de cette époque, d’aucun armement interne, se limitant à l’emport de missiles air-air à longue portée. Son radar de recherche et de suivit de terrain porte à 300 kilomètres, ce qui en fait un des plus performants de la Guerre Froide au même titre que le Grumman F-14 Tomcat américain. Malgré ces qualités incontestables, le Tu-128 était un avion extrêmement bruyant, et très aisé à détecter, sa signature radar équivalant à celle de deux bombardiers Tu-95 Bear.
A partir de 1970 et jusqu’à son remplacement par le MiG-31 Foxhound au début des années 90, la mission principale du Fiddler fut la défense aérienne profonde de l’URSS. Capable de voler très haut et longtemps, il reçu comme mission de marauder à la recherches d’éventuels avions espions américains U-2 ou SR-71. Néanmoins il n’intercepta aucun de ces derniers, nettement plus rapide que lui.
A partir de 1980, les Tu-128 commencèrent à chasser les Boeing RC-135 et EC-135 de l’US Air Force qui s’approchaient trop de la Russie ou d’une république soviétique. En 1981, deux Tupolev Tu-128 de l’IA-PVO forcèrent un Canberra de reconnaissance de la RAF à rejoindre l’espace aérien international, l’avion britannique s’était « perdu » non loin de la zone de Sakhaline. Malgré cela tous les appareils occidentaux n’eurent pas la même chance. En effet en 1984, trois Fiddler en maraude à proximité de la frontière entre la RDA et la Pologne repérèrent un avion de reconnaissance Mc Donnell Douglas RF-4 de l’US Air Force et le détruisirent sans aucun tir de semonce. Les deux pilotes furent tués sur le coup.
A partir de 1987, le Fiddler a commencé à laisser la place au Mig-31 pour ce genre de mission. Le dernier vol officiel d’un Tu-128 eut lieu en octobre 1990. Aucun de ces avions n’a été exporté.
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