Les origines du Tu-22 remontent à 1955 quand l’état-major soviétique demanda à l’avionneur Tupolev de concevoir un bombardier moyen supersonique afin de prendre la relève des Tu-16 Badger. En effet ce dernier était devenu en partie obsolète à cause de l’apparition aux Etats-Unis et en Europe de chasseurs modernes, et notamment à grande vitesse. L’Aviation du Front recherchait donc un appareil résolument nouveau. Les ingénieurs de Tupolev commencèrent alors à travailler sur un appareil qui allait révolutionner la conception des bombardiers moyens, notamment en matière d’aérodynamisme et d’emport d’armement. L’avion reçu une première désignation de Tu-105.
Il se présentait sous la forme d’un biréacteur monoplan à aile basse cantilever disposant d’une flèche accentuée. L’avion disposait de deux turboréacteurs Dobrynin RD-7M d’une puissance unitaire de 16000 kgp chacun avec postcombustion. Ces propulseurs avaient la particularité d’être fixé à la base de l’empennage classique. La position si particulière des réacteurs permettait de dégager les ailes et la partie centrale du fuselage, donnant ainsi à l’avion un aérodynamisme accru. Le poste de pilotage fut lui aussi dessiné de manière accentuée la pénétration dans l’air, notamment grâce à une partie vitrée très fine. La soute à bombes fut elle aussi particulièrement soignée tout comme les trappes du train d’atterrissage classique. Le Tu-105 était alors considéré par les Soviétiques comme l’avion le plus aérodynamique en service au monde. Il effectua son premier vol le 21 juin 1958.
Rapidement le Tu-105 fut rebaptisé Tu-22 et commandé dans un premier temps à dix exemplaires sous la désignation de Tu-22B, le A étant réservé au prototype. Ces premiers appareils sont entrés en service, de manière très discrète, en juillet 1960. Rapidement l’avion a été identifié par les Occidentaux. A cette époque il était communément acquis dans les états-majors américains et européens que les avions soviétiques ne pouvaient être que de mauvaises copies des appareils américains, à l’image du Tupolev Tu-4 Bull. Quel ne fut donc pas l’effroi pour les Américains que de découvrir qu’il s’agissait bel et bien d’un nouveau type de bombardier, et pas n’importe lequel : un bombardier moyen de pénétration à basse altitude, l’un des pires cauchemars pour l’OTAN en Europe occidentale. Le Tu-22 reçu alors le nom de code de Blinder.
Par la suite arriva une version surprenante, le Tu-22K, Blinder-B pour l’OTAN, qui fut la version de combat la plus prolifique, avec 150 exemplaires construits. Le Blinder-B emportait un énorme missile de croisière Kh-22, alias AS-4 Kitchen, fixé sous le fuselage et en partie intégrée dans la soute à bombe modifiée. Le Kh-22 était un missile disposant d’une charge nucléaire pouvant aller de 350 à 1 000 kilotonnes suivant le modèle. Entrés en service en 1961 les Tu-22K furent modifiés l’année suivante de manière à pouvoir emporter également une charge conventionnelle de neuf tonnes de bombes. En 1966 les Tu-22K devinrent des Tu-22KD avec une perche de ravitaillement en vol fixe sur le nez. Quelques Tu-22KD ont été transformés en Tu-22RKD disposant de systèmes de leurres thermiques primaires.
Une dizaine d’avions d’entrainement Tu-22UB furent également construits avec un second poste de pilotage surélevé, un peu à la manière du Lockheed SR-71B américain. Ces Tu-22UB ne servaient pas seulement à la formation des pilotes, mais également à des missions de harcèlement des unités de défense aérienne de l’OTAN. Outre cette version spéciale, apparu à la fin des années 60 le Tu-22PD de guerre électronique. Cet avion avait pour vocation le brouillage des radars ennemis, ainsi que celui des systèmes de communications. Une quinzaine de Tu-22PD furent produits.
Outre ces avions l’URSS a reçu en 1965 un lot de 60 Tu-22R, Blinder-C pour l’OTAN, de reconnaissance stratégique. Ces avions ne disposaient d’aucun armement offensif, juste du canon NR-23 en position arrière. Les Tu-22R furent principalement affectés à des missions de reconnaissance le long des frontières soviétiques et des pays du Pacte de Varsovie.
Les Tu-22 sont demeurés en première ligne en URSS jusqu’en 1972 et leur remplacement partiel par un avion dérivé, mais plus moderne, le Tu-26 (ou Tu-22M) Backfire. Toutefois le Blinder ne fut pas définitivement retiré du service. En effet s’il n’était alors plus le principal bombardier moyen de pénétration, il n’en demeurait pas moins un appareil numériquement important. Ils servirent particulièrement dans les années 80 en Afghanistan. Les Tu-22 de bombardement demeurèrent en service jusqu’à l’effondrement de l’empire soviétique au début des années 90.
De nos jours la Russie et l’Ukraine disposent chacun encore d’une vingtaine de Blinder pour des missions de reconnaissance maritime, et de guerre électronique. Une mission sommes toutes assez lointaine de celle pour lequel il fut conçu. Mais l’avion n’a pas servit uniquement sous les couleurs de l’étoile rouge. En effet deux puissants alliés de l’Union Soviétique ont reçu des Blinder : la Libye et l’Irak.
En Libye, ce sont dix avions qui ont été perçu en 1977, après avoir servit dans le pays, au sein d’une unité « outre-mer » de l’Aviation du Front. Ces avions sont entrés dans l’Histoire le 7 septembre 1987 quand deux Blinder libyens attaquèrent la base française de N’Djamena au Tchad. En effet le dictateur libyen, le colonel Kadhafi, cherchait alors à déstabiliser la France et le Tchad en soutenant les rebelles en guerre civile contre l’état officiel. La Libye perdit dans l’opération un Tu-22 abattu par un missile sol-air MIM-23 Hawk appartenant à l’Armée de Terre. Ce raid aérien libyen fut tel que la France décida d’un raid de représailles conduit par des Mirage F1 et des Jaguar de l’Armée de l’Air. Il semblerait que la Libye ne dispose plus d’aucun Blinder de nos jours, certainement faute de pièces détachés.
Au sein des forces irakiennes les Tu-22 ont été reçu en 1979 et ont intensivement servit durant la guerre Iran-Irak, où ces avions durent affronter la terrifiante chasse iranienne disposant de chasseurs américains très performants. Sur les douze avions reçus, au moins quatre furent perdus lors de cette guerre. Plus tard, en 1991, lors du déclenchement de l’opération Tempête du Désert, les Tu-22 irakiens furent déclarés cibles prioritaires pour les chasseurs-bombardiers de la coalition alliée. En effet les Américains et les Israéliens craignaient que ces bombardiers ne tentent une contre-attaque meurtrière contre l’état hébreu. De ce fait les Blinder irakiens furent massivement bombardés par les appareils alliés dès les premières frappes. Lors de la reddition de l’Irak, plus un seul bombardier de ce type n’était en état de vol. En effet ceux qui avaient survécu aux bombardements avaient été détruits au sol par les troupes terrestres.
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