En 1947, la flotte l’Aviatsiya Voenno Morskogo Flota (AVMF, l’aéronavale russe) reposait sur près de 300 bimoteurs Iluyshin Il-4 et Petlyakov Pe-2 tous largement obsolètes. L’AVMF avait donc un besoin immédiat en bombardier moyen moderne, besoin qui fut comblé par un appareil refusé par les aviateurs, le Tupolev Tu-14.
Moscou exigea de disposer d’une flotte de bombardiers moyens d’appui tactique, Sturmovik dans le langage courant des états-majors soviétiques, à même de remplacer les lourds monomoteurs Illyushin Il-2 et Il-10 encore en première ligne. L’état-major soviétique commanda alors à trois avionneurs (Illyushin, Tupolev, et Yakovlev) de concevoir un nouvel avion autour du réacteur Klimov VK-1, une version agrandie du Klimov RD-45, le réacteur du chasseur Mikoyan-Gurevitch MiG-15. Le VK-1, lui même extrapolé du Rolls & Royce Nene britannique était un réacteur bon marché, fiable, mais surtout très simple à construire en série.
Illyushin et Tupolev ne mirent pas longtemps à mettre en production chacun leur propre prototype de ce qui allait devenir respectivement l’Il-28 Beagle et le Tu-14. Rapidement, et avant même le vol inaugural des prototypes, l’état-major des forces aériennes soviétique opta pour le premier d’entre eux, et l’avenir du Tu-14 semblait bien obscure.
Malgré ce cuisant revers, Tupolev espérait toujours pouvoir vendre son Tu-14 à l’AVMF. Le premier vol de l’appareil eut lieu en mars 1949 et rapidement un premier contrat fut signé avec l’aéronavale soviétique afin de fournir 100 appareils de bombardement conventionnel.
Le Tu-14 se présentait comme un monoplan biréacteur quadriplace disposant d’un train d’atterrissage classique totalement escamotable. L’équipage prenait place dans un cockpit classique biplace ainsi que dans le nez de l’appareil pour l’opérateur de bombardement. Un quatrième membre d’équipage prenait place à l’arrière de l’appareil dans une tourelle de canonnier sise sous l’empennage de l’avion. Le plan d’aile, droit, était fixé sur la partie supérieure du fuselage bien que l’appareil ne put être considéré comme un monoplan à aile haute. Le nez largement vitré permettait à l’opérateur de bombardement de jouir d’un panorama remarquable. Les gouvernes arrière disposaient d’un léger dièdre, censé améliorer les qualités de vol à basse altitude. Le Tu-14 n’était pas ravitaillable en vol. Le Tu-14 bien que vendu à l’aéronavale soviétique demeurait un avion terrestre.
L’OTAN attribua à l’appareil la désignation de Bosun. Pendant les premiers mois de 1950, les Occidentaux étaient perplexes sur les qualités réelles du nouveau bombardier de l’AVMF, et eurent même tendance à le croire inférieur à l’Arado Ar-234, un appareil pourtant largement antérieur au Bosun. De son côté l’aéronavale soviétique était satisfaite de sa nouvelle acquisition et elle commanda d’ailleurs un lot supplémentaire de 25 bombardier ainsi que 30 autres dans la version Tu-14T de torpillage. Cette sous-version ne reçu pas de désignation spéciale de la part de l’OTAN.
Alors que la Guerre de Corée venait d’éclater, l’AVMF demanda à Tupolev de développer une version de reconnaissance de son Tu-14. Le nouvel avion fut rapidement mit au point, son armement fut allégé, ne gardant que les redoutables canons NR-23 de 23mm d’autodéfense en position de chasse, et l’avion passa de quadriplace à triplace. Il fut désigné Tu-73 par le constructeur et l’AVMF, mais l’OTAN lui attribua la désignation de Bosun-A, et quelques années plus tard il fut renommé Tu-14R. Les Tu-73 remplirent plusieurs missions de reconnaissance maritime au large des côtes nord-coréennes lors de la guerre. L’un d’entre eux fut même intercepté en février 1952 par trois chasseurs Grumman F9F de l’US Navy alors que le Bosun-A volait à quelques encablures du porte-avion américain USS Yorktown. L’avion soviétique fut « raccompagné » dans l’espace aérien international par les chasseurs de l’US Navy. Ce fut là la seule rencontre entre un Tu-14 et la chasse américaine.
Les Tu-14 de bombardement et de torpillage n’eurent jamais l’occasion de se servir de leur armement en opération de guerre, et mis à part quelques missions lors de la Guerre de Corée, les Tu-73 ne remplirent en fin de compte que des missions de surveillance maritime.L’AVMF se sépara progressivement de ses Tu-14 et Tu-73 à partir de 1963 quand arrivèrent les premiers Yakovlev Yak-28. Aucun Bosun n’a jamais été exporté, le dernier d’entre eux a été retiré du service en 1966. Un peu plus de 200 de ces avions furent produits au total.
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