Comme d’autres avant lui le Royaume-Uni a compris en ce début de 21e siècle que l’avion sans pilote était bien plus qu’un simple outil d’entraînement ou d’observation. Et ce même s’il a été un pays pionnier dans le domaine des drones cibles dès l’entre-deux-guerres. Pour autant son industrie dans ce domaine était particulièrement pauvre. C’est la raison pour laquelle c’est une société française qui y a produit localement son premier véritable drone de renseignement multi-rôle. Pour cela il fallut à la fois trouver l’engin idéal et fonder une branche britannique. Le résultat fut le Thales UK Watchkeeper WK450, un engin aux origines israéliennes totalement assumées.
En l’an 2000 la British Army était consciente de son retard en matière de reconnaissance tactique et de renseignement par drone. Alors que des «concurrentes» comme l’Armée de Terre, l’Ejercito de Tierra, ou bien entendu l’US Army avaient pris ce virage depuis plusieurs années déjà elle était encore au point mort. C’est pourquoi elle lança le programme Watchkeeper destiné à lui fournir une cinquantaine de drones de nouvelle génération basés sur l’Elbit Hermes 450 israélien.
Comme beaucoup au sein de l’OTAN le Royaume-Uni connaissait l’application et le professionnalisme des industries de l’état hébreu en matière d’avions de reconnaissance sans pilote. Et aux yeux de ses généraux le Hermes 450 était la machine idéale. Plusieurs constructeurs furent appelés à proposer une réponse au programme Watchkeeper à partir de ce drone. Quatre industriels y répondirent : BAE Systems au Royaume-Uni, Lockheed-Martin et Northrop-Grumman aux États-Unis, et enfin Thomson-CSF en France.
Très rapidement deux se détachèrent : Northrop-Grumman et Thomson-CSF.
Alors que la sélection débutait entre les deux l’industriel français changea de nom, nous étions alors en décembre 2000. Thomson-CSF devenait Thales. Et surtout la multinationale prévoyait un gros coup médiatique pour séduire les Britanniques. En plus d’un assemblage locale cela serait réalisé par une entreprise britannique. Thales UK fut créée en ce sens.
Désormais donc l’industrie américain n’affrontait plus un homologue français mais franco-britannique, autrement dit européen. Et pour le très europhile premier ministre Tony Blair cela avait du sens. Sans compter que le projet de Thales était globalement 9% moins onéreux pour Londres que celui de Northrop-Grumman. Un contrat fut signé pour cinquante-trois drones : trois de présérie et cinquante de série.
Le Thales UK Watchkeeper WK450 était né.
Afin de réduire les coûts la direction parisienne Thales avait un atout en manche : l’Armée de Terre et le remplacement à venir des drones SDTI, autrement dit les Sagem Sperwer. Et l’industriel comptait bien y placer le Watchkeeper WK450, quitte à le faire livrer en kits du Royaume-Uni et l’assembler en France. Seulement voilà les militaires français avaient déjà rejeté l’Elbit Hermes 450 à partir duquel il était conçu. Aussi Thales dut attendre le premier vol de son drone pour réussir son coup.
Et ce vol inaugural intervint le 14 avril 2010.
Rapidement présenté au Salon du Bourget sur le stand Thales le drone était exposé dans une livrée britannique fantoche. Pourtant il plut un temps aux généraux français. C’était compter sans la contre-attaque de Safran, la nouvelle raison sociale de Sagem qui comptait bien y opposer son ambitieux Patroller. Malgré un fragile accord franco-britannique signé en 2014 en faveur du drone franco-britannique l’Armée de Terre décida de sélectionner le Patroller et de le commander en série comme remplaçant du Sperwer. La British Army se retrouvait donc à nouveau seule pour absorber les coûts de développements et de construction du Watchkeeper WK450.
Extérieurement ce drone était une copie quasi conforme de l’Hermes 450 israélien. Seule la voilure et l’équipement de reconnaissance et de renseignement faisaient la différence entre les deux machines. Pour les Britanniques le Thales UK Watchkeeper WK450 était avant tout un aéronef ISTAR, c’est à dire Intelligence-Surveillance-Target Acquisition-Reconnaissance.
Ce drone est entré en service actif en mars 2014 mais n’a été considéré comme pleinement opérationnel qu’en novembre 2018. Quatre ans et demi ont donc été nécessaire pour les artilleurs britanniques qui les mettent en œuvre pour savoir tirer le meilleur de leurs avions sans pilote.
Quelques mois seulement après cette entrée en service, en septembre 2014 en fait, quatre Watchkeeper WK450 furent embarqués avec leurs matériels et personnels à bord d’un avion-cargo de la RAF. Direction l’Afghanistan et la guerre contre le régime des talibans. Là les drones britanniques furent utilisés principalement pour repérer les caches d’armes des forces ennemies mais également pour régler les tirs d’artillerie.
Par la suite, en juillet 2018 un même nombre de drones fut déployés à Chypres afin de surveiller les mouvements des troupes de Daech en Syrie.
En 2019 la British Army a révélé que ses Thales Watchkeeper WK450 étaient adapté au ciblage des objectifs pour les obusiers L131 AS-90 de calibre 155mm actuellement en dotation. Ils semblent aussi pouvoir œuvrer aux côtés des Westland Apache AH.1 en service actuellement. Ce sont donc pleinement des drones ISTAR.
Malgré l’échec en France Thales ne renonce pas à proposer son Watchkeeper WK450 sur les marchés étrangers. L’utilisation par la British Army au quotidien en fait une vitrine hors du commun. Celle-ci prévoit de les conserver au moins jusqu’en 2040.
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