S’il est un nom d’ingénieur dans l’histoire aéronautique qui est étroitement attaché au Royaume Uni c’est bien celui de Reginald Mitchell. Ce concepteur de génie est devenu très célèbre dans les années 1930 grâce à ses hydravions de course comme le S.6 puis surtout à l’avion de combat Supermarine Spitfire. Une machine que beaucoup de spécialistes considèrent comme le meilleur chasseur de la Seconde Guerre mondiale. Pour autant ses premières réalisations furent des hydravions à coque de facture assez académique dont le plus célèbre demeure sans aucun doute possible le Supermarine Southampton.
Début 1923, alors qu’il n’était même pas âgé de 28 ans, Reginald Mitchell se vit confier l’étude et le développement d’un hydravion commercial. L’idée était que Supermarine propose une machine capable de réaliser dans le plus grand confort possible des vols internationaux moyens-courriers (aux standards de l’époque) entre Londres et Paris ou Londres et Bruxelles. Les résultats de la requête de l’avionneur donnèrent naissance au Swan, un appareil construit malheureusement à un seul exemplaire, utilisé durant deux ans en 1926-1927 par Imperial Airways pour des vols trans-Manche.
Malgré le relatif échec de cette machine Mitchell et Supermarine ne renoncèrent pas à la formule de leur hydravion. L’avionneur en proposa une version militaire à la Royal Air Force sous la désignation Southampton. Les équipes de Supermarine visaient en fait le remplacement des Felixstowe F.5 datant de la fin de la Première Guerre mondiale.
Extérieurement il reprenait les grandes lignes du Swan avec son assemblage en bois et contreplaqué, son architecture d’amphibie à coque dotée d’une double épaisseur de bois, et sa voilure biplane en bois entoilé portant deux moteurs en ligne Napier Lion Mk-V de 470 chevaux. Trois poste de tir (dans le nez pour l’un et sur les flancs bâbords et tribords du fuselage derrière la voilure pour les deux autres) avaient été installés permettant chacun d’accueillir un mitrailleur et son arme Lewis de calibre 7.7mm. Le Southampton avait été pensé pour emporter 600kg d’explosifs, dont des mines anti-navires et des charges de profondeurs.
Le prototype du Supermarine Southampton réalisa son premier vol le 10 mars 1925. Un mois plus tard la RAF passait commande pour vingt-trois exemplaires similaires à celui-ci sous la désignation Southampton Mk-I. Les premiers entrèrent en service en août 1925 au sein du 480th Squadron, l’unité souvent considérée comme l’embryon du futur Coastal Command qui verra le jour onze ans plus tard et s’illustrera durant la Seconde Guerre mondiale.
L’unité eut la pleine dotation en amphibies de ce type au cours de l’année 1926.
Par rapport au Felixstowe F.5 le nouvel hydravion représentait un véritable atout. Il était plus manœuvrable, disposait d’une meilleure endurance, et surtout à sa différence pouvait amerrir même quand la mer était formée. Pourtant le Supermarine Southampton n’était pas exempt de défauts. Et le plus récurrent était sa tendance à avoir des voies d’eau au moment du déjaugeage. Une solution fut trouvée par Reginald Mitchell en remplaçant la coque d’origine et ses deux épaisseurs de bois par une nouvelle avec une seul épaisseur mais en Duralumin, un alliage métallique dérivé de l’aluminium et alors en pleine expansion dans l’aviation. Le résultat donna naissance au Supermarine Southampton Mk-II, commandé à trente-neuf exemplaires par la Royal Air Force. L’avionneur en profita pour revoir la motorisation, au profit de Napier Lion Mk-Va d’une puissance unitaire de 500 chevaux.
Les premiers entrèrent en service à l’été 1926.
Le succès du Supermarine Southampton comme nouvel hydravion amphibie de patrouille maritime standard de la RAF ne tarda pas à attirer les clients étrangers. C’est ainsi que l’Argentine acheta cinq Southampton Mk-I et trois Southampton Mk-II, ces secondes machines étant alors destinées à des missions de recherches et sauvetages dans l’Atlantique sud. Le Danemark et la Turquie de leurs côtés prirent respectivement trois et six Southampton Mk-I pour des missions anti-sous-marines.
En janvier 1928 Supermarine signa son ultime contrat de production à l’export pour deux exemplaires destinés à l’Australie. Globalement son biplan s’était bien vendu.
Mais l’année suivante l’avionneur signa un accord visant à octroyer une licence de production à l’industriel japonais Hiro. Ce dernier s’engageait à produire seize machines de série et une de présérie dérivée du Southampton avec cependant un armement d’origine nippone. Ainsi au lieu des trois mitrailleuses d’origine il en emportait désormais quatre, le poste de tir avant recevant deux armes jumelées. Il entra en service en 1932 sous la désignation générique Hiro H2H, et la désignation H2H1 pour les exemplaires de série.
Cet amphibie demeura en service dans l’aéronavale japonaise jusqu’à l’été 1941, il ne participa donc pas à la Bataille du Pacifique contre les forces alliées.
Le Supermarine Southampton donna naissance à deux machines très différentes au Royaume-Uni. Le premier était le Saunders A.14 développé sur fonds propres par ce petit avionneur et demeuré sans suite malgré la construction d’un prototype. Le second était le Supermarine Scapa qui connut un courte carrière dans la RAF comme amphibie de reconnaissance et d’entraînement avancé.
Reginald Mitchell proposa également le Southampton Mk-X, une version expérimentale à trois moteurs mais qui là aussi ne déboucha sur rien. Quelques machines démilitarisées furent utilisées également à la fin des années 1930 pour du transport de passagers et/ou de fret léger par Imperial Airways et une compagnie aérienne japonaise.
Le Supermarine Southampton peut être considéré comme le premier vrai succès de Reginald Mitchell, et même si cet amphibie n’était pas parfait. Il permit ensuite à l’ingénieur de concevoir des machines aussi légendaires que le Stranraer ou le Walrus qui remplirent efficacement leur rôle durant la Seconde Guerre mondiale.
De nos jours le RAF Museum de Hendon, dans la banlieue de Londres, expose un fuselage restauré de Southampton Mk-II.
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