Le 19 mai 2008 fut un jour de grand espoir pour l’industrie aéronautique russe. Pour la première fois au 21e siècle un avion de ligne de nouvelle génération prenait son envol sous la forme du biréacteur Superjet 100 conçu par l’avionneur Sukhoi. Avec lui la Russie comptait bien effacer l’échec récent du Tupolev Tu-334 mais aussi gagner des parts de marchés vis-à-vis des avionneurs Airbus, Boeing, et Embraer. Malheureusement rien ne se passa comme prévu.
En 2004 l’entreprise russe UEC Saturn, héritière notamment du mythique motoriste soviétique Lyulka, s’associa avec sa concurrente française SNECMA. L’idée était de développer un nouveau turboréacteur à double flux destiné à équiper un avion de ligne court-courrier alors en phase active de conception chez Sukhoi. L’avionneur, spécialisé jusque là dans les avions de combat, avait compris qu’aucun moteur issu des productions soviétiques ne conviendrait. Le Kremlin voulant conserver une forme de souveraineté industrielle poussa donc à ce compromis qui évitait l’importation de turboréacteurs étrangers. Le France ne s’opposa pas à la création de la co-entreprise PowerJet. C’est dans l’oblast de Iaroslavl, et plus précisément à Rybinsk, que les turboréacteurs SaM146 allaient être assemblés.
En ce début des années 2000 le futur Sukhoi Superjet, ou SSJ100 dans la nomenclature du constructeur, était promis à un bel avenir. Alors qu’il n’existait que sous la forme de vues d’artistes il avait déjà été commandé par l’Aeroflot. Son objectif était à la fois le remplacement des antédiluviens Antonov An-24 Coke, Tupolev Tu-134 Crusty, et Yakovlev Yak-42 Clobber civils sur le marché intérieur que la concurrence internationale aux Airbus A318, Boeing 717, et Embraer ERJ-175. C’était donc un avion ambitieux !
L’assemblage du prototype eut lieu dans le courant de l’année 2006. Extérieurement le Sukhoi SSJ100 Superjet était parfaitement dans l’air du temps. Il ressemblait bien plus aux productions américaines et européennes qu’aux avions soviétiques qui l’avaient précédé. Monoplan à voilure basse en flèche construit en métal et composites ce SSJ100 avait été pensé pour accueillir jusqu’à 110 passagers en une seule classe économique ou bien 88 en deux classes différentes. Ses réacteurs PowerJet SaM146 lui offraient chacun 7303 kilogrammes de poussée. Il débuta ses essais de roulage en septembre 2007. Cependant considéré par Moscou comme un programme prioritaire il ne vola jamais depuis le centre d’assemblage de l’avionneur. Il fut démonté et chargé à bord d’un Antonov An-124 Condor des forces aériennes russes afin d’être transporté à Zhukovsky, la Mecque des essais en vol du pays depuis l’URSS. C’est donc là qu’il vola.
Désormais Sukhoi chercha à obtenir les autorisations d’exploitation de son avion de ligne auprès des aviations civiles du monde entier. Sans grande surprise la Russie lui octroya dès le début de l’année 2011 soit deux ans et demi seulement après le vol inaugural de son SSJ100 Superjet. Un an plus tard c’est l’agence européenne pour la sécurité aérienne qui offrait à Sukhoi le précieux sésame, lui ouvrant les cieux de l’UE. Les intentions d’achat à l’époque concernait même des compagnies européennes. Pourtant la concurrence se faisait rude. De l’autre côté de l’Atlantique nord l’avionneur Bombardier avait réagi avec son CS300 tandis qu’au Japon Mitsubishi avait lancé le développement de son SpaceJet. L’avenir du transport aérien régional semblait bien lié aux biréacteurs. L’engouement de l’année 2012 retomba cependant bien vite pour l’avionneur russe.
Au printemps 2012 Sukhoi organisa une série de présentations en vol, avec accueil de potentiels clients à bord des avions de présérie 97004 et 97005. Au Kazakhstan, au Myanmar, ou encore au Pakistan l’avion fit forte impression. Désormais proposé à la vente sous la marque de Superjet 100 c’est ainsi qu’il réalisa un vol de démonstration en Indonésie avec trente-neuf passagers à son bord et six membres d’équipage. Ce 9 mai malheureusement rien ne se passa comme prévu et le biréacteur heurta les flancs du volcan Salak sur l’île de Java. Le 9004 fut désintégré dans le choc, tuant l’intégralité de ses occupants. L’enquête démontra très rapidement deux causes à l’accident : une non préparation du vol par l’équipage et une défaillance de l’avionique du Superjet 100.
Un peu plus d’un an plus tard c’est le 97005 qui subit un accident grave lors d’une campagne d’essais en vol en Islande en vue de la future certification américaine. Le Sukhoi Superjet 100 rata son décollage et réalisa une forte sortie de piste. Les cinq membres d’équipage furent blessés. L’avion mit plusieurs mois avant d’être réparé. De son côté la FAA renonça à certifié l’avion russe, lui fermant le marché nord-américain. Déjà plusieurs compagnies aériennes européennes lui tournaient le dos, notamment en Finlande et en Hongrie. Mais c’est l’incendie du 5 mai 2019 à Moscou qui termina de doucher les espoirs russes d’exportation massive du Superjet 100. Le vol SU1492 dut faire demi tour après un foudroiement. Le pilote ne réussissant pas à maintenir l’appareil à l’atterrissage celui-ci rebondit plusieurs fois sur la piste avant de s’enflammer. Malgré l’intervention des secours 41 des 78 passagers et membres d’équipage périrent, majoritairement brûlés vifs. Retrouvant ses vieux réflexes de l’ère soviétique la Russie cacha au monde la majeure partie des éléments de l’enquête.
Désormais le Sukhoi Superjet 100 était l’avion dont tout le monde parlait pour ses défauts. Il ne se passait pas un mois sans qu’un exemplaire ait à subir un panne majeur. Les compagnies aériennes cherchaient à s’en séparer, ne trouvant quasiment jamais preneur pour leurs appareils de seconde main. En février 2022 quand le Kremlin choisit d’attaquer et d’envahir l’Ukraine souveraine les Alliés placèrent la Russie sous un strict embargo technologique. Quelques jours plus tard l’entreprise française Safran, nouvelle raison sociale de la SNECMA, mit fin à son partenariat avec UEC Saturn. PowerJet était morte, son turboréacteur SaM146 aussi. Une trentaine d’entreprises américaines et surtout européennes en firent de même. Le carnet de commande de l’avion de ligne fondit comme neige au soleil.
Et sur le marché militaire ? Les ventes du Sukhoi Superjet 100 n’ont jamais été glorieuses auprès des militaires. Le Kazakhstan en a acheté un exemplaire et la Thaïlande trois, tous pour des transports de hautes personnalités. Deux autres appartiennent à la flotte présidentielle russe. Malgré des touches avec des pays aussi différents que la Corée du Nord, l’Inde, l’Iran, la Serbie, ou encore le Venezuela aucun contrat militaire supplémentaire ne fut passé.
Au début de l’année 2025 la chaîne de production du Sukhoi Superjet 100 n’était officiellement pas stoppé. Et l’assistance de Yakovlev ne semblait pas avoir porté ses fruits. Une solution de rechange au PowerJet SaM146 avait été trouvé au travers du turboréacteur russe Aviadvigatel PD-14 moins puissant. Cependant même l’Aeroflot n’a plus passé de commande pour lui depuis 2022. Officiellement la production de l’avion n’a pas dépassé les 237 exemplaires, avions de présérie compris, principalement pour le marché russe. Les Superjet 100 sont désormais interdits d’exploitation dans toute l’Union Européenne car jugés trop dangereux.
Le Superjet 100 n’a reçu aucune codification par l’OTAN.
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