En ce début de 21ème siècle deux stratégies différentes s’opposent en matière de domination du ciel : celle préconisée par la France et certains pays européens qui consiste à employer des chasseurs hyper-polyvalents, voire omnirôle comme dans le cas du Dassault Rafale. Cette doctrine prévoit que les avions soient aptes aussi bien à des missions air-sol que air-air durant le même vol. L’autre stratégie est celle dite de la supériorité aérienne, et elle est actuellement en vigueur aux États-Unis et en Russie. Il s’agit de disposer de supers chasseurs capables d’accrocher plusieurs cibles volantes à la fois pendant que des avions d’attaque ou de pénétration frappent eux les cibles au sol. C’est en vertu de celle-ci que la Russie a développé une version très améliorée du Su-27 Flanker, le Sukhoi Su-35, alias Flanker-E dans la nomenclature de l’OTAN.
C’est à partir du programme du Su-27M que fut lancé celui d’un chasseur à manœuvrabilité accrue au début des années 1990. Il s’agissait alors, malgré le marasme économique russe né de la désagrégation rapide de l’empire soviétique, de maintenir un certain degré de modernité face aux aéronefs de l’US Air Force mais aussi de compétitivité vis-à-vis de l’autre grand avionneur russe du domaine, Mikoyan-Gurevitch dont on disait alors qu’il travaillait alors sur un avion de combat furtif à même de damer le pion aux meilleurs aéronefs occidentaux. Le nouvel avion reçut lui aussi la désignation de Su-27M, ce qui ne favorisa pas le travail des experts de l’OTAN.
En fait malgré une forte parenté entre les deux avions nommés Su-27M le nouvel appareil n’avait pas grand chose à voir avec son « grand frère ». Primo il n’avait pas été prioritairement conçu pour l’export, mais en plus secundo il avait été plus pensé comme un chasseur de supériorité aérienne que comme un chasseur polyvalent. En 1993 il réalisa son premier vol dans sa configuration de définition. A cette époque sa désignation changea, et il devint le Sukhoi Su-35.
Rapidement les spécialistes en analyses de l’OTAN identifièrent l’avion comme un nouvel appareil de la famille du prolifique Su-27 et lui attribuèrent la désignation de Flanker-E. Dès cette période l’état-major russe insista sur le fait que l’appareil était son futur chasseur de supériorité aérienne, en remplacement des Mikoyan-Gurevitch MiG-29, pourtant alors parmi les avions les plus modernes du monde dans cette catégorie.
À la même période une équipe d’ingénieurs décida de développer une version du Su-35 dotée de réacteurs à poussée vectorielle. L’un des prototypes du Su-27M, le numéro 711 fut prélevé des stocks du programme Su-35 et affecté à ce nouveau programme. Il devint le prototype du Su-37.
Dans le même temps le développement du Sukhoi Su-35 progressait. Alors que la Russie post-soviétique se démenait avec ses ex-alliés devenus entre temps séparatistes elle s’engageait dans un très ruineuse et ultra-violente guerre en Tchétchénie. Ce conflit mit en lumière les besoins russes pour des avions d’attaque tous-temps plus que pour des chasseurs hyper-véloces. On crut alors que la campagne de Tchétchénie allait sceller le sort du Su-35.
Pourtant la Russie avait un réel besoin en la matière. Un super chasseur lui faisait défaut, d’autant que l’Amérique s’était engagée dans une profonde modernisation de son aviation, que son Lockheed-Martin F-22A Raptor était désormais pleinement apte au combat, et que son futur programme Joint Strike Fighter laissait entrevoir un avion furtif multirôle aux capacités inégalées. À l’aube du vingt-et-unième siècle si les Russes voulaient inverser la tendance il leur fallait un véritable chasseur capable d’intercepter, et d’abattre le super chasseur furtif de l’US Air Force. Le programme devint alors le Su-35S.
Par rapport à son prédécesseur le Su-35S disposait de tout un tas d’améliorations, en commençant par des réacteurs à poussée vectorielle, issus du Su-37. En outre ils étaient aptes à l’emport de tous les types de missiles air-air en dotation dans l’arsenal russe, du plus simple tel le AA-8 Aphid datant de la Guerre Froide à l’actuel AA-13 Arrow. Dans un souci de rendre l’avion apte à l’export il a été doté d’une capacité air-sol accrue, permettant le tir de toutes les armes guidées TV, GPS, ou laser en fabrication en Russie.
C’est dans cette configuration que le prototype du Su-35S a volé en février 2008.
En 2009 le gouvernement russe passa une première commande pour quarante-huit exemplaires du Sukhoi Su-35S. Deux ans plus tard les premiers avions de série arrivèrent en unité au sein d’un centre d’essais à Akhtubinsk. Fin 2012, la célèbre patrouille acrobatique des Russian Knight troqua ses Su-27 pour des Su-35S. Désormais l’avion était en service.
Néanmoins il fallut attendre encore l’année suivante pour voir les premiers Su-35 arriver dans une unité d’active dans l’extrême-orient russe. La même année une seconde unité en fut doté sur la façade européenne. Ces avions sont désormais devenus la hantise des contrôleurs aériens de l’OTAN, et par définition des pilotes de chasse de ces pays. En 2015, ils sont avec les Mikoyan MiG-31BM les principaux chasseurs de supériorité aérienne en service en Russie.
Même si des pistes ont été avancées quant à leur export, ces avions demeurent pour l’instant uniquement en service en Russie. Avec cet avion Sukhoi espère bien gommer sa réputation de concepteur de chasseurs de salons, entretenue il est vrai par les pilotes de présentation qui n’hésitent pas, comme en juin 2013 au Bourget, à exécuter la figure dite du Cobra devant des foules médusées. Une figure qui de l’aveu même des pilotes russes n’a aucun intérêt au combat. Malgré tout on peut considérer que le Sukhoi Su-35S est la quintessence même de la famille Flanker.
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