Donner un second souffle à un avion particulièrement réussi mais relativement inadapté à l’export n’est jamais chose aisée. C’est le défi qu’eut à relever l’avionneur soviétique Sukhoi quand il voulut au cours de la seconde moitié des années 1980 proposer un successeur à son très réussi Su-27, alias Flanker pour les forces de l’OTAN. En effet à cette époque le biréacteur peinait à trouver sa place hors d’URSS. L’effondrement du bloc communiste et la désagrégation russe allait grandement ralentir ce processus qui donna cependant naissance à un des chasseurs biréacteurs polyvalents les plus vendus dans le monde en ce début de vingt-et-unième siècle : le Su-30, appelé Flanker-C par l’organisation atlantiste.
Dès le début de l’année 1986 les ingénieurs de Sukhoi commencèrent à travailler sur le nouveau prototype T-10M destiné à rendre exportable le Su-27. Officieusement l’avion prit la désignation provisoire de Su-27M, même si celle de prototype demeurait celle officiellement en vigueur. L’avionique fut profondément repensée, le siège éjectable d’origine remplacé par un du type zéro-zéro, deux plans Canard, et une perche de ravitaillement en vol rétractable. C’est dans cette configuration que le Sukhoi T-10M réalisa son premier vol le 31 décembre 1989.
À l’époque plusieurs états (encore) satellites de l’URSS marquèrent leur intérêt pour ce nouvel avion, tels l’Allemagne de l’Est, la Roumanie et la Tchécoslovaquie. Il faut dire que le T-10M se présentait de réelles avancées par rapport au Su-27. Désormais l’avion était officiellement proposé comme Sukhoi Su-27M.
Cependant la chute du mur de Berlin quelques semaines avant ce premier vol, en novembre 1989, puis la rapide désagrégation de l’empire soviétique allait en décider autrement. L’économie de la Russie post-soviétique s’effondra, condamnant lentement une industrie aéronautique totalement inféodée à un état ultra-centralisateur.
Aux bureaux d’études de Sukhoi on décida de mettre en sommeil (relativement prolongé) le programme du Su-27M. L’avion n’était en effet plus du tout d’actualité, la majorité des clients potentiels se rabattant sur les avions vendus à bon prix par une aviation militaire ex-soviétique gangrenée par la corruption et l’appât de l’argent facile. Pourtant, bon an mal an l’avion fut présenté sans trop être modifié sous la désignation de Su-30. Seuls les empennages Canard furent abandonnés… temporairement.
Dans un but de promotions de cet avion trois exemplaires furent commandés par la toute nouvelle Russie. Ces Sukhoi Su-30 entrèrent en service à la fin de l’année 1993. Ils servirent principalement pour des vols promotionnels, notamment dans les salons aéronautiques du Bourget et de Farnborough. L’OTAN attribua à ces avions la désignation de Flanker-C dans son système de codifications propres. Rapidement il devint évident que la commercialisation du Su-30K (désignation export) ne se ferait pas aussi aisément que l’avaient envisagés les ingénieurs.
En fait, le Sukhoi Su-30 ne devint réellement un succès à l’export qu’à la fin du 20ème siècle avec l’immense commande indienne pour deux cents exemplaires désignés Su-30MKI. Les premiers avions de ce type n’entrèrent en service qu’en 2004, étant en partie usinés localement par Hindustan Aircraft Limited.
Par rapport aux Su-30 et Su-30K la version indienne avait retrouvé les empennages Canard. Ces avions furent spécialement gréés avec une avionique occidentale, provenant de France et d’Israël. Ils ont été localement modifié pour permettre l’emport et le tir du missile air-air longue portée K100 développé par la Russie et l’Inde. Cette arme est spécialement conçu pour les cibles à haute valeur ajoutée, tels les avions radars et les ravitailleurs en vol. Au total au gré des commandes successives ce sont près de 280 exemplaires de cet avion qui devraient être utilisés par l’Inde d’ici 2019. Il est à noter que l’avion russe est à l’origine de cinq écrasements, dont deux ont été mortels pour leurs pilotes.
Mais l’Inde n’est pas le seul client à avoir disposer de Su-30 spécialement adaptés. La Malaisie a acquis en 2004 un lot de dix-huit avions très proches dans leur définition des avions indiens et désignés Su-30MKM. Ceux ci ont été notamment spécialement adapté à l’emport et au tir de missiles anti-navires AS-20 Kayak. La Royal Malaisian Air Force emploie principalement ses Flanker-C comme chasseurs d’attaque au sol et de lutte anti-navire. En 2014, ils ont été transformés par l’industrie israélienne pour leur permettre d’emporter et de tirer la bombe à guidage laser GBU-12 d’origine américaine.
Il existe enfin une troisième « version spéciale » de l’avion, le Su-30MKK spécialement conçu à la demande l’aviation chinoise et utilisé principalement pour des missions d’attaque de précision et d’interception. Une centaine d’exemplaires a été commandé, dont vingt-quatre pour les besoins de la marine chinoise. Cependant ces avions ne sont pas navalisés, ils servent à terre pour des missions de lutte anti-navire. Il est à signaler que des Su-30MKK ont également été vendus à l’Indonésie, à l’Ouganda, au Venezuela, et au Vietnam. Dans ce dernier pays ces avions sont utilisés comme intercepteurs purs.
En fait en dehors des trois Su-30 d’origine toutes les autres versions avaient retrouvés les empennages Canard. Hormis les pays précités des Flanker-C volent en 2015 sous les cocardes algériennes, angolaises, kazakhes, et russes. En effet la Russie emploie environ cent cinquante à cent soixante-dix avions de ce type, des modèles Su-30M et surtout Su-30SM. Cette dernière sous-version est employée comme chasseur polyvalent par l’aviation et la marine russe.
Le Sukhoi Su-30, dans ses différentes versions, a été employés dans plusieurs conflits épars. En septembre 2015 le président russe Vladimir Poutine a fait déployer plusieurs Su-30SM au-dessus de la Syrie afin de bombarder les forces ennemies au régime de son allié Bachar El-Assad. À cette occasion ils ont tiré des bombes à guidage laser KAB-500L.
En ce début de vingt-et-unième siècle le Sukhoi Su-30 se présente comme l’avion russe de haute qualité le plus aisément exportable. Il représente un concurrent sérieux aux Boeing F/A-18E & F Super Hornet, Dassault Rafale français, et Eurofighter EF-2000 européen. Dérivant du Su-27M, il dispose d’une parenté étroite avec le super chasseur Sukhoi Su-35 Flanker-E.
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