La puissance maritime d’une nation se vérifie souvent à sa capacité à mettre en œuvre des moyens de guerre sous-marine et de projection de forces aéronavales. Dans cette seconde catégorie le trio mondial de tête est composé des États-Unis, de la France, et du Royaume-Uni. L’un des grands perdants dans ce cas fut l’Union Soviétique et aujourd’hui son héritière directe la Russie. Les porte-avions conçus dans cette partie du monde n’ont jamais été de très grande qualité, et par ricochet les avions destinés à y servir ne furent jamais les priorités des défenses soviétiques puis russes. L’un des exemples les plus criants de ce manque d’intérêt politique pour la chasse embarquée russe fut l’échec du très impressionnant Sukhoi Su-27KUB.
C’est en 1979 que les autorités soviétiques ordonnèrent à Sukhoi de développer un chasseur-bombardier de pénétration destiné à opérer depuis le futur porte-avions alors connu comme Projet 11435. Ce dernier n’existait en fait à cette époque que sur le papier.
Malheureusement jamais les crédits ne furent fournis par le pouvoir central moscovite et les ingénieurs se concentrèrent en fait sur l’avion monoplace Su-27K. D’ailleurs c’est à partir de celui-ci que les designers lancèrent les études du biplace. L’avion reçut en 1985 la désignation de Sukhoi Su-27KUB.
Les autorités soviétiques privilégiant les avions terrestres le programme du Su-27KUB fut mis en sommeil de 1986 à 1990. L’effondrement du bloc communiste et la banqueroute de la jeune Russie qui en découla faillit tué définitivement le programme du chasseur biplace embarqué. Finalement la marine russe se rappela à Sukhoi en 1993 demandant la relance du programme. Et dès le départ les équipes de l’avionneur se lancèrent sur un avion similaire à celui qu’ils avaient imaginés une dizaine d’années plus tôt : un biplace côte à côte. Cela donnait au Su-27KUB un fort faux air de Sukhoi Su-34 embarqué.
Finalement le prototype fut assemblé à partir de février 1998. Il commença ses essais de roulage en décembre de la même année.
Extérieurement le Sukhoi Su-27KUB se présentait sous la forme d’un monoplan à aile médiane en flèche doté de plans canards. La propulsion était assurée par deux turboréacteurs Lyulka-Saturne AL-31F3 d’une poussée nominale de 12798 kilogrammes. Les deux membres d’équipage prenaient place dans un cockpit biplaces en tandem équipé de sièges éjectables zéro-zéro. Le cœur du Su-27KUB résidait dans son radar Phazotron Zhuk-MS conçu pour gérer à la fois des cibles en surface et au sol. Destiné à opérer sur porte-avions il possédait un train renforcé et une crosse d’appontage.
Il réalisa son premier vol le 29 avril 1999.
Dès l’automne de la même année il fut décidé de tester l’avion à bord du porte-avions Amiral Kuznetsov, l’héritier du Projet 11435. Avant cela l’avion fut essayé sur un tremplin similaire à celui du bâtiment de guerre mais situé à terre. L’essai fut concluant. Le 6 octobre 1999 l’avion appontait pour sa série d’essais à la mer en Baltique. Les missions se déroulèrent sans difficulté particulière.
C’est à cette occasion qu’un équipage de Lockheed EP-3E Aries repéra le Su-27KUB sur le pont du porte-avions et transmis les images à la CIA et à l’OTAN. Cette dernière estimant qu’il ne s’agissait que d’une sous-version du Sukhoi Su-33, ex-Su-27K, elle lui attribua la désignation similaire de Flanker-D.
En novembre 1999 l’avion retourna à terre, au centre de teste de Zhukovski. Les équipes de Sukhoi et de la marine russe s’orientèrent alors vers les purs essais en vol autant que ceux liés à l’armement. Avant même que ces derniers ne débutent l’avion fut très fortement endommagé le 16 juin 2000 lors d’un vol à basse altitude et en supervitesse de croisière. Un des deux réacteurs explosa après que la verrière du cockpit se soit détaché et que des débris eurent percuté l’empennage et la voilure. L’incident empêcha la bonne fonction des sièges éjectables obligeant l’équipage à ramener le Su-27KUB à son point de départ.
En décembre 2000 l’avion revint de réparation, revêtu cette fois d’une livrée officielle de la marine russe. Porteur du code Blue 21 il fut présenté au salon aéronautique MAKS 2001 où il ne suscita pas un gros intérêt.
L’avionneur lança en février 2002 l’assemblage d’un second prototype destiné à accueillir l’armement et à tester une version de brouillage électronique sur le modèle du Boeing EA-18G Growler américain dont l’étude avait été révélée quelques semaines plus tôt.
Finalement à l’été 2002 Moscou annonça la fin pure et simple du programme du Su-27KUB. Il était alors envisagé par le constructeur de construire au moins soixante avions de série sous la désignation de Su-33UB. Il n’en fut rien. Le second prototype, assemblé à 25%, fut immédiatement envoyé à la ferraille. Le premier demeura comme avion de servitude chez Sukhoi jusqu’en 2006 avant d’être versé aux collections du musée aéronautique de Moscou.
Pour des raisons purement financières et politiques propres à la Russie contemporaine le Sukhoi Su-27KUB Flanker-D est donc demeuré expérimental. C’est un chasseur-bombardier qui n’eut même pas le temps de recevoir d’armement.
Il demeure aujourd’hui encore un des plus beaux échecs de l’avionneur avec le chasseur de supériorité aérienne Su-37.
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