A la fin des années 60, l’Union Soviétique est consciente du retard technologique que son aéronautique a prit par rapport aux Etats-Unis, notamment dans le domaine des avions d’attaque et de frappe conventionnelle en profondeur. Alors que l’US Air Force aligne le très impressionnant General Dynamics F-111 et que tout porte à croire que le Pentagone se prépare à mettre en ligne d’autres appareils d’attaques tout aussi moderne, l’URSS se repose toujours sur sa flotte d’Ilyushin Il-28 datant des années 50 et sur quelques bombardiers moyen Tupolev Tu-16 modifiés. Elle décide donc de se lancer dans une recherche importante concernant un appareil de ce type. Plusieurs avionneurs proposent alors comme solution d’adapter des appareils déjà existants, comme ce qui sera fait plus tard avec le MiG-27, sauf Sukhoï qui propose une solution beaucoup plus radicale : un nouvel avion totalement innovant. Cette solution donnera naissance à un des pires cauchemars de l’OTAN, le Sukhoi Su-24.
En fait, Sukhoi travaillait vraisemblablement sur ce nouvel avion depuis 1967 et c’est donc assez naturellement qu’il fut prêt pour son premier vol qui eut lieu en avril 1969, soit seulement quelques mois après le feu vert de Moscou pour son étude et sa réalisation. Devant la formidable avancée technologique que représentait le nouvel avion, désigné Sukhoi Su-24, les forces soviétiques décidèrent de le construire dans le plus grand secret, et surtout de ne pas le révéler au monde lors du traditionnel défilé du 1er mai.Le Sukhoi Su-24 tranchait radicalement avec les précédentes réalisations du constructeur. Il s’agissait d’un monoplan à géométrie variable biplace côte à côte disposant d’un train d’atterrissage tricycle totalement escamotable.
Le nez de l’avion abritait un radar de navigation et de conduite de tir ainsi qu’un système de suivi de terrain et d’évitement d’obstacle. En outre l’avionique très poussée de l’avion privilégiait les communications et les protections anti-missiles de l’appareil. Le Su-24 était en outre doté d’un détecteur d’alerte radar de dernière génération et disposait d’une panoplie d’armement très vaste. Avion d’attaque, et non, bombardier léger, le Su-24 devait être capable de se défendre contre d’éventuels chasseurs, c’est pourquoi Sukhoi le dota d’un puissant canon mitrailleur multitube de 30mm et de la possibilité d’emporter des missiles air-air d’autodéfense AA-8.Sous bien des aspects le Su-24 rappelait alors son homologue américain, le F-111. Néanmoins il semblait plus perfectionné notamment au niveau de l’avionique.
Le cockpit était lui aussi totalement repensé, le pilote et son navigateur travaillant désormais en totale osmose côte à côte, sur des sièges éjectables indépendant l’un de l’autre et disposant d’une liaison de communication interne. Le cockpit avait été réalisé en tenant compte des éventuelles perturbations que pourrait ressentir l’équipage lors des vols à basse altitude.Le train d’atterrissage lui était classiquement renforcé, comme sur la plus part des avions soviétiques, de manière à pouvoir opéré sur un sol gelé.
Malgré les tentatives soviétiques de garder l’avion secret le plus longtemps possible, il fut découvert par l’OTAN en 1971, soit tout de même deux ans après son vol inaugural, et jeta le désarroi dans les rangs occidentaux. Certains y voyaient un bombardier moyen, d’autre un torpilleur, d’autre encore un chasseur de supériorité, et ce fut cette dernière hypothèse qui retint l’attention. C’est pourquoi le Su-24 fut codé Fencer (escrimeur) par l’OTAN. Le F étant la lettre des chasseurs.
En juillet 1976 l’Union Soviétique disposait déjà d’un régiment de plus de 50 Su-24, et les cadences allaient de plus en plus vite. A partir de 1982 l’Union Soviétique commença à baser des Fencer hors de ses frontières, en Allemagne de l’Est. A cette époque l’aviation du front soviétique disposait déjà de plus de 400 Su-24 dont une centaine étaient basée à moins de 200km des côtes japonaises sur la partie orientale de la Russie.
En 1984, les Su-24 furent envoyés en Afghanistan pour contrer la résistance des Moudjahidines, et ils employèrent notamment des armes à guidée laser. C’était là la première fois que l’OTAN observa ce type d’arme entre les mains de l’URSS. Lors de ces engagements les Fencer apportèrent également la preuve de leur extraordinaire précision dans le tir de missiles air-surface, principalement des AS-10 et surtout l’AS-14 alors considéré comme le meilleur missile air-surface au monde. Pendant ce temps l’URSS continuait à prépositionner ses Su-24 sur l’ensemble des pays du Pacte de Varsovie, en Hongrie, en Pologne, et même en Bulgarie.
En 1984, alors que plusieurs sous-versions avaient déjà été observé dont une de frappe nucléaire pré-tactique, un chasseur SAAB J37 Viggen de la Flygvapen intercepta dans l’espace aérien international un Su-24 totalement désarmé. L’appareil n’emportait même pas de canon interne. Plus tard l’OTAN admit qu’il s’agissait d’une version de guerre électronique similaire au Grumman EA-6B de l’US Navy. Au moment de la chute du Mur de Berlin plusieurs de ces avions, désignés Fencer-E par l’OTAN, furent aperçus autour de la capitale allemande.
A l’exportation le Su-24 fut d’abord vendu aux clients habituels de Moscou : l’Irak, la Lybie, et la Syrie entre 1989 et 1990. L’Irak reçu un lot 24 Su-24 dont 18 furent cachés en Iran (et jamais rendu) lors de l’attaque anglo-américano-française du 17 janvier 1991. La Libye reçut 15 Fencer qu’elle affecta à une unité de bombardement tout temps, au côté de vieux Tu-22 Blinder. Quant à la Syrie, elle prit en compte 20 appareils qu’elle basa au sud du pays non loin de la frontière avec le Liban. Les Su-24 syriens et irakiens représentaient un danger réel pour le territoire israélien, et un éventuel adversaire coriace pour ses F-15.
De nos jours l’Iran dispose en plus des 18 Fencer ex-irakiens de 14 appareils acquis en 1996 auprès du Bélarus. Ces appareils représentent le fer de lance de la flotte de bombardement et d’une hypothétique force de frappe nucléaire du pouvoir des Mollahs. L’Algérie et l’Angola sont les deux autres pays africains avec la Libye à disposer dans leurs rangs de Su-24. L’Algérie dispose notamment de Su-24MK de lutte anti-navire. Plusieurs ex-républiques soviétiques disposent encore de Su-24, dont la Russie qui en aligne encore près de 500 et l’Ukraine qui disposerait de 200 de ces machines. Quelques républiques du Caucase auraient également des Fencer. La Russie a utilisé ses Su-24 pour des bombardements conventionnels et pour des attaques de précision lors de la guerre en Tchétchénie. Actuellement la Corée du Nord serait favorable à l’achat de Fencer de seconde main. Plus de 1400 Fencer ont été construits, et la chaîne de fabrication n’a jamais été complètement arrêtée.
Le Sukhoi Su-24 demeure, plus de trente ans après son entrée en service, un des meilleurs avions d’attaque de précision et de pénétration à basse altitude. Il aura au moins eu également le privilège de donner quelques suées aux généraux et experts de l’OTAN.
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