Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale la France, dans son désir de restaurer sa puissance militaire, se lança dans une série de programmes aéronautiques militaires, tous plus ambitieux les uns que les autres. Certains n’étaient que la reprise de programmes de constructions lancés par les Allemands durant l’Occupation, d’autres étaient des programmes purement expérimentaux visant seulement l’étude de certains domaines de vol, et enfin il y avait une petite série de programme visant à doter l’Armée de l’Air, mais aussi l’Aéronautique Navale, de nouveaux matériels. Les constructeurs aéronautiques du pays, dont certains venaient juste d’être nationaliser furent tous mis à contribution. Dans cet élan technologique l’avionneur Sud-Ouest et le motoriste SNECMA furent associé sur un curieux projet d’intercepteur embarqué, le SO.8000 Narval.
Au printemps 1946, l’Aéronautique Navale émit le souhait de disposer sur ses porte-avions d’un chasseur de supériorité aérienne, d’interception, et éventuellement d’attaque au sol rapprochée de nouvelle génération. Tandis que l’US Navy et la Fleet Air Arm tablaient alors sur des avions à réaction, la Marine Nationale préféra demander aux avionneurs français d’étudier un appareil doté d’un moteur à pistons. À cette époque le Supermarine Seafire, version navale du Spitfire, était le principal chasseur naval en service en France. La Société Nationale de Construction Aéronautique du Sud-Ouest (SNCASO ou plus simplement Sud-Ouest) qui fut immédiatement choisi pour diriger cette recherche sélectionna l’avionneur et motoriste Arsenal pour concevoir un propulseur efficace pour le nouvel appareil. Devant la pénurie de nouveaux moteurs, et surtout la difficulté d’opérer en si peu de temps, Arsenal préféra se tourner vers un moteur existant déjà, le Junkers Jumo-213, un moteur allemand de 2100 cheuvaux alors « récupéré » par les ingénieurs de la SNECMA.
Les ingénieurs de la SNCASO proposèrent alors un surprenant monomoteur à hélices propulsives. L’appareil reprenait la configuration bipoutre, alors en plein essor avec le monoréacteur britannique De Havilland Vampire, afin de pouvoir loger sans difficultés les deux hélices tripales contrarotatives du Junkers Jumo. L’avion disposait également d’un cockpit monoplace placé très en avant de l’avion permettant ainsi au pilote de disposer d’un champ de vision assez important. L’appareil devait disposer d’une crosse d’appontage placé au milieu du fuselage, à l’avant des hélices. L’aile basse de l’avion avait été affinée et agrandie de manière à permettre les évolutions à basse altitude et à vitesse réduite lors des phases d’appontage. L’armement prévoyait alors six canons de 20mm et une charge externe de bombes de 1000 kg.
Arsenal de son côté exigea de la SNECMA que la puissance du Jumo-213 fut portée à 2250ch., ce qui provoquait des problèmes internes, notamment au niveau du système de refroidissement liquide sous pression. Toutefois la SNECMA réussi à réguler ces soucis, en partie grâce au fait que le Jumo-213 avait été sélectionné pour être le moteur du futur hydravion Nord Noroit. Arsenal baptisa 12-H2 le Jumo-213 alors même que la SNECMA lui laissait sa désignation d’origine. Malgré ce programme, la branche moteur d’Arsenal fut absorbée par la SNECMA en 1948. Le Jumo-213 devint officiellement le SNECMA-Arsenal 12-H2. Le premier vol du prototype eu lieu le 1er avril 1949. A cette époque l’avion ne disposait pas d’un siège éjectable.
En avril 1949, alors que l’US Navy disposait déjà des Mc Donnell F2H Banshee et que le Grumman F9F Panther faisait son entrée en service, le SO.8000 Narval, se présentait déjà comme un avion dépassé. De plus l’émergence de la Guerre Froide mais aussi des mouvements indépendantistes en Indochine avaient radicalement changé la donne, faisant du Narval un appareil dont le système d’arme n’intéressait plus guère l’Aéronautique Navale. Mais surtout en 1949, l’URSS, alliée en 1946 lors du lancement du programme Narval, était devenu un ennemi potentiel, et ses chasseurs Mikoyan-Gurevitch MiG-15 représentaient alors une sérieuse menace pour tous les avions de combat à moteurs à pistons, fussent-ils de dernière génération. Pourtant le Ministère de la Marine exigea un second prototype, armé celui-là. Celui-ci effectua son premier vol en décembre de la même année.
Malgré l’originalité de l’appareil, et sa capacité à pouvoir emporter des bombes et donc servir d’avion d’appui rapproché, l’Aéronautique Navale décida de stopper le programme en février 1950 après seulement 43 vols, principalement effectués par le premier prototype. En effet, la France venait de recevoir de la part des États-Unis, au titre du Mutual Assistance Program, un lot de vieux chasseurs Grumman F6F Hellcat, et se préparait à recevoir des Vought F4U Corsair, tous deux bien plus adaptés au théâtre d’opération indochinois. Les équipes Sud-Ouest affectées au programme Narval furent instantanément redirigés vers un autre projet d’avion de combat, celui qui allait donner naissance au futur Vautour.
Le SO.8000 Narval est, à l’instar du Potez 75, un de ces nombreux projets français demeurés sans suite, en partie du fait de leur anachronisme relatif. Malgré cela le Narval demeure un des projet d’après-guerre les plus intéressants, notamment architecturalement. Seul le second prototype semble avoir été détruit. Gageons que l’appareil réapparaîtra un jour ou l’autre dans les collections du Musée de l’Air et de l’Espace du Bourget.
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