Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale l’industrie française était à genou. Quatre années d’occupation allemande l’avaient littéralement réduite à néant. L’aéronautique n’y faisait pas exception. Pourtant cette dernière se releva assez rapidement, à la fois pour répondre aux impératifs de fournitures de matériels mais également pour relever les défis des évolutions technologiques. Et parmi ces dernières figuraient l’hélicoptère. Grâce aux progrès allemands et américains on était désormais bien loin des fragiles machines d’avant-guerre. L’époque était aux essais tous azimuts. C’est ainsi qu’un des programmes les plus ambitieux alors mis en place en France était le Sud-Ouest SO.1100 Ariel et ses dérivés.
En 1946 l’ingénieur autrichien Theodor Laufer eut la possibilité de rejoindre la France et de travailler avec son collègue Paul Morain au sein de la Société Nationale de Construction Aéronautique du Sud-Ouest. Laufer avait été durant le conflit le bras droit du célèbre ingénieur Friedrich von Doblhoff, concepteur de l’hélicoptère expérimental WNF 342.
Von Doblhoff et Laufer avaient développé pour le compte de l’Allemagne hitlérienne une technologie révolutionnaire : la thermopropulsion. Outre le fait de faire appel à la réaction elle permettait de s’affranchir du rotor anti-couple à l’arrière de la machine. C’est cela que Theodor Laufer apporta avec lui d’Autriche.
Il n’était alors pas question d’utiliser la thermopropulsion afin de construire en série des hélicoptères. La France de 1946 en était encore loin. Par contre évaluer les capacités d’une telle machine, ça oui. Et c’est dans ce sens que fut lancé le programme SO.1100 Ariel. Extérieurement la nouvelle machine n’était pas exactement un hélicoptère pur mais plutôt un hybride hélicoptère-autogire dont la seule fonction était de reproduire la technologie du Doblhoff WNF 342.
Outre son moteur compressé à huit cylindres en V inversé Mathis G8 le SO.1100 dispose de chambres de combustions miniaturisées aux extrémités des trois pales de l’hélicoptère. Pour le reste l’appareil reprenait l’hélice arrière de l’autogire montée sur un fuselage ovale et un train tricycle fixe. Sous l’immatriculation civile temporaire F-WFKM le prototype SO.1100 Ariel réalisa son premier vol le 14 mai 1947. Les essais démontrèrent la faisabilité du concept autrichien mais commencèrent également à mettre en lumière une hallucinante consommation en carburant. L’Ariel ne pouvait tenir les airs que quelques minutes avant de friser la panne sèche.
Fin 1947 il fut décidé de pousser plus loin le programme d’essais. C’est ainsi que la SNCASO lança le programme du Sud-Ouest SO.1110 Ariel II. Cette fois l’hybridation hélicoptère autogire était abandonné et on passait à un véritable hélicoptère pur. La motorisation autour du Mathis G8 fut cependant conservée, pour des raisons économiques. Ce moteur en V inversé était plutôt bon marché. Afin de vérifier les théories mises en équations par Laufer et son comparse Morain le SO.1100 Ariel fut modifié comme banc d’essais statique. Son hélice arrière laissa la place à une queue dotée d’un empennage simple. Les résultats ne furent pas concluants et il fut décidé que le SO.1110 Ariel II disposerait d’un empennage double dérive.
Extérieurement donc le Sud-Ouest SO.1110 Ariel II tenait beaucoup de son prédécesseur. Sous l’immatriculation civile française F-WFRQ son vol inaugural eut lieu le 23 mars 1949. Un peu plus d’un an plus tard, le 21 avril 1950 volait le second prototype de l’Ariel II, cette fois sous l’immatriculation F-WFUF. Et là encore les vols d’essais se déroulèrent assez bien même s’ils furent courts. Toujours en raison de la consommation extrême en carburant des chambres de combustions de bouts de pales l’autonomie de ces hélicoptères expérimentaux était ridicule.
SO.1100 Ariel et SO.1110 Ariel avaient pourtant réussi à prouver que la thermopropulsion fonctionnait réellement. Theodor Laufer avait réussi sa mission.
D’ailleurs en ce début des années 1950 le succès de l’équipe Morain-Laufer attira la convoitise. Outre-Manche les constructeurs Fairey et Percival se lancèrent à leur tour dans des programmes similaires. La thermopropulsion était dans l’air du temps. Il était donc impératif pour la SNCASO de lancer le développement d’un Ariel industrialisable en série.
C’est ainsi qu’apparut le SO.1120 Ariel III, la version la plus finie.
Cette fois le moteur à piston Mathis G8 fut abandonné au profit d’une turbine Turboméca Artouste II à compresseur Arius. Ce groupe propulseur développait 275 chevaux. Deux prototype du Sud Ouest SO.1120 Ariel III furent produits. Ils reçurent les immatriculations civiles provisoires F-WFUY et F-WBBL. Leur aspect général donnait vraiment l’impression d’hélicoptères légers que l’on pourrait commercialiser. Mais il n’en était rien. Après le premier vol du 18 avril 1951 il fallut se rendre à l’évidence : la thermopropulsion était beaucoup trop gourmande en carburant pour être réellement efficace dans une utilisation à long terme. À l’été 1951 le programme fut abandonné.
Pour autant tout n’était pas négatif dans ce programme. La SNCASO avait démontré la faisabilité technologique des hélicoptères thermopropulsés. Pourtant ni le SO.1100 Ariel ni ses deux dérivés n’avaient réussi à dépasser le stade expérimental. Apprenant de leurs erreurs les ingénieurs français réussirent cependant à construire en série un hélicoptère disposant d’un technologie très similaire : le SO.1221 Djinn.
Il est à signaler cependant que le SO.1120 Ariel III gagna aussi un titre qu’il détient éternellement : premier hélicoptère au monde propulsé par une turbine. Et ça ce n’est pas rien. Aujourd’hui le premier prototype de l’Ariel II est préservé au Musée de l’Air et de l’Espace du Bourget en région parisienne, dans sa livrée orange et beige d’origine.
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