En 1949, la France n’en était encore qu’au balbutiement en matière de jets de combat, et pourtant elle lança un programme destiné à doter son aéronavale d’un appareil de ce genre. Toutefois après l’échec du Nord N-2200, les industriels français étaient un peu frileux quant au fait de développer un appareil similaire. C’est pourquoi, en 1951, la Royale se tourna vers l’étranger et fit le choix du De Havilland Sea Venom, l’appareil alors en cours d’entrée en service au sein de la Fleet Air Arm.
Après quelques atermoiements politiques, un accord franco-britannique fut passé pour la construction sous licence du Sea Venom par la SNCASE (Société Nationale de Construction Aéronautique du Sud Est, aussi appelée Sud-Est) sous la désignation de SE-201. Pour cela l’avionneur réalisa un premier prototype très proche de l’appareil de série britannique Sea Venom Mk-52, sous la désignation SE-20, qui vola pour la première fois le 31 octobre 1952. Il fut baptisé Aquilon par les marins français. Par la suite, l’appareil donna naissance aux premiers appareils de série SE-201, des biplaces entrés en service au sein de la Flottille 16F en remplacement de vieux Grumman F6F-5 Hellcat monomoteur.
Le SNCASE SE-201 Aquilon se présentait sous la forme d’un monoréacteur biplace côte à côte monoplan à aile médiane. Construit entièrement en métal, il disposait d’une cellule, identique à son modèle britannique, bipoutre. Sa propulsion était assurée par un turboréacteur De Havilland Ghost Mk-48-1 d’une poussée de 2 200kg à sec, construit sous licence italienne par Fiat. L’armement de l’Aquilon se composait de quatre canons Hispano de calibre 20mm et de huit roquettes à très haute vélocité HVAR de 127mm chacune sous les ailes. Ces dernières armes permettaient aux chasseurs biplaces français d’effectuer tant des missions de chasse que d’attaque au sol. Toutefois, l’absence de radar, du fait de retards de développement chez Thomson-CSF, contraignit les SE-201 à n’opérer qu’en plein jour, et par beau temps. Le SE-201 fut assemblé à vingt exemplaires de série, qui permirent notamment de transformer des pilotes habitués à voler sur des appareils plus rustiques, et surtout bien plus lents.
Après ces appareils construits à partir d’éléments fournis par De Havilland, la SNCASE livra un nouveau lot de 25 appareils à la Marine sous la désignation de SE-202. Si extérieurement ils semblaient très similaires, ceux ci étaient intégralement usinés et assemblés en France et doté d’un équipement que le SE-201 ne possédait pas, les sièges éjectables. Quelques autres modifications mineures furent apportées, notamment au niveau de la verrière ou de la crosse d’appontage. Ces appareils renforcèrent les SE-201 dans la mission diurne. Outre la 16F, des SE-202 volèrent sous les couleurs de l’Escadrille 10S.
En fait, il fallut attendre le monoplace SE-203 pour que l’Aquilon devienne réellement un chasseur tous temps. En effet, doté d’un radar américain Westinghouse AN/APQ-65, similaire à celui équipant certain Grumman F9F-4 Panther de l’US Navy, ce dernier permettait le vol de nuit ou par mauvais temps, mais également le guidage des deux missiles air-air français Nord N-5103 qu’il emportait. Un lot de quarante appareils de ce type fut livré à la Flottille 11F et à l’Escadrille 59S. Véritable rupture avec le SE-202, le SE-203 donna naissance à une version biplace côte à côte très légèrement armée d’entraînement avancée sous la désignation de SE-204. Ces appareils furent assemblé au nombre de six seulement et furent versés à l’Escadrille 59S où servaient déjà des SE-202.
Les Aquilon participèrent activement aux opérations en Algérie, assurant des missions de défense aérienne, à partir de bases aéronavales françaises dans l’ancienne colonie, mais aussi à partir du porte-avions Arromanche. C’est d’ailleurs sur ce navire qu’ils étaient lorsqu’ils prirent part à l’opération Mousquetaire, aux côtés des forces britanniques et israéliennes contre l’aviation et la marine égyptienne en 1956 en représailles à la reprise par ce pays du canal de Suez. Si les Aquilon français furent moins médiatisés que les Dassault Ouragan israéliens ou les Hawker Sea Hawk britanniques, ils participèrent activement aux combat, s’octroyant au moins trois victoire aérienne, dont une contre un vieux P-51D Mustang appartenant à l’Egypte.
Bien que leur carrière fût assez courte, à peine une petite dizaine d’années, les Aquilon connurent une activité intense et forte, participant à la plus part des conflits et opérations dans lesquels la France prenait part. Ils furent retirés de la première ligne entre 1964 et 1967, au profit de Dassault Etendard IVM et de Vought F-8E (FN) Crusader nettement plus modernes. Quelques appareils furent conservés au sein de l’Escadrille 2S pour des missions de servitude et de tractage de cibles jusqu’en 1972. Ces appareils étaient désarmés, mais conservaient leur radar le cas échéant. Ils laissèrent la place à des Morane Saulnier MS-760 Paris et à des Fouga CM-175 Zéphyr moins rustiques.
Premier avion à réaction à entrer en service dans la Marine Nationale, les Sud-Est Aquilon sont bien plus qu’une version assemblée sous licence du Sea Venom britannique. En effet, seuls les SE-201 peuvent être considérés comme tels, les autres versions étant à proprement parler des avions français.
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