Les nombreux visiteurs qui se pressent chaque année dans le hall des prototypes du Musée de l’Air et de l’Espace sont souvent surpris par l’une de ces machines expérimentales. Un petit monoplace à réaction ressemblant plus à une moto rétro-futuriste ou à un monstre à mi-chemin du percolateur géant et de l’alambic que réellement à un aéronef. C’est ainsi que se présente un des prototypes français les plus étonnants des années 1960 : le Sud-Aviation SA-610 Ludion.
Sa conception remonte à une volonté de l’OTAN de disposer de moyens aériens capables de transporter un fantassin totalement équipé à plusieurs kilomètres dans un temps très limité. En fait c’est à un ingénieur français, Georges Caillette, que l’on doit les premières études sur le genre dès 1954. Celui qui travaillait alors pour Morane-Saulnier, mais passa également par la SFERMA fut recruté en 1964 par Sud-Aviation en vue de donner corps à son avant-projet.
Une équipe d’ingénieurs fut montée autour de lui, réunissant aussi bien des concepteurs que des motoristes. Un temps Caillette envisagea de doter son prototype, désigné Sud-Aviation SA-610 Ludion, de deux petits réacteurs Turboméca Marboré Mk-II de 400 kg de poussée chacun mais les projections donnaient une machine trop puissamment motorisée et donc dangereuse pour ses futurs utilisateurs.
Car le cahier des charges de Sud-Aviation était des plus clairs : le Ludion devait être apte à être piloté par absolument n’importe quel fantassin français et non des pilotes. Il fallait donc qu’il soit aussi simple à piloter qu’on conduise une automobile et sa poussée devait être minimale. C’est la raison pour laquelle l’ingénieur en chef s’orienta finalement vers deux moteurs-fusées SEPR S.178 d’une poussée unitaire de 126 kg. Niveau carburant l’engin emportait un système d’alimentation articulé autour d’un réservoir de nitrate d’isopropyle et une bouteille d’azote comprimé. Afin de maitriser certaines techniques liées à la compression des gaz Caillette s’allie à Jean Bertin, concepteur du génial Aérotrain, à qui il demande d’étudier le prototype.
Au sein de sa Société d’Études et de Constructions Aéronavales (ou SECAN) Bertin développe pour le SA-610 Ludion deux tubes de raccordement surnommés trompes et permettant d’augmenter d’environ 45% la poussée des moteurs-fusées. L’ingénieur ferroviaire va également apporter quelques modifications à la cellule de l’engin volant.
Finalement le prototype du Sud-Aviation SA-610 Ludion décolle pour son premier vol le 8 mars 1962 depuis le centre d’essais de Melun-Villaroche en grande banlieue parisienne. Cependant l’ADAV (pour aéronef à décollages et atterrissages verticaux) demeure entravé au sol par de puissante élingues. Il faudra attendre le 18 décembre 1968 et le cinquantième vol d’essais pour qu’enfin le Ludion 001 soit libre de ses mouvements.
Quarante-huit heures plus tard le Ludion 002 réalise lui son premier vol… entravé.
Et très rapidement l’état-major français doit se résoudre à déchanter. Non seulement le SA-610 Ludion n’est pas facile à manœuvrer mais de surcroit il s’avère particulièrement instable à l’atterrissage et ce malgré les quatre mini-roulettes installées aux extrémités de l’engin. Son train d’atterrissage monotrace, à la manière du chasseur SO.4050 Vautour, tient plus du deux roues qu’autre chose. En outre son autonomie limitée à trente secondes le rendait incapable de permettre le franchissement des obstacles aux soldats qui devaient en être dotés. Sans compter que l’engin était très bruyant et donc pas forcément aussi discret que l’auraient voulu les militaires.
Le programme du Sud-Aviation SA-610 Ludion est finalement stoppé par le constructeur et le ministère de la défense nationale au début de l’année 1971. Georges Caillette, dépité, décide de prendre sa retraite quelques semaines plus tard. Les trois prototypes de l’engin sont alors conservés et préservés.
Machine volante mal connue le Sud-Aviation SA-610 Ludion est souvent considéré comme la réponse française au principe américain du jet-pack, même si dans la réalité il est plus proche du VZ-9 Avrocar canadien. Une machine volante là encore demeurée à l’état de prototype.
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