Au cours de la Seconde Guerre mondiales les forces aériennes et aéronavales américaines firent un usage important des avions légers de liaisons et d’observation. Ces monomoteurs souvent dérivés d’avions de tourisme furent utilisés durant tout le conflit et souvent largement fournis aux forces alliées au titre de la loi de prêt-bail. L’un des modèles les plus prolifiques fut certainement l’étonnant et très réussi Stinson L-5 Sentinel.
Dès fin 1939 alors que l’Europe se déchirait l’avionneur Stinson chercha à proposer à l’US Army Air Corps son nouvel avion de tourisme baptisé Model 108 Voyager comme plateforme d’observation et de réglages des tirs d’artillerie. Une commande fut officiellement passée pour six exemplaires de présérie sous la désignation YO-54. Malgré de très bonnes qualités générales, notamment en terme de vitesse de croisière et de plafond pratique l’avion ne suscita pas l’intérêt de l’état-major américain. Et pour cause, celui-ci s’était engagé déjà sur deux avions d’observations : le Curtiss O-52 Owl et le Vultee O-49 Vigilant.
Un peu plus de deux ans plus tard, au lendemain de l’attaque japonaise contre Pearl Harbor, la donne changea radicalement. Et l’US Department of War demanda à Stinson de revoir sa copie et de proposer une version dérivée de son Model 108 Voyager et beaucoup plus adaptée aux besoins militaires que le YO-54. Le futur avion reçut la désignation de Stinson HW-76 et fut immédiatement construit à l’état de prototype.
Son premier vol intervint en juin 1942. Et une première commande fut passé dans le même temps pour 275 premiers exemplaires connus comme Stinson O-62 Sentinel.
Les premiers O-62 Sentinel entrèrent en service en décembre 1942. Ils permirent ainsi de remplacer efficacement en première ligne certains avions de plus ancienne conception comme le Douglas O-46 et le North American O-47.
Quelques semaines après son entrée en service les versions ultérieures reçurent la désignation de Stinson L-5, dont la première commande porta sur 1538 exemplaires. Le patronyme de l’avion demeura le même. S’en suivirent les versions L-5B, L-5C, L-5E, et enfin L-5G qui se différenciaient généralement par leur motorisation ou quelques menues modifications. Par exemple le L-5B construit à 730 exemplaires avait la possibilité de troquer son train d’atterrissage pour deux flotteurs tandis que le L-5C de son côté était une version de reconnaissance photographique. Elle était équipée de deux caméras K-20 installées dans le fuselage.
Mais la version sans doute la plus intéressante est le L-5E construit à 750 exemplaires. Avec sa voilure modifiée et ses nouveaux volets elle possédait de véritables qualités d’atterrissages et de décollages courts, un véritable plus quand on parle d’un avion de liaisons et d’observation. Le L-5G lui est une version initiée à la fin de la guerre et dérivée du L-5E. Commandée à 785 exemplaires finalement ce ne sont que 115 d’entre-eux qui furent assemblés avant août 1945 et la cessation des hostilités, synonyme de rupture des contrats d’armement.
L’US Army Air Force utilisa très intensivement ses Stinson L-5 Sentinel dans les missions de liaisons, d’observation et de réglages des tirs d’artillerie. À tel point même que l’avion commença dès 1943 à faire de l’ombre aux Aeronca L-3 et Piper L-4, les deux principaux modèles de ce genre en service dans l’aviation américaine. Devant sa capacité à opérer aussi bien de jour que de nuit, par beau temps comme sous la neige ou les trombes de pluie le L-5 Sentinel ne tarda pas à recevoir le sobriquet de «Flying Jeep», en référence à la célèbre petite voiture tous-terrains. Il faut dire que des tels avions volaient aussi bien en Angleterre qu’en Afrique du nord et en Méditerranée ou encore bien évidemment dans la guerre du Pacifique.
Mais l’US Army Air Force ne fut pas la seule arme à acquérir des avions de ce genre. L’US Navy et l’US Marines Corps en firent de même. Sous la désignation de Stinson OY-1 Sentinel c’était en fait 306 exemplaires de L-5 et L-5B tandis que sous celle de OY-2 il s’agissait de 182 modèles L-5E. Deux L-5G furent également désignés OY-2.
Si les OY-1 servaient principalement dans l’US Navy et pour des missions à terre les OY-2 appartenaient surtout à l’US Marines Corps. Il est à noter que la particularité que ces derniers soient dérivés du L-5E présentant des qualités ADAC les rendaient aptes à l’appontage. Il n’était donc pas rare entre 1943 et 1945 de voir de tels monomoteurs sur les ponts des porte-avions américains croisant dans le Pacifique.
C’est d’ailleurs sur ce théâtre d’opération que des Stinson OY-2 Sentinel furent engagés comme avions de harcèlement nocturne. Bricolés sur place ils emportaient sous chaque aile deux tubes lance-roquette antichar (vulgairement des bazookas) permettant ainsi quatre tirs par avions. Ils pouvaient ainsi venir au plus près des troupes nippones tirer leurs munitions sur les ilots et retourner à leur base ou sur leur porte-avions. Bien plus silencieux que les lourds Curtiss SB2C Helldiver ou encore que les Douglas SBD Dauntless ils furent plusieurs fois engagés entre les étés 1944 et 1945.
Par ailleurs l’avion était surtout une machine de liaisons et d’observation. Une fois les débarquements de Normandie et de Provence réalisés ces avions devinrent coutumiers des aérodromes de fortune des forces américaines en France et en Belgique, puis par la suite en Allemagne au gré des progressions de l’US Army. Durant la bataille de Normandie le L-5 Sentinel mérita plus que jamais son surnom de jeep volante tant il était capable de se poser n’importe où, même criblé de balles allemandes.
Outre les forces américaines des exemplaires furent fournis durant la guerre à trois forces alliées : les Forces Aériennes Françaises Libres, la Royal Air Force, et la Royal Australian Air Force. Dans la nomenclature britannique ils furent désignés Stinson Sentinel Mk-I et Mk-II et utilisés surtout sur en Europe et en Afrique du nord. Quand aux Français libres ils utilisèrent entre trois et quatre de ces avions aussi bien pour des vols de liaisons et des transport d’état-major que pour des missions clandestines au-dessus de la France occupée.
Enfin l’aviation chinoise a utilisé au moins trois avions de ce type, d’anciens exemplaires américains tombés entre ses mains après des atterrissages de fortunes.
Une fois la paix revenue dans le monde en août 1945 la production cessa après presque 3900 exemplaires du Sentinel construits. Si les derniers O-62 furent retirés du service opérationnel il en était tout autrement des L-5 et des OY. Beaucoup demeurèrent dans la rangs de la toute jeune US Air Force ou encore de l’US Marines Corps. Début 1948 l’US Navy donna quatre OY-1 à l’US Coast Guard qui les utilisa jusqu’en juin 1962. Ils furent utilisés principalement pour des missions de liaisons mais aussi parfois de surveillance des zones de pèches.
Outre les exemplaires fournis au titre du prêt-bail de tels avions furent livrés après guerre aux forces aériennes et/ou aéronavales des pays suivant : Corée du sud, Grèce, Inde, Italie, Pakistan, Philippines, Pologne, Suisse, et Thaïlande.
En 1950 quand la guerre de Corée éclata le Stinson L-5 Sentinel était encore le principal avion de liaisons, d’observation, et de réglage des tirs d’artillerie en service dans l’US Air Force. Aussi ce sont au moins 300 exemplaires qui servirent dans ce conflit jusqu’en 1953. Et là encore ils firent des merveilles même si leur lenteur les rendaient facile à descendre par la DCA et la chasse ennemie, notamment après l’apparition des premiers jets soviétiques comme le Mikoyan-Gurevitch MiG-15. Au moins onze Sentinel en firent les frais, emportant dans la mort leurs équipages. Pourtant jusqu’à la fin du conflit les L-5 volèrent, souvent dans l’ombre des Cessna L-19 Bird Dog et des Piper L-21 Super Cub bien plus récents et modernes.
Ce qui frappe le plus sur ces avions c’est leur longévité. Lorsqu’en septembre 1962 les forces américaines uniformisèrent leurs désignations d’aéronefs près de 150 exemplaires du L-5 Sentinel étaient encore en service dans l’US Air Force dans des tâches de soutien. Ils reçurent la désignation de Stinson U-19A Sentinel tandis que la vingtaine de L-5G devint U-19B.
Leurs missions principales étaient le remorquage de planeurs et de cibles volantes ou encore les classiques liaisons et le vaguemestre. Ils furent finalement retirés du service actif en 1969… sans pour autant participer à la guerre du Vietnam.
Paradoxalement moins connu que ses contemporains appelés Grasshopper le Stinson L-5 Sentinel fut pourtant un des meilleurs avions de liaisons et d’observation de son temps. En 2019 près de 300 exemplaires étaient préservés dont les deux tiers en état de vol, principalement en Amérique du nord et en Europe.
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