Nation mineure de la construction aéronautique la Yougoslavie se lança pourtant après guerre dans une série de développements d’aéronefs militaires avec plus ou moins de succès. Parmi les projets portés par les ingénieurs de sa société publique Soko figurait un surprenant monomoteur léger d’attaque au sol et d’appui aérien rapproché, le J-20 Kraguj.
C’est à la fin des années 1950 que les responsables de Soko se lancèrent dans l’étude et le développement d’un nouvel avion d’appui aérien tactique. Le cahier des charges de la force aérienne yougoslave prévoyait qu’il puisse en outre remplir des missions de lutte anti-guérilla et de reconnaissance à vue. Le programme prit la désignation de Soko P2.
La position politique particulière de Josip Tito, le président yougoslave, marxiste mais non-aligné sur l’Union Soviétique faisait que la pays commerçait aisément avec l’Occident et notamment avec les entreprises américaines. C’est ainsi qu’un accord fut passé en 1960 entre Soko et le motoriste Lycoming pour la fourniture de moteurs de six cylindres à plats O-480 d’une puissance de 340 chevaux. Ce moteur était alors connu pour équiper le monomoteur utilitaire allemand Dornier Do-27.
Quatre autres entreprises américains furent contactés pour la fournitures d’équipements divers, et notamment au niveau de l’avionique. Bien que très simple celle ci était assez complète pour un avion de ce type. Les ingénieurs yougoslaves envisagèrent un temps d’équiper le P2 d’un siège éjectable, avant finalement de se rétracter. Cet équipement aurait générer un surpoids excessif à l’avion, et aurait fait flamber ses coûts de revient. Finalement le prototype du Soko P2 fut assemblé à la fin de l’été 1962.
Le Soko P2 se présentait sous la forme d’un monoplan à aile basse cantilever construit en métal et alliages légers. Son moteur Lycoming O-480-B1A d’une puissance de 340 chevaux entraînait une hélice tripale en métal. L’avion était doté d’un train d’atterrissage classique fixe dont les roues pouvaient recevoir des jambes carénées. Ses ailes disposaient de volets spéciaux lui octroyant de bonnes qualités pour les décollages et atterrissages sur courtes distances. Son pilote prenait place dans un cockpit monoplace disposant d’une verrière à goutte d’eau apportant un champ de vision correct.
Niveau armement le Soko P2 disposait de deux mitrailleuses de calibre 7.7mm dans les ailes et d’une capacité d’emport pour 350kg de charges externes sur six points d’ancrage. Ses armes externes principales étaient alors des paniers à roquettes et des bombes lisses. C’est dans cette configuration que ce prototype réalisa son premier vol le 21 novembre 1962.
Immédiatement le pouvoir central yougoslave passa commande pour 85 exemplaires de série connus sous désignation de Soko J-20 Kraguj. Ces avions, entrés en service au début de l’année 1968, étaient destinés initialement aux opérations à l’intérieur du pays, mais furent également engagés pour surveiller les frontières sud du pays, face notamment à l’aviation albanaise, demeurée elle fidèle à Moscou. A cette époque les Yougoslaves les surnommèrent « avions des Partisans », en référence à la résistance yougoslave contre les nazis durant la Seconde Guerre mondiale.
Généralement les J-20 Kraguj volaient avec des roquettes de 57mm de fabrication soviétiques, des armes généralement emportées par les hélicoptères Mil Mi-4 et Mi-24 fournis par Moscou à ses alliés. Il est intéressant de savoir que les mitrailleuses d’aile des Kraguj étaient compatibles avec les munitions fabriqués aux États-Unis par Browning et vendus discrètement à l’armée yougoslave.
À partir de 1982 les J-20 Kraguj commencèrent à laisser la place en première ligne aux SA-341H Partizan équipés de missiles antichars et de pods mitrailleuses. Ces Gazelle, fabriqués sous licence par Soko, prirent finalement définitivement la place des Kraguj en 1989, année de leur retrait officielle de l’aviation yougoslave.
Cependant l’éclatement de la Yougoslavie en 1990 donna un second souffle aux Kraguj dont beaucoup avaient été stocké. L’aviation croate fut la première a réintégrer l’avion dans ses rangs dès le début de l’année 1992. Ses J-20 volaient pour des missions de lutte anti-guérilla et de reconnaissance à vue diurne. La Croatie les conserva jusqu’en 1996, les remplaçant par des Mil Mi-24D. La république serbe de Bosnie tenta d’en faire autant mais ses J-20 ne demeurèrent en service que pendant quelques mois, les avions de chasse de l’OTAN faisaient peser une trop lourde menace ses les pilotes.
Finalement, le Soko J-20 Kraguj eut une carrière en dent de scie qui ne correspond pas forcément avec les bonnes qualités intrinsèques de cet avion, certes un peu anachronique face aux hélicoptères qui lui étaient contemporains. Cependant il faut signaler qu’en 2014 quelques uns volaient encore, pour le plus grand bonheur de collectionneurs américains et européens qui appréciaient sa stabilité à basse altitude et ses virages serrés. Le Kraguj n’a jamais été exporté.
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