L’année 1954 est un tournant dans l’histoire française. Avec la chute de Dien Bien Phu, en mai, et la signature des accords de Genève, en juillet, la période coloniale française en Afrique et en Asie touche à sa fin. Mais en novembre 1954, des insurrections marquent le début nouveau conflit qui s’appelera bientôt « Guerre d’Algérie ».
Les programmes aéronautiques depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale étaient principalement des appareils destinés à étudier la propulsion à réaction et à répondre à une guerre en Europe. Ayant appris des erreurs à Madagascar et en Indochine, l’état-major soumet au Service technique de l’aéronautique (STAé) et aux industriels français, en août 1955, les spécifications pour un appareil lourdement armé dit «d’appui d’Outre-mer». La fiche programme prévoit un bimoteur bi ou triplace, d’environ 4,8 tonnes, capable de dépasser 220 km/h en vitesse de croisière. Il doit être capable de franchir 2000 km en mission de convoyage et de voler pendant cinq heures en mission d’observation. Le projet insiste aussi sur les capacités ADAC avec une distance de décollage très courte (300 m) sur terrain sommaire.
Début 1956, six constructeurs présentent dans un premier temps des projets : SIPA, Nord-Aviation, Latécoère, Potez, Fouga et la SNCASE. Parmi ces intentions, deux appareils sont préalablement retenus : le SIPA 100 et le SE.116. D’autres propositions émanant de grands constructeurs sont déposées ensuite. Il s’agit des appareils : Morane-Saulnier MS-1600, Dassault MS 315 B, SNCASO SO- 7100 « Dogue » et Breguet 1060.
Dès la fin 1955, le bureau d’études de l’ex-société Aérosudest, désigné alors SNCASE après la démolition de l’usine d’Argenteuil, dessine les plans du SE.116, baptisé « Voltigeur ». L’équipe de Marignane dirigé par Jean Poitou, chef du projet, propose un élégant bimoteur à deux turbopropulseurs Turboméca Bastan. Deux prototypes sont commandés le 11 juin 1956, l’un avec les propulseurs français, l’autre avec des moteurs Wright américains.
Le premier prototype, SE.116-01, équipé des moteurs Wright réalise son vol inaugural à Marignane le 5 juin 1958. Le second prototype, avec les turbopropulseurs «Bastan » et toujours piloté par Roger Carpentier, s’envole pour la première fois le 15 décembre 1958. L’avion remporte le contrat après une démonstration brillante réalisé en présence du général Jouhaud, alors chef d’état-major de l’Armée de l’Air. Malheureusement, trois semaines après cette présentation en vol, en janvier 1959, le prototype n° 02 du SE.116 Voltigeur se disloque en vol, au cours d’un vol d’essais. L’appareil s’écrase à Eyguières tuant tous les membres d’équipage.
Mais dès la fin de 1958, le programme subit de nouvelles modifications pour élargir les capacités de cet appareil de lutte antiguérilla. Le Voltigeur au-delà de l’appui tactique et l’appui feu se voit attribuer des missions de renseignement, d’observation, de PC Volant. Il doit devenir également un avion de transport et de sauvetage incluant le transport de quatre hommes plus une civière. Les missions secondaires attribuées concernent la liaison, ainsi que l’école de pilotage et de navigation.
La SNCASE réalisa un troisième bimoteur de « police coloniale » en 1959. L’avion, baptisé SE.117, est toujours un biturbopropulseur à aile semi-basse cantilever, disposant de volets hypersustentateurs (à fente et à recul) et d’ailerons à déflecteurs. Le fuselage du Voltigeur comporte à l’avant un nez vitré avec un habitacle offrant une grande visibilité. L’atterrisseur tricycle est composé d’un train principal à large voie et de diabolos. Enfin, les turbopropulseurs Turboméca Bastan de 760 ch. entrainent des hélices à pas variables. L’armement prévu comporte deux canons de 30mm et des charges extérieurs en 6 points de l’intrados de l’aile. Le SE.117 effectue son premier vol le 21 janvier 1960.
A l’époque, Dassault travaille sur le même type de programme que le Voltigeur, mais avec deux modèles assez similaires : le MD 415 Communauté qui vole le 10 mai 1959 et le MD 410 Spirale qui vole le 8 avril 1960. Si la mission principale du Communauté est la liaison, le Spirale était un avion répondant au programme d’appui-feu outre-mer et de liaison. Ces deux modèles sont presque siamois, car le premier est un appareil de liaison pouvant servir à l’appui feu, le second est un appareil tactique pouvant opérer pour la liaison.
Dans un souci d’efficacité et d’économie, Dassault et Sud-Est décident d’unir leurs efforts pour produire un appareil en commun. Mais au second semestre de 1960, tout le programme est définitivement abandonné. A la fois parce que les colonies sont toutes ou presque en voie d’émancipation, mais surtout parce que la politique du général de Gaulle n’est plus aux interventions armées en Algérie mais à son indépendance.
La firme SNCASE tentera de trouver des débouchés sur le marché civil. Une étude d’appareil de transport rapide, désigné SE-118 « Diplomate » ne débouchera sur aucun réalisation de prototype.
Si le SE.116/117 Voltigeur est un échec pour Sud-Est, la firme peut se consoler car tous les autres appareils du même type et de la même époque, comme le SIPA S-1100 et le Potez 75, connaîtront le même sort.
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