Dans l’histoire militaire française, la guerre d’Algérie tient une place à part. La France déploya des moyens militaires très conséquents durant les huit années que dura le conflit, y compris des avions et des hélicoptères. Parmi les aéronefs qui marquèrent cette époque on trouve un petit monomoteur d’observation dérivé d’un avion de tourisme qui su pleinement remplir les tâches qui lui étaient dévolues : le SNCAC NC.856 Norvigie.
C’est fin 1946 que la Société Nationale de Construction Aéronautique du Centre décida de développer un avion de tourisme afin de satisfaire une demande croissante de la part des aéroclubs français. Désigné NC.850 le nouvel avion ne dépassa pas le stade du prototype même s’il annonçait l’avenir d’une famille particulièrement réussie.Sa recette était simple : faire appel à une construction entièrement métallique, disposer d’une aile haute et d’un train fixe classique, et posséder un cockpit biplace côte à côte largement vitré.
La SNCAC en dériva plusieurs sous-versions : le NC.851 construit à neuf exemplaires, le NC.852 assemblé à seulement deux exemplaires, le NC.853 construit à 92 exemplaires, le NC.854 et ses 47 exemplaires, le NC.855 construit à un unique exemplaire, le NC.856 construit à deux exemplaires, et enfin le NC.859 construit à six exemplaires. A partir du NC.855 les avions étaient des triplaces, le passager prenant place sur un strapontin derrière l’équipage.
Deux exemplaires du NC.854 furent acquis par l’Armée de l’Air sous la désignation de NC.854SA pour des missions de remorquage de planeurs. Ces avions furent utilisés de 1950 à 1963 dans diverses bases françaises d’entraînement. Extérieurement ils ne se différenciaient que par leur cocarde et leurs codes tactiques ajoutés sur une livrée civile.
En septembre 1950 l’état-major français fit savoir à la SNCAC son intention de disposer d’une version militaire du NC.856 destinée à des missions d’observation, de liaisons légères, et même d’évacuation sanitaire. Dans ce dernier cas l’avion devait être capable d’être rapidement transformé afin d’accueillir uniquement son pilote et un blessé allongé sur civière à l’intérieur même de la carlingue. Le nouvel avion reçut la désignation de NC.856A.
Extérieurement il se présentait sous la forme d’un monoplan à aile haute construit intégralement en métal. Sa propulsion était assurée par un moteur à quatre cylindres en ligne SNECMA-Regnier 4LO d’une puissance de 160 chevaux entraînant une hélice bipale en métal. Le SNCAC NC.856A disposait d’un train d’atterrissage classique fixe à large voie. La cabine triplace reprenait celle du NC.856 civil mais disposait de deux sièges passagers amovibles afin de permettre leur démontage au profit de la civière. Largement vitré le cockpit permettait aux observateurs de photographier correctement l’extérieur. L’avion n’était pas prévu pour emporter d’armement. Son prototype réalisa son premier vol le 15 mars 1951.
Le ministère de la défense nationale passa rapidement commande pour cent quinze exemplaires dont cent douze pour l’Aviation Légère de l’Armée de Terre et trois pour l’Armée de l’Air. Le rôle de ces derniers était de rejoindre les deux NC.854SA dans leur rôle de remorqueurs. Les avions de l’ALAT, qui entrèrent en service au milieu de l’année 1953 sous le nom de baptême de Norvigie, étaient eux cependant destinés clairement aux opérations d’active. Initialement pensés pour le front indochinois, ils n’y furent en fait quasiment pas envoyé. Les Cessna L-19 et Piper L-4 réalisaient là-bas le gros des missions d’observation. Seuls trois NC.856A furent convoyés jusqu’en Asie avant que le conflit ne prenne fin en 1954.
Mais déjà il semblait évident dans la tête des généraux français que les NC.856A Norvigie voleraient ailleurs. Et c’est au Maghreb qu’ils allaient se faire les dents. Ces petits monomoteurs furent parmi les premiers avions militaires envoyés de métropole pour tenter de mâter la rébellion algérienne dès Noël 1954.
Le rôle des NC.856A fut d’abord de survoler les zones montagneuses de Kabylie à la recherche des résistants afin d’en aviser les troupes au sol. Ils menaient aussi des missions de liaisons légères au profit des officiers d’état-major de l’Armée de Terre.
Pourtant au fur et à mesure que le conflit s’enlisait les équipages de Norvigie virent leurs missions évoluer. Dès 1956 il n’était pas rare de voir un ou deux de ces avions survoler un secteur avant que celui-ci ne soit livré aux canons terrestres français. Leurs observateurs étaient devenus des spécialistes de la calibration des tirs d’artilleries.
Une autre mission vit le jour en Algérie pour les pilotes et équipages des petits monomoteurs de la SNCAC : observer pour le compte des hélicoptères de combat. Les pilotes de Bell 47 et d’Alouette II étaient guidés par radio par leurs collègues évoluant sur Norvigie. Il faut dire que le petit avion avait une vitesse de croisière comparable à celle des voilures tournantes de l’époque.
Omniprésents en Algérie les SNCAC NC.856A furent tellement efficaces qu’ils réussirent le tour de force d’éclipser les Cessna L-19 dans les missions diurnes, mais aussi nocturnes. Pourtant l’avion français n’était pas sans défaut. On le disait difficile à piloter à basse altitude pour un pilote inexpérimenté, un comble pour avion d’observation de l’ALAT. En outre le confort de ses sièges était réputé plus que contestable ainsi que l’aménagement intérieur du cockpit. Il n’est pas rare que certains pilotes aient « customisé » leurs postes de pilotage afin de les rendre plus ergonomiques.
Le SNCAC NC.856A Norvigie est un des rares avions militaires français à avoir participé à la guerre d’Algérie de son début à sa fin. Quand les appareils furent rapatriés en 1962 il leur restait encore un bon potentiel. Certains furent envoyés en Allemagne de l’Ouest au sein des forces d’occupation mais la majorité demeura en France. Finalement le dernier quitta le service actif en 1965. Ils furent remplacer par un autre avion français, le SCAN N-3400 Norbarbe et par les premiers exemplaires de l’hélicoptère Sud Aviation SA-316B Alouette III.
On aurait pu penser que les NC.856A allaient être promis au piloris mais il n’en fut rien. Beaucoup connurent une seconde vie dans les nombreux aéroclubs français. Si bien qu’en ce début de vingt-et-unième siècle des dizaines d’entre eux volent encore un peu partout dans le monde, faisant la joie des passionnés lors des meetings aériens dans des livrées similaires à ceux que portaient ces avions en Algérie dans les années 1950. Malgré une esthétique plus que douteuse le Norvigie a su en quelques sortes se muer en warbird bon marché et nettement plus économique qu’un chasseur de la Seconde Guerre mondiale.
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