Lorsque le 22 juin 1940 l’Allemagne nazie fait en sorte que la République Français signe l’Armistice dans la clairière de Rethondes elle sait qu’elle met la main sur un des pays les plus industrialisés d’Europe. Les avionneurs allemands vont ainsi mettre à leurs ordres leurs anciens concurrents français désormais devenus leurs subalternes. L’Occupation va devenir une période de vache maigre pour les designers et ingénieurs français obligés de construire les avions de l’ennemi. Parmi tous les constructeurs réquisitionné on retrouve la Société Nationale de Construction Aéronautique du Centre qui va notamment devoir assemblé le petit bimoteur de transport et de servitude Siebel Si 204. Une fois la paix revenue c’est comme dommage de guerre qu’il sera usiné sous la désignation de NC.701 et NC.702 Martinet.
À l’été 1945 l’Armée de l’Air n’est même plus l’ombre de ce qu’elle était six ans plus tôt. Elle repose son maigre arsenal à la fois sur les aéronefs américains et britanniques cédés aux Forces Aériennes Françaises Libres comme le Bell P-39 Airacobra, le Douglas C-47 Skytrain, le North American F-6 Mustang, ou encore le Supermarine Spitfire. Elle compte aussi sur quelques avions pris à l’ennemi mais sur lesquels les pilotes ne veulent pas voler. Il faut donc absolument les franciser. Ça tombe donc bien que la majorité des avionneur ait encore les côtes et plans des appareils en question. La Société Nationale de Construction Aéronautique du Centre va notamment se lancer dans deux programmes très différents : un bimoteur de servitude et un chasseur. Le premier reçoit la désignation de NC.700 et dérive directement du Siebel Si 204 tandis que le second est appelé NC.900 et n’est ni plus ni moins qu’un Focke-Wulf Fw 190.
En fait le prototype du SNCAC NC.700 est juste un Siebel Si 204 de série sur lequel les ingénieurs français ont déposé le moteur allemand à douze cylindres en V Argus As 411 de 590 chevaux aux profit d’un Renault 12S strictement identique. En fait ce dernier est l’As 411 mais construit en France au titre là encore du dommage de guerre. La planche de bord est changée afin que les marquages en allemand laissent la place à des inscriptions en français. Quelques menues modifications sont également apportées comme le changement de radios, de pneumatiques du train d’atterrissage, ou encore de siège dans le poste de pilotage. Extérieurement pourtant le NC.700 demeure un Si.204. Le prototype français réalise son premier vol en octobre 1945. Un mois plus tard trente exemplaires sont livrés à l’Armée de l’Air.
C’est le temps qu’il faut aux ingénieurs et ouvriers pour échanger les équipements trop allemands par des pièces marquées en français. En fait ces machines avaient été produites fin 1944 pour le compte de la Luftwaffe qui n’eut jamais le temps de les prendre en compte. Ils ne furent même pas décapés, les marquages français venant simplement recouvrir ceux d’origine. Seule la tristement célèbre croix gammée eut droit à un effacement en bonne et due forme. Ces premiers avions entrèrent en service comme SNCAC NC.701 Martinet.
En parallèle la Société Nationale de Construction Aéronautique du Centre proposa à l’Armée de l’Air le NC.702. Il se distinguait du NC.701 à nez vitré arrondi par son nez pointu. Il ne s’agissait pourtant là encore que d’une évolution de l’avion allemand. Peu avant Noël 1945 une commande d’état fut officiellement passée pour 350 SNCAC NC.701 et NC.702 Martinet. Celle ci couvrait aussi bien les besoins de l’Armée de l’Air que ceux de la Marine Nationale ou encore du Centre d’Essais en Vol. Si tous les NC.702 furent aménagés comme avions de liaisons et de transport léger pouvant accueillir huit passagers une partie des NC.701 fut livrée en tant qu’avions d’entraînement avancé dédiés à la formation des équipages de multimoteurs. Outre une double commande ils pouvaient embarquer jusqu’à cinq élèves navigateurs à l’arrière.
Extérieurement le SNCAC NC.701 / NC.702 Martinet se présentait sous la forme d’un monoplan à aile basse cantilever construit entièrement en métal. Outre ses deux moteurs Renault 12S de 590 chevaux actionnant chacun une hélice tripale il possédait un empennage double dérive et un train d’atterrissage classique escamotable doté d’une roulette de queue fixe.
C’est en 1946 que la Marine Nationale réceptionna son premier exemplaire. Il s’agissait d’un NC.701 d’entraînement. Sur les quarante-cinq Martinet qui volèrent sous la cocarde au hameçon on retrouvait douze NC.702 de liaisons et d’évacuation sanitaire. Cette dernière mission était le fruit d’une série de modifications réalisées par l’aéronavale elle-même.
Au sein de celle ci ce sont les Escadrilles 1S, 2S, et 11S qui utilisèrent ce bimoteur, principalement de la base de Saint Mandrier près de Toulon.
Dans l’Armée de l’Air le SNCAC NC.701 / NC.702 Martinet était avec l’Amiot AAC-1 Toucan l’avion «allemand» le plus apprécié des équipages. Surtout c’était avec ce trimoteur de transport un des rares à ne pas être ouvertement rejeté par des pilotes souvent issus des rangs de la France Libre. Et il fut employé partout où la France avait besoin de lui : en Indochine entre 1946 et 1954 où il fut utilisé aussi bien comme avion de liaisons que comme ambulance volante, à Madagascar en 1947-1948 où il mena notamment des missions de reconnaissance, et même en Algérie entre 1954 et 1962. À cette dernière occasion des essais furent menés localement afin de doter l’avion de deux mitrailleuses de calibre 7.5 millimètres et de deux paniers à six roquettes, le tout sous voilure. On appelait cela les avions de police. L’utilisation du NC.701 Martinet comme tel fut marginal, ne dépassant pas huit à dix exemplaires seulement. Les North American T-6 Texan et les Sipa S.12 (eux aussi d’origine allemande) furent bien plus efficaces dans ce rôle. Pourtant l’emploi du Martinet permit de défricher le domaine de vol et d’emploi qui allait ensuite donné naissance au Dassault MD.410 Spirale… demeuré sans suite.
Si beaucoup de SNCAC NC.701 / NC.702 Martinet furent ferraillés directement en Algérie au moins six furent offerts à la Force Aérienne du Maroc qui les employa jusqu’au milieu des années 1970, principalement comme avions d’entraînement avancé. Les exemplaires demeurés en France et majoritairement également utilisés comme avions écoles furent retirés du service à la fin de l’année 1964. Parmi les utilisateurs les plus surprenants du NC.702 Martinet on retrouve le fameux GLAM, le Groupe des Liaisons Aériennes Ministérielles qui utilisa ses cinq exemplaires entre 1946 et 1959. Ils permirent d’y remplacer les Avro Anson ainsi que l’unique Amiot Am 358. Ils volèrent longtemps aux côtés des Dassault MD.315 Flamant beaucoup plus avancés.
Une vingtaine de SNCAC NC.702 Martinet reçut une immatriculation civile française, dont douze pour le compte d’Air France qui les utilisa de 1946 à 1952 pour des vols régionaux. Le SGACC, le Secrétariat Général à l’Aviation Civile et Commerciale en reçut également trois. Ces quinze avions faisaient partie de la commande étatique de décembre 1945. Par la suite l’Institut Géographique Nationale reçut des exemplaires de seconde main, aussi bien issu d’Air France que de l’Armée de l’Air. Ils furent employés pour des missions de cartographie aérienne, notamment au-dessus des territoires ultramarins antillais.
Avion essentiel à la compréhension du bazar que représentait l’aviation militaire française de la seconde moitié des années 1940 le SNCAC NC.701 / NC.702 Martinet fut également la machine la plus fortement construite de son avionneur. Aujourd’hui le Conservatoire de l’Air et de l’Espace d’Aquitaine de Bordeaux et le Deutsches Technikmuseum de Berlin préservent de tels avions dans leurs collections. Ils témoignent d’une époque parfois oubliée de notre histoire aéronautique, quand la France, au titre du dommage de guerre produisit pour son compte des avions allemands.
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