Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale l’industrie aéronautique française fit tout pour rattraper le retard dû aux années d’Occupation. Ce fut notamment le cas sur le segment industriel du transport aérien, qu’il soit civil ou militaire. Cette époque fut propice à l’élaboration d’avions quadrimoteurs plus ou moins élaborés à l’image des Breguet Br.763 Provence et Sud-Est SE.2010 Armagnac qui étaient alors des réussites techniques indiscutables. Par opposition quelques modèles ne dépassèrent pas le stade expérimental à l’image du très surprenant avion de transport tactique SNCAC NC.211 Cormoran.
Dès l’été 1945 le gouvernement provisoire de la République Française ordonna la mise en place d’un grand plan visant à redonner à l’Armée de l’Air renaissante sa grandeur passée. Et cela passait forcément aussi par sa capacité de transport aérien militaire. Des instructions furent données aux différents avionneurs, publics et privés, afin qu’ils développent de telles machines. Au sein de la Société Nationale de Construction Aéronautique du Centre on répondit notamment à une fiche-programme visant à doter l’aviation française d’un appareil de transport lourd capable de larguer un minimum de 95 parachutistes ! Le général Alphonse Juin qui dirigeait alors en partie les forces françaises était un fervent défenseur des troupes aéroportées et poussait De Gaulle pour qu’il dote la France d’une telle capacité.
Le programme de la SNCAC fut de ce fait considéré comme prioritaire par la France. Il reçut la désignation de NC.210 et le patronyme de Cormoran.
Esthétiquement c’était un avion très novateur avec son aile haute soutenant quatre moteurs à dix-huit cylindres en étoile SNECMA 18R d’une puissance nominale de 2200 chevaux et sa grande soute double pont. Un nez basculant avait été prévu permettant le chargement de véhicules légers ou de caisses de marchandises. Le NC.210 était de conception entièrement métallique.
Malheureusement tout dans son développement ne se passa pas comme prévu.
En effet la SNECMA fut incapable de fournir en temps et en heures le moteur 18R. De ce fait la SNCAC dut se résoudre à se tourner vers le modèle 14R à quatorze cylindres en étoile d’un puissance unitaire de 1600 chevaux. De ce fait l’avion changea de désignation et devin NC.211 Cormoran. Un prototype et un avion de présérie furent commandé à l’été 1946 ainsi que vingt premiers exemplaires de série. L’Armée de l’Air avait alors chiffré ses besoins à cent soixante machines de ce type.
Les nations alliées de la France, États-Unis et Grande Bretagne en tête, observaient de près ce très ambitieux avion sans trop savoir quoi en penser.
Le premier vol de l’avion, en date du 20 juillet 1948, ne fit que poser plus de question. Cinq membres d’équipages, sous les ordres du pilote d’essais Louis Bertrand, avaient pris places à bord du SNCAC NC.211 Cormoran. L’avion portait une livrée civile. Alors que le décollage et le vol inaugural s’étaient en soit bien passés c’est à l’atterrissage que survint le drame. Le quadrimoteur piqua lors de la phase d’approche et le pilote ne put reprendre le contrôle. Le NC.211 s’écrasa, tuant sur le coup l’ensemble de ses occupants.
Pour autant l’Armée de l’Air décida de poursuivre le développement de l’avion. L’appareil de présérie était alors en phase finale d’assemblage. Disposant d’une livrée militaire et de l’immatriculation civile provisoire F-WFKH il vola à son tour le 9 avril 1949. Si ce vol inaugural se déroula sans encombre le NC.211 Cormoran ne mit pas longtemps à décevoir. L’avion était sous motorisé, dégradant de ce fait sa capacité d’emport autant que son rayon d’action.
Quelques semaines après ce second premier vol du NC.211 Cormoran c’est la Société Nationale de Construction Aéronautique du Centre qui disparut. Absorbée par la Société Nationale de Construction Aéronautique du Nord pour cause d’activité industrielle trop faible elle ne présentait plus de programmes réellement engageants. L’Armée de l’Air s’était peu à peu désengagée de son quadrimoteur de transport tactique au profit des avions conçus par Douglas comme le C-54 Skymaster et le DC-6. À l’instar du bimoteur de transport léger et de tourisme NC.860 le NC.211 était appelé à demeurer au stade expérimental et à ne pas être assemblé par Nord. Seul l’avion de présérie fut livré à l’Armée de l’Air. Les neuf avions alors en phase d’assemblage, à des stades très différents, furent eux démantelés et envoyés à la casse.
Le NC.211 Cormoran livré aux militaires demeura sur la Base Aérienne 107 de Villacoublay en région parisienne. Il y vola très peu, servant surtout de hangar d’appoint pour divers équipements du Centre d’Essais en Vol. Il fut à son tour ferraillé au tout début des années 1970 après avoir passé plus vingt ans exposé aux intempéries.
À bien des égards le SNCAC NC.211 Cormoran a tout de l’avion de transport militaire idéal. Son architecture générale rappelle les actuels Airbus DS A400M Atlas ou Lockheed-Martin C-130J Super Hercules. Pourtant il ne faut pas s’y méprendre c’est bien un avion français de l’après-guerre avec tout ce que cela incombe comme défaut en matière de motorisation ou même de conception pure. Il était tellement en avance sur son temps qu’il fut pensé à une époque où aucun turbopropulseur n’aurait pu y être greffé. La preuve en est que les deux seules alternatives au SNECMA 14R envisagées étaient là encore des moteurs à pistons, des Bristol Hercules britanniques et des Junkers Jumo allemands.
Le NC.211 fut le dernier grand programme ambitieux de la SNCAC.
En savoir plus sur avionslegendaires.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.