Quand en 1939 le monde découvrit l’hélicoptère allemand Flettner Fl 265 beaucoup comprirent que le régime hitlérien avait pris une avance confortable dans le développement de tels voilures tournantes. La Seconde Guerre mondiale allait jouer le rôle d’accélérateur dans ce pays mais aussi aux États-Unis. Par contre elle eut l’effet inverse, en grande partie, en raison de l’occupation, pour la France qui dut mettre entre parenthèse tous ses programmes entre 1940 et 1945. Une fois la paix revenue ils purent reprendre et l’un des plus intéressant était directement issu des travaux de Flettner dans ce domaine : le SNCAC NC.2001 Abeille malheureusement demeuré sans suite.
Après avoir travaillé avant guerre chez Breguet et y avoir développé en 1932 le Gyroplane Laboratoire puis cinq ans plus tard le Gyroplane G.20 l’ingénieur René Dorand se retrouva embauché comme ingénieur en chef pour le compte de la Société Nationale des Constructions Aéronautiques du Centre. Celui qui était le fils du célèbre colonel Émile Dorand, concepteur entre autre de l’avion d’observation Dorand AR, s’était fait une spécialité dans l’étude et le développement des voilures tournantes. Et dès les années 1930 il avait annoncé croire bien plus dans les hélicoptères que dans les autogires, étant alors à contre-courant de la majorité de ses confrères et consœurs.
Quand la SNCAC lui demanda en 1946 de lancer l’étude et le développement d’un hélicoptère dédié aux opérations navales René Dorand décida de s’inspirer à la fois des travaux de l’ingénieur allemand Anton Flettner mais aussi de ceux de son homologue américain William Wallace Kellett. Le Kellett XR-8 développé quelques mois plus tôt pour les besoins de l’US Army Air Force avait démontré à Dorand que l’option du double rotor engrainé était viable, au-delà de l’Allemagne nazie. Et c’est donc cette technologie que l’ingénieur français choisit d’employer. Son prototype NC.2001 reçut le patronyme d’Abeille.
René Dorand avait plusieurs problèmes à régler avant de pouvoir faire voler le SNCAC NC.2001 Abeille. Le premier, et non des moindres, résidait dans le fait qu’aucun hélicoptère à rotors engrenant n’avait jamais été développé en France. Il allait donc défricher un domaine complet. Après avoir envisagé de doter son appareil d’un moteur à huit cylindres en V Potez 8D de 595 chevaux il fut obligé de finalement se tourner vers le Renault 12S à douze cylindres en V d’une puissance de 580 chevaux. Celui ci était en fait l’ancien Argus As 411 allemand, dont la licence de production avait été octroyée à l’entreprise française au titre du dommage de guerre. La direction de la SNCAC décida d’assembler trois prototype, dont un pour les essais statiques.
À cette époque la Marine Nationale était très intéressée par ce modèle et entrevoyait déjà une version navale baptisée NC.2002 Libellule et spécialisée dans la lutte anti-sous-marine et la reconnaissance embarquée.
Le premier NC.2001 Abeille fut assemblé au cours de l’année 1947. Extérieurement il se présentait sous la forme d’un hélicoptère biplace construit intégralement en métal et animé par un moteur Renault 12S de 580 chevaux. Celui-ci entraînait le double rotor engrainant assurant à la fois la sustentation et la propulsion de l’appareil. Un empennage vertical en T de grande taille fut monté afin de stabiliser l’hélicoptère en vue du premier vol. Un vol inaugural qui n’eut malheureusement jamais lieu dans cette configuration le premier prototype étant détruit lors d’un test statique. C’est justement l’empennage qui fut pointé du doigt et Dorand dut revoir sa copie. Le deuxième prototype fut réarrangé afin d’abandonner l’empennage en T au profit d’un empennage double dérive dont les plans verticaux étaient orientés vers le bas. Pour le reste l’hélicoptère demeurait très similaire, conservant son avant largement vitré.
Et le 28 juin 1949 ce deuxième prototype du SNCAC NC.2001 Abeille décolla pour la première fois. Un vol inaugural d’environ une heure qui ne démontra pas de gros défaut tandis que l’équipage d’essais annonça que l’hélicoptère était agréable à piloter, et se posait de manière très douce. René Dorand avait gagné son pari, le premier hélicoptère français à rotors engrenant était une réussite. Cela tombait bien alors que le troisième prototype, celui devant préfiguré le futur NC.2002 Libellule soit alors prêt, déjà dans sa configuration de triplace. Les vols d’essais s’enchaînaient alors qu’en coulisses le sort de l’hélicoptère était scellé : il ne serait jamais produit en série.
En effet alors que la Société Nationale des Constructions Aéronautiques du Centre allait être dissoute au profit de la Société Nationale des Constructions Aéronautiques du Nord et de la Société Nationale des Constructions Aéronautiques du Sud-Ouest sa branche hélicoptère était au centre de toutes les interrogations. La première refusait de poursuivre l’étude du NC.2001 Abeille privilégiant son propre hélicoptère expérimental N.1710 Norélic et la seconde avait laissé le développement des voilures tournantes à sa voisine Société Nationale des Constructions Aéronautiques du Sud-Est.
De ce fait à Noël 1949 le programme du NC.2001 Abeille fut abandonné. De son côté René Dorand avait déjà quitté le navire SNCAC afin de retourner chez Breguet et de travailler sur le programme du très ambitieux G.111 malheureusement resté lui aussi sans suite.
Ainsi se terminait l’aventure du seul et unique hélicoptère français doté d’un double rotor principal engrené. Il ne reste plus rien de cet étonnant aéronef de nos jours.
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