Souvent considéré comme un des pères de l’aviation de tourisme européenne d’après-guerre, le Français Yves Gardan a su développer quelques-uns des meilleurs avions légers de cette époque. Avec la société CAB (pour Constructions Aéronautiques du Béarn) qu’il co-fonda, il conçut et construisit des modèles de référence tels le très réussi GY-20 Minicab. En parallèle, Gardan tenta de se lancer dans l’aviation militaire, avec moins de réussite. Son modèle le plus célèbre est le prototype de reconnaissance et d’appui rapproché SIPA S.1100.
En fait dès 1954, Gardan chercha à développer un avion militaire polyvalent qui reçut la désignation de GY-70. Les ébauches montraient un bimoteur à aile médiane disposant d’un cockpit triplace largement vitré. Sous certains aspects, l’avion ressemblait au Junkers Ju 288 allemand de la Seconde Guerre mondiale. Le projet du GY-70 sembla séduire les généraux français, cependant le ministère de la défense nationale ne faisait aucune confiance aux capacités industrielles de la société CAB.
Gardan prit alors la décision de confier les études et l’usinage du GY-70 à la SIPA. Par le passé, il avait fait parti de son personnel. Celle-ci accepta, et nomma l’ingénieur français à la tête du projet. Le GY-70 devint alors le S.1100. En mai 1956, l’état-major français fit savoir à la SIPA qu’il passait commande pour deux prototypes et huit avions de présérie.
Assez curieusement la chaîne d’assemblage utilisée par la SIPA pour le montage du S.1100 servait également à l’usinage du S.1000 Coccinelle, un biplace de tourisme né également de l’imagination d’Yves Gardan. Malgré de bonnes ventes, et des promesses d’achats de la part de clients britanniques et italiens, l’assemblage de ce dernier fut stoppé sans aucun espoir de reprise. Clairement la SIPA se tournait vers le S.1100 et ses promesses de ventes massives à l’Armée de l’Air.
Il faut dire qu’en 1956 les militaires français participaient activement au « maintien de l’ordre » en Algérie. Cette guerre qui ne portait pas encore son nom nécessitait sans cesse plus de matériels, notamment d’aéronefs. Et l’Armée de l’Air réclamait de nouveaux appareils d’appui aérien tactique capable de prendre le relais des vieux North American T-6 et Republic P-47 datant de la Seconde Guerre mondiale, et souvent à bout de souffle. Le programme du SIPA S.1100 semblait donc promis à un avenir radieux.
Pendant ce temps, les ingénieurs français travaillaient d’arrache-pieds. Il avait été décidé d’armer le S.1100 avec quatre canons Hispano de calibre 20mm et des lances-bombes sous les ailes. Des paniers à roquettes, mais aussi des bidons de napalm (une arme que la France disait alors ne pas utiliser en Algérie) et des bombes incendiaires pouvaient être emportées.
Le premier prototype du SIPA S.1100 réalisa finalement son premier vol le 24 avril 1958, avec près d’un an de retard sur la date espérée par les militaires. A cette époque la guerre d’Algérie battait son plein. Les équipes du Centre d’Essais en Vol de Brétigny-sur-Orge, en région parisienne, prirent le relais des équipes de la SIPA.
Dans le même temps Yves Gardan présenta aux dirigeants de la SIPA et aux officiers français plusieurs avant-projets dérivés du S.1100, dont le S.1100B doté de deux turbopropulseurs Turboméca Bastan en lieu et place des moteurs en étoile. D’autres conservaient la motorisation d’origine mais recevait des missions différentes : le S.1120 de transport léger et de liaisons, et le S.1130 d’appui anti-navire et de patrouille maritime embarqué.
Cependant un accident allait doucher les espoirs d’Yves Gardan. Le 2 juillet 1958 le prototype, aux mains du pilote d’essais Pierre Ponthus s’écrasa lors d’une présentation officielle devant plusieurs généraux et élus français. Le pilote fut tué sur le coup. A la fin de l’été 1958, l’état-major de l’Armée de l’Air décida de stopper le développement du S.1100. Le second prototype venait juste d’être assemblé. Il fut néanmoins acquis par le ministère de la défense nationale, mais ne servit qu’une fois comme cible d’entraînement au tir air-sol.
L’échec cuisant du S.1100 eut comme effet de voir Yves Gardan quitter définitivement les rangs de la SIPA, tandis que ce constructeur était fragilisé politiquement et économiquement. Assez similaire au Potez 75, le SIPA S.1100 ne connut pas un destin si différent. Preuve en est que la formule d’un avion d’appui spécialement conçu pour les besoins de la guerre d’Algérie était un non-sens.
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