Sikorsky XSS

L’entre-deux-guerres vit fleurir un concept d’hydravion qui perdura en partie jusqu’à la Seconde Guerre mondiale avant de disparaitre : les appareils embarqués de reconnaissance.
Ceux-ci revêtaient deux aspects de l’embarquement : soit classiquement sur porte-avions, on parlait alors d’avions amphibies soit catapultés depuis un navire de ligne, commercial ou militaire. Tous les constructeurs ou presque s’y essayèrent, compris l’avionneur américain d’origine russe Igor Sikorsky. Il créa ainsi une machine demeuré à l’état de prototype : le Sikorsky XSS.

C’est au début de l’année 1930 que l’US Navy écrivit un cahier des charges relatif à un aéronef d’observation pouvant opérer sur les porte-avions USS Langley et USS Lexington. La mention avion ou amphibie n’étant pas spécifiée quatre avionneurs se lancèrent dans le programme : Bellanca, Curtiss, Great Lakes, et Lœning. Les deux premiers proposèrent respectivement les XSE et XS3C qui étaient des avions terrestres navalisés et les deux suivant les XSG et XSL. Il s’agissait d’amphibie à coque. Le plus abouti des quatre était le Curtiss XS3C puisque découlant directement de l’O2C Helldiver.
Au printemps 1932 alors que les quatre prototypes avaient déjà volé le cahier des charges fut fortement amendé par l’US Department of Navy. Les aéronefs devaient désormais pouvoir être catapultés depuis des croiseurs ou des cuirassés. Les chances des Curtiss XS3S et Bellanca XSE étaient désormais nulles : il allait forcément falloir des machines pouvant amerrir afin d’être reprises en mer après leur mission.
Surtout le cahier des charges ouvrait la possibilité à de nouveaux constructeurs.

Si les Great Lakes XSG et Lœning XSL restaient dans la compétition ils allaient devoir affronter un petit nouveau : le Sikorsky XSS. Celui-ci respectait à la lettre les recommandations de l’aéronavale américaine : hydravion à coque à capacité amphibie, monoplan ou biplan, monomoteur à hélice tractive, doté d’une mitrailleuse mobile arrière pour l’autodéfense.
Afin de garantir le succès pour son aéronef Igor Sikorsky ne supervisa pas sa conception, la déléguant à l’ingénieur en chef Earl Kleinhans. Le patron de l’entreprise se savait sous surveillance de la police fédérale américaine et pensait qu’un ingénieur américain né aux États-Unis rassurerait l’US Department of War.

Pour motoriser son Sikorsky XSS l’ingénieur Kleinhans fit appel à un moteur à neuf cylindres en étoile Pratt & Whitney R-985A Wasp Junior d’une puissance de 300 chevaux. À peine le montage de l’amphibie était t-il lancé avec la réception du dit moteur que le cahier des charges fut de nouveau modifié. Il exigeait désormais un Pratt & Whitney R-1340 Wasp lui aussi à neuf cylindres en étoile mais d’une puissance de 550 chevaux. Il fallut totalement reconstruire l’amphibie.
Le premier exemplaire reçut donc la désignation de Sikorsky XSS-1 et le second de XSS-2.

Extérieurement les deux machines semblaient quasi identiques, à la différence donc du moteur. En fait le XSS-1 ne servit que pour les essais statiques tandis que le XSS-2 fut celui qui réalisa tous les essais en vol et sur plans d’eau. Le XSS-1 ne reçut d’ailleurs jamais d’armement.
Le Sikorsky XSS se présentait donc sous la forme d’un amphibie monomoteur doté d’un Pratt & Whitney R-1340 Wasp à neuf cylindres en étoile totalement capoté et installé au-dessus d’une aile en mouette. Celle-ci était repliable le long du fuselage, facilitant ainsi l’entreposage du XSS à bord des porte-avions. Sa coque à double redan abritait le train d’atterrissage tricycle escamotable se terminant par une roulette de queue orientable. Une crosse d’appontage navalisait l’appareil. Deux flotteurs annexes étaient installées sous l’aile et facilitaient les opérations en mer. Les deux membres d’équipage prenaient place dans un poste de pilotage biplace en tandem.

Le Sikorsky XSS-2 débuta ses essais à la mer en mars 1933 sur la base navale de Norfolk. Ils se déroulèrent durant tout le mois d’avril et une partie du mois de mai. Enfin le 22 mai 1933 l’équipage d’essais lança les moteurs et l’amphibie déjaugea pour la première fois. Ce vol inaugural dura une cinquantaine de minutes avant. L’amerrissage se déroula sans accroc.
Après deux jours de nettoyage intensif, afin d’éviter la corrosion, le XSS-2 réalisa son «second premier vol», depuis le plancher des vaches cette fois. Un fort vent de travers lors de l’atterrissage sur la base d’Anacostia faillit détruire le prototype.
Au mois de juin 1933 alors que les essais allaient bon train l’US Navy annonça que le Sikorsky XSS avait remporté la compétition.

Pourtant elle se ravisa quelques semaines plus tard. La campagne d’essais avait démontré que l’appareil était dangereux dans les manœuvres du quotidien comme l’arrimage de l’hydravion à un quai ou à un navire, en raison de la présence de l’hélice à proximité immédiate des points d’ancrage ou encore de l’exiguïté du poste du mitrailleur et son impossibilité à s’en extraire en urgence en cas d’amerrissage d’urgence.
À la mi-juillet 1933 l’US Navy dut renoncer à disposer d’un hydravion embarqué de reconnaissance à vue.

Le Sikorsky XSS-2 vola encore quelques mois pour le compte de l’avionneur, dans le cadre du développement d’autres amphibies et hydravions. Le XSS-1 fut lui démonté et envoyé à la casse. Fait intéressant il s’agit du seul aéronef Sikorsky pour lequel on ne connaisse aucune désignation constructeur, celle commençant pas un « S » et disposant ensuite d’un nombre à un ou deux chiffres. Un peu comme si dès le départ l’industriel avait voulu oublier cet étrange oiseau marin.