Le nom d’Igor Sikorsky reste intimement lié à l’aventure des voilures tournantes et à leur industrialisation au travers de machines restées historiques comme les R-4 et R-5 ou encore le SH-3 Sea King. Pour autant il vaut mieux éviter de rayer d’un trait de plume ses réalisations antérieures, qu’il s’agisse de ses avions ou de ses hydravions. Si tous n’ont pas donné naissance à des machines d’exception plusieurs d’entre elles ont eu au moins le mérite de structurer l’entreprise qui allait ensuite devenir l’hélicoptériste que l’on connait aujourd’hui. Parmi ces appareils passablement oubliés on retrouve un étonnant hydravion patrouilleur demeuré à l’été de prototype : le Sikorsky XP2S.
Au début des années 1930 la société Sikorsky n’était pas une inconnue pour l‘US Navy. Elle lui avait déjà fourni les RS Air Yacht, des appareils amphibies de transport d’état-major et de recherches & sauvetages en mer. Aussi la surprise ne fut pas si grande quand celle-ci lui demanda de plancher sur un hydravion de patrouille maritime destiné à servir depuis les bases métropolitaines. Sikorsky n’avait alors aucune expérience en la matière et ses ingénieurs se contentèrent dans un premier temps d’étudier ce qui se faisait à l’époque ailleurs, aussi bien aux États-Unis qu’en Europe.
La patrouille maritime américaine reposait alors principalement sur des biplans bimoteurs à coque Naval Aircraft Factory PN et sur leurs dérivés produits par Douglas, Keystone, et Martin. L’étonnant Douglas P2D à flotteurs, développé à partir d’un bombardier torpilleur, avait lui aussi fait son apparition quelques temps plus tôt. En fait c’est pour lui que l’US Navy voulait que Sikorsky développe un remplaçant.
Le programme reçut la désignation officielle XP2S, indiquant ainsi qu’il s’agissait du deuxième aéronef Sikorsky de patrouille mais que celui-ci était encore expérimental.
Les ingénieurs de l’entreprise se mirent à l’œuvre autour d’un concept d’hydravion à coque biplan doté de deux moteurs Pratt & Whitney R-1340 Wasp d’une puissance unitaire de 450 chevaux. Montés en tandem selon la technique du push-pull le premier entraînait une hélice tractive et le second une hélice propulsive. Pour le reste le XP2S était très académique avec sa coque à simple redan, sa construction mixte en bois, contreplaqué, et métal, et son armement défensif et offensif des plus classiques. Deux mitrailleuses Lewis de 7.62 millimètres de calibre étaient installées sur affûts mobiles, l’une dans le nez et la seconde derrière le pilote. Une charge de bombes légères et de grenades anti-sous-marine pouvant atteindre 450 kilogrammes pouvait être emportée sous voilure.
C’est dans cette configuration, sous le serial militaire A8642, que ce prototype réalisa son premier vol le 16 juin 1932.
Très vite pourtant pilotes, ingénieurs d’essais, et spécialistes de l’US Navy déchantèrent. Le Sikorsky XP2S n’avait rien d’extraordinaire, et pire son rayon d’action était moindre que celle de l’appareil qu’il devait remplacer. Les vibrations lors des phases de déjaugeage donnaient même lieu à des malaises pour les marins se trouvant à bord, en position de mitrailleurs. C’est pourquoi au début de l’année 1933 l’aéronavale américaine décida de ne pas poursuivre les essais de cet hydravion à coque.
Quelques jours plus tard Igor Sikorsky eut l’idée de désarmer son XP2S et de le proposer à l’US Coast Guard pour des missions de surveillance côtières et de recherches & sauvetages en mer.
Celle-ci accepta de tester le Sikorsky XP2S configuré sans arme mais dut à son tour se rendre à l’évidence : l’appareil n’était pas adapté. D’autant qu’à la même époque l’US Coast Guard avait jeté son dévolu sur une machine beaucoup plus proche de ses besoins sous la forme du General Aviation PJ Flying Lifeboat. De ce fait le XP2S fut une fois encore rejeté, définitivement ce coup ci. L’hydravion expérimental fut envoyé à la ferraille.
Aujourd’hui passable retombé dans l’oubli le Sikorsky XP2S fut, comme quelques mois plus tard le XSS, une des nombreuses tentatives du constructeur pour satisfaire aux exigences de l’US Navy. Il faut savoir que quelques rares publications le présentent encore comme un amphibie en raison d’un train classique largable après décollage dont il fut doté pour des essais. Celles-ci sont dans le faux puisque de l’avis même de ses concepteurs le XP2S n’était pas amphibie mais bien un pur hydravion à coque. Il n’était pas du tout prévu pour opérer depuis le plancher des vaches.
Il ne reste de nos jours plus rien de cette machine.
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