Pour bien des passionnés d’aviation autant que pour nombre d’historiens le jet fut la grande révolution technologique de la Seconde Guerre mondiale. C’est vrai et faux à la fois. Car en matière de vol l’adaptation de l’hélicoptère aux missions du quotidien fut elle aussi un tournant. Désormais ces machines n’étaient plus uniquement de frêles appareils ayant du mal à décoller à atterrissant lourdement. La guerre du Pacifique notamment leur avait donné un cap grâce aux productions de Sikorsky. Aussi ce constructeur avait le vent en poupe une fois la paix revenue et sut en tirer partie en concevant des voilures tournantes toutes plus efficaces les unes que les autres. Cependant comme la plus part des industriels il connut aussi ses ratés dont l’un des principaux à cette époque fut le Sikorsky XHJS.
Au printemps 1945 alors que la Seconde Guerre mondiale se continuait partout sur le globe des experts américains se réunirent pour envisager l’avenir des hélicoptères au sein de l’US Navy. Ils posèrent alors les bases idéologiques de leur doctrine d’emploi. Entraînement, lutte anti-sous-marine, reconnaissance et observation, sauvetage en mer, ou encore soutien logistique : tout y passait. Et chaque fois des profils de futurs appareils émergeaient. Aussi quand quelques mois plus tard des cahiers des charges précis furent présentés les constructeurs américains ne furent pas pris au dépourvu. L’un d’entre eux concernait en effet un appareil dédié aux liaisons aériennes et au transport de petits colis en cabine ou de charge plus importante sous élingue.
Alors que le programme prévoyait l’acquisition de plus de 300 exemplaires la paix revint : l’Amérique avait employé l’arme atomique à Hiroshima et à Nagasaki. Le Japon avait capitulé. Les crédits militaires commençaient déjà à fondre comme neige au soleil. Pourtant l’US Department of War fit le choix de ne pas trop toucher aux cahiers des charges des hélicoptères de l’US Navy. Aussi le nombre de futurs hélicoptères utilitaires ne fut « que » divisé par deux. Le mal était pourtant fait et bien peu d’industriels se lancèrent dans l’aventure. Le Navy Yard reçut cinq avant-projets mais n’en retînt que deux : le Piasecki PV-14 et le Sikorsky S-53.
Les deux machines étaient alors diamétralement opposées. Quand Piasecki avait fait le choix (qui devint d’ailleurs par la suite sa marque de fabrique) du birotor en tandem Sikorsky s’était réfugié dans ce qu’il savait faire, à savoir un rotor principal tripale et un rotor anticouple bipale. D’ailleurs avec son train tricycle fixe et sa poutre de queue s’affinant à l’extrémité le S-53 ne pouvait nier sa proximité avec le S-51, alias R-5 pour l’US Army Air Force et HO2S pour l’US Navy. C’était normal, l’appareil en dérivait directement.
Afin de motoriser son nouvel hélicoptère Sikorsky fit appel au Continental R-975-34, un neuf cylindres en étoile directement dérivé du célèbre Wright R-975 Whirlwind. L’ironie de l’Histoire voulut que le Piasecki PV-14 tourne lui autour d’un Continental R-975-46 à peine plus évolué. Pour le reste le S-53 était des plus académiques avec sa cabine capable d’accueillir un pilote et trois passagers, lesquels pouvait laisser la place à 250 kilogrammes de fret léger, à condition de déposer les sièges arrières.
Ayant reçu la désignation officielle de Sikorsky XHJS le premier prototype réalisa son vol inaugural le 22 septembre 1947. De son côté le Piasecki PV-14 n’avait même pas encore fini d’être assemblé, ses ingénieurs se heurtant à différentes difficultés en matière d’avionique. Beaucoup pensaient alors qu’il en était fini de la compétition et que le XHJS l’avait remportée haut la main. Pourtant les amiraux américains ne voyaient pas la chose ainsi. Pendant que l’hélicoptère de Sikorsky poursuivait ses essais en vol et que le second prototype était assemblé les techniciens de chez Piasecki redoublaient d’effort.
À l’emploi sur son second prototype justement le XHJS se révéla rapidement décevant sur la partie de transport sous élingue. La charge peinait à atteindre 300 kilogrammes alors que l’US Navy en demandait près du double, soit 550 kilogrammes. Des essais à la mer eurent lieu en juin 1948, soit deux mois après le premier vol du Piasecki PV-14. Cette fois le XHJS fut remarqué, grâce à sa capacité à se poser sans difficulté sur un croiseur par mauvaise mer.
Malheureusement pour lui l’appareil ne soutenait nullement la comparaison avec son concurrent qui cumulait pour lui de répondre favorablement à toutes les demandes de l’US Navy, y compris en matière de transport sous élingue. Surtout Piasecki avait ajouté un pilote automatique, un équipement alors inconnu sur hélicoptère. De ce fait il remporta le marché et son PV-14 fut commandé en série sous la désignation HJP, devenu quelques semaines plus tard le HUP Retriever. De son côté Sikorsky ne s’avoua pas totalement vaincu. Si le XHJS avait échoué à devenir un hélicoptère utilitaire embarqué il pourrait parfaitement être envisagé comme machine d’entraînement en remplacement des HNS-1 alors en dotation.
Il fut proposé sous la désignation de XHN2S mais ne fut jamais essayé en vol dans cette configuration, l’US Navy ne cherchant alors pas de nouvel hélicoptère école. Ironiquement quelques mois plus tard un cahier des charges de ce genre allait donner naissance aux Bell HTL Sea Sioux et Hiller HTE Raven. Deux modèles d’appareils bien plus adaptés à l’entraînement de base et à l’instruction intermédiaire que ce pataud de Sikorsky S-53.
Les deux prototypes furent finalement employés quelques mois par leur constructeur comme appareils de servitude et de soutien aux essais en vol. Début 1950 ils furent envoyés à la casse. Ainsi se terminait la courte aventure du Sikorsky XHJS, un appareil qui avait dû son échec à la frilosité de ses concepteurs en matière d’innovation plutôt qu’à de réels défauts.
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