A partir de 1958, l’US Army rechercha un hélicoptère de transport lourd susceptible de venir remplacer les CH-37 Mojave de transport sous élingue et d’assaut. Si cette seconde mission ne posait pas un problème trop lourd aux responsables de l’état-major américain, la première semblait beaucoup plus proche de l’insolvable. En effet, il apparaissait de plus en plus évident que le nouvel hélicoptère devrait être capable non seulement de transporter des charges dépassant les dix tonnes, mais surtout dont le gabarit interdisait le transport par des avions de transport classique, tels les Lockheed C-130 ou Douglas C-133. C’est alors que le Pentagone reçu l’aide de la CIA, dont les unités de renseignement avaient découvert en URSS la mise au point d’un nouvel hélicoptère similaire mais civil. L’Aeroflot s’intéressait également au transport hors-norme par hélicoptère. La machine mise au point par les Soviétiques, le Mil Mi-10 Harke, était en fait un dérivé de l’appareil d’assaut Mil Mi-6 Hook.
Ce même principe fut immédiatement mis en œuvre par les équipes de l’hélicoptériste Sikorky qui décidèrent de baser leur nouvel appareil sur des éléments provenant du SH-3 de l’US Navy. En effet, la nouvelle machine conservait le cockpit, certains éléments hydrauliques, ainsi que le train d’atterrissage avant du Sea King. Par ailleurs, l’appareil, désigné S-64 dans la nomenclature constructeur, était authentiquement une machine inédite. Il disposait d’une poutre de queue très longue sur laquelle était monté un arbre de transmission qui reliait le bloc propulseur, constitué de deux turbomoteurs Pratt & Whitney, au rotor anti-couple quadripâle. Le rotor principal disposait quant à lui de six pâles. Le cockpit avait la particularité d’être triplace. Un pilote et son copilote prenaient place de manière classique, tandis que le mécanicien leur tournait le dos, et disposait d’une verrière lui permettant de surveiller les charges transportées soit sous élingue, soit directement accrochés sous la poutre de queue. Afin que cette seconde configuration soit possible, les ingénieurs de Sikorsky avaient eu l’idée d’installer des jambes de train de grande taille qui enserraient totalement les charges transportés. Afin de rationaliser les modes de transport sur le S-64, ces mêmes ingénieurs inventèrent un système de containers appelés Universal Military Containers (UMC) et permettant de charger toutes sortes de marchandises mais également des soldats équipés, grâces à des lignes de sièges amovibles.
Le S-64 effectua son premier vol le 9 mai 1962. Il fut immédiatement commandé à six exemplaires par l’US Army. Cette commande fut assortie de cinq UMC différents qui devaient préfigurer les futures missions du container : transport de troupe pour 84 soldats équipés, transport de charges sur palettes, centre de commandement et de communication, cuisine, bloc chirurgical de campagne. Les essais débouchèrent quelques mois plus tard en janvier 1964 sur la commande de 60 appareils supplémentaires. Ces 66 premiers appareils reçurent la désignation de CH-54A. L’hélicoptère fut baptisé Tarhe du nom iroquois d’un oiseau échassier, certainement eut égard à son allure. Les CH-54A entrèrent rapidement en service au sein du 478th AB. Ce bataillon fut un des premiers à être envoyé au Vietnam.
Les Tarhe du 478th AB participèrent à presque toutes les opérations aéromobiles de ce début de conflit, notamment grâce aux UMC, mais également en transportant sous élingues divers types de charges très particulières : canons, camions, citernes d’eau potables, et même en 1967 un éléphant vivant mais heureusement anesthésié. A cette époque, la résistance du Viêt-Minh s’organisait de plus en plus et recevait de Chine et d’Union Soviétique toujours plus d’armes. Les différents aéronefs américains en firent la dure expérience. Afin d’éviter que des avions « sensibles » ne tombent entre les mains des communistes, l’US Army décida de récupérer sur les lieux de crash le plus possible d’épave d’avions ou d’hélicoptères. Une fois de plus les grues volantes Tarhe furent sollicitées. Néanmoins, le CH-54A semblait encore trop peu puissant pour cette nouvelle mission. Il lui fallait une nouvelle version plus lourdement motorisée.
La question semblait déjà trotter dans la tête des responsables de Sikorsky qui en 1967 travaillèrent sur une version dotée de nouveaux turbomoteurs du même constructeurs mais gagnant 300 chevaux supplémentaires chacun. Le nouvel hélicoptère disposait également d’un train principal renforcé où les roues étaient doublées. Il fut désigné CH-54B. Les premiers arrivèrent en unité au sein du 291st AB en novembre 1969. Parmi les épaves les plus célèbres transportées sous élingue durant la Guerre du Vietnam figurent un De Havilland Canada Caribou de l’US Army, tombé après le largage d’un stick de parachutistes. Le bimoteur fut découpé sur place et transporté par deux Tarhe, le premier se chargeant des ailes, et le second du fuselage. Mais les CH-54B pouvaient également transporter les petites vedettes Patrol Boarder River (PBR) de l’US Navy, voire même dans certains cas des bombes.
Cette dernière possibilité fut utilisé environ une vingtaine de fois avec des armes dites « Daisy Cutter », c’est à dire des bombes de mélange air-carburant, capable de volatiliser toutes choses dans un rayon d’un kilomètre. Ces armes très volumineuses, d’une masse de 4536 kg étaient alors les armes conventionnelles les plus puissantes de l’arsenal de l’US Army. Elles étaient notamment utilisés pour « préparés » le terrain avant l’installation d’un détachement.
Sur la centaine de Tarhe utilisés pendant les hostilités, seuls deux furent perdus, dont un par accident lors d’un atterrissage par mauvais temps. Ces machines furent rapatriées aux Etats-Unis. Dans le courant des années 80, les CH-54 laissèrent la place peu à peu aux CH-47 Chinook et furent définitivement retirés du service en juillet 1993. A cette époque les dernier CH-54B servaient au sein de l’Army National Guard d’Alaska pour des missions de service public. Compte tenu de la météo très particulière de cet état, les Tarhe furent munis de skis amovibles, facilitant ainsi l’utilisation sur neige.
Le CH-54 n’ayant pas été exporté, sa carrière militaire s’arrêta ainsi. Néanmoins le Tarhe connu une nouvelle carrière sous le nom de Skycrane, en tant que machine civile mais également bombardier d’eau. Lors des étés 2005 et 2006, un Skycrane a été loué en France par le département du Var et la Sécurité Civile afin de soulager les vieux Bell UH-1H et Aérospatiale Puma pour lutter contre les terribles feux qui ravageaient la région.
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