Dans l’histoire de l’aviation militaire la guerre du Vietnam tient une place à part. D’abord parce qu’elle fut un conflit total pour les forces aériennes et aéronavales américaines mais aussi parce qu’elle fut l’occasion d’un véritable déploiement massifs d’aéronefs très différents les uns des autres, des plus rustiques aux plus perfectionnés à l’image respectivement du Douglas A-1 Skyraider et du Lockheed YO-3 Quiet Star. Les voilures tournantes n’y firent pas exception et on vit apparaitre des machines spécialement adaptés à ce conflit à l’image de l’étonnant Sikorsky CH-3 Jolly Green Giant adopté par les forces spéciales. Une machine qui un peu plus tard s’illustra comme HH-3 Pelican au sein de l’US Coast Guard.
C’est en 1961 que l’hélicoptériste américain Sikorsky se lança dans le développement d’un appareil dérivé de son HSS-2 Sea King pour des missions de transport de troupe et de recherches-sauvetages à longue distance. Développé sur fonds propres, sans la moindre commande initiale du Pentagone ce nouvel hélicoptère reçut la désignation constructeur de S-61R. Finalement au bout de quelques semaines l’US Navy accepta de passer commande pour un exemplaire de présérie désigné HR3S.
Le nouvel hélicoptère reprenait certains éléments du Sea King mais également un fuselage redessiné et agrandi. Pour autant les attributs amphibies de l’appareil d’origine furent conservés. Mais le programme prit du retard quand au début de l’année 1962 l’US Navy décida de ne pas commander la version HR3S.
Malgré ce revers Sikorsky poursuivit son développement et l’assemblage du prototype commença à la fin de la même année.
Extérieurement le Sikorsky S-61R se présentait sous la forme d’un hélicoptère construit intégralement en métal et bénéficiant d’un train d’atterrissage tricycle escamotable. Le cockpit restait inchangé par rapport au Sea King d’origine ainsi que le groupe propulseur et le rotor principal. La nouvelle cabine avait été pensée pour accueillir trente soldats équipés ou bien douze blessés et six soignants. Un armement défensif de deux mitrailleuses de calibre de 12.7mm pouvait être installé en mode gundoor.
C’est dans cette configuration que le prototype vola pour la première fois le 17 juin 1963.
Et de manière assez surprenante c’est de l’US Air Force que vint la première commande étatique américaine. Un lot de 75 machines fut acquis très rapidement, les premières machines entrant en service fin 1965 sous la désignation de Sikorsky CH-3C Jolly Green Giant. Ils furent immédiatement engagés dans des missions d’infiltration et exfiltration de forces spéciales en Asie du Sud-Est et participèrent à poser les premières pierres de ce que l’on appelle aujourd’hui le C-SAR, pour Combat Search & Rescue ou resco en français.
En parallèle les équipes de Sikorsky travaillaient sur une version à rayon d’action accru. Pour permettre cette allonge les ingénieurs américains eurent l’idée de greffer sur ces hélicoptères une perche de ravitaillement en vol permettant de prélever le carburant sur des Lockheed KC-130B Hercules.
Désigné CH-3E cette version du Jolly Green Giant fut commandée à 86 exemplaires dont 45 étaient en fait d’anciens CH-3C transformés en usine. Mais rapidement l‘US Air Force décida de modifier sa commande : cinquante furent construits comme HH-3E spécifiquement destiné au CSAR, quinze comme MH-3E d’infiltration-exfiltration au profit des forces spéciales américaines, et les autres comme CH-3E beaucoup plus polyvalents.
Il est à noter qu’en 1968 deux de ces hélicoptères furent transformés en VH-3E de soutien aux opérations présidentielles. À la différence des VH-3D Sea King ces hélicoptères ne transportaient jamais le Président des États-Unis ni même son vice-président mais uniquement les équipes de sécurité et les cabinets.
Le 1er juin 1967 le Sikorsky HH-3E Jolly Green Giant entra dans l’histoire en réalisant le premier vol transatlantique sans escale par hélicoptère. La veille deux exemplaires avaient quitté New York et rejoint l’aéroport parisien du Bourget en 30 heures et 46 minutes, moyennant neuf ravitaillement en vol.
Hormis l’US Air Force l’autre grand utilisateur du Sikorsky S-61R fut l’US Coast Guard. Les gardes-côtes américains achetèrent en 1965 une version spécifiquement dédiée aux recherches et sauvetages en mer à longue distance. Naturellement désarmés ces appareils devaient permettre d’augmenter les capacités des coasties notamment lors de tempêtes ou d’ouragan. Les capacités d’amerrissage en cas d’urgence de ce HH-3F Pelican firent leurs preuves dès fin 1969. Outre la fameuse livrée orange et blanche les Pelican se reconnaissaient au premier coup d’œil par leur radar météorologique installé dans le nez et permettant le vol à basse altitude au-dessus des flots.
Dès le début des années 1970 les Sikorsky HH-3F Pelican firent de telles merveilles qu’ils réussirent même à ringardiser les amphibies Grumman HU-16E Albatross utilisés jusque là pour ce type de missions. Ils marquèrent le début du déclin du mythique principe de flying lifeboat.
Ces gros hélicoptères biturbines volèrent jusqu’en 1991. Cette année là ils laissèrent la place au Sikorsky HH-60J Jayhawk, conçus à partir du SH-60 Seahawk spécifiquement pour le compte de l’US Coast Guard !
Si le SH-3 Sea King fut un très grand succès à l’exportation, allant même jusqu’à connaitre une fabrication sous licence britannique par Westland le CH-3 Jolly Green Giant /HH-3 Pelican ne connut qu’un succès limité hors des États-Unis. Et son principal utilisateur fut l’Aeronautica Militare Italiana qui fit voler pendant quarante ans, de 1974 à 2014 un lot de 22 HH-3F Pelican construit sous licence par Agusta comme AS-61R. À la différence des hélicoptères de l’US Coast Guard les appareils italiens étaient armés de deux mitrailleuses d’autodéfense et même parfois d’une Minigun.
Commandés pour des missions de recherches et sauvetages en mer ils furent peu à peu adaptés aux opérations spéciales. Devenus obsolètes au début des années 2010 ils laissèrent alors la place aux AgustaWestland HH-101 Caesar bien plus modernes.
Outre ce pays des Sikorsky S-61R furent achetés par l’Argentine et la Tunisie, seul ce dernier pays en utilisait encore fin 2018 pour des missions militaires.
Il est à noter que quelques exemplaires du Sikorsky S-61R volaient toujours aux États-Unis en 2018 pour des missions privées, notamment la lutte anti-pollution ou encore le combat contre les feux de forêts. Mais cet hélicoptère fut très souvent considéré comme bien plus onéreux à l’usage que le Sea King, d’où un usage civil plus restreint.
Souvent comparé avec l’Aérospatiale SA.321 Super Frelon français dont il est très proche esthétiquement le Sikorsky CH-3 Jolly Green Giant posa les premières bases des opérations spéciales héliportées. Sa conception fut également à l’origine de celle du CH-53A Sea Stallion ! Il reste de nos quelques exemplaires préservés dans des musées aux États-Unis et bien sûr en Italie.
En savoir plus sur avionslegendaires.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.