SIAI-Marchetti SM.102

Héritière à la fois de la société SIAI (pour Società Idrovolanti Alta Italia) spécialisée durant l’entre-deux-guerres d’hydravions et de Savoia-Marchetti connue notamment pour ses trimoteurs comme le mythique SM.79 Sparviero ou encore le puissant SM.81 Pipistrello la société SIAI-Marchetti était un pur produit de l’après-guerre. Son existence même relevait également de la volonté de la république italienne renaissante de tourner la page de l’aéronautique sous l’ère fasciste. Parmi les premières réalisation qu’elle entreprit figurait un surprenant petit bimoteur de liaisons et de transport léger : le SM.102.

C’est en 1946 que les dirigeants de SIAI-Marchetti se lancèrent dans le développement d’un avion de liaisons pouvant également trouver sa place sur le marché du tourisme. Ce dernier connaissait une seconde jeunesse en Europe occidentale. L’idée des ingénieurs italiens était de développer et de produire un avion le plus moderne possible. Malheureusement les réserves financières de l’avionneur étaient limitées. C’est pourquoi ils se tournèrent vers un rustique moteur à neuf cylindres en étoile et non vers un des nouveaux moteurs à plat développés par Lycoming aux États-Unis. Le leur était tchécoslovaque et produit par le motoriste Walter. Désigné Bora ce moteur né dans les années 1930 entraînait une hélice en métal à trois pales. Sa puissance était de 235 chevaux.

Le prototype de ce nouvel avion, désigné SM.101, fut assemblé au cours de l’année 1947. Assemblé en bois, contreplaqué, et métal il n’avait rien de très moderne malgré des efforts autour du train d’atterrissage classique escamotable ou encore de la cabine réputée spacieuse et pouvant accueillir entre six et huit passagers selon la configuration. Le SM.101 vola pour la première fois le 20 décembre 1947. Les essais se déroulèrent sans le moindre accroc les pilotes reconnaissant même dans cet avion un fort potentiel… qui ne se retrouva jamais commercialement. Non seulement l’Aeronautica Militare le boudait mais en plus il ne trouvait aucun débouché sur le marché civil. La mort dans l’âme les dirigeants de SIAI-Marchetti choisirent en juin 1948 de stopper son développement. On crut alors son aventure terminée définitivement.

Trois ingénieurs réussirent pourtant quelques jours plus tard à relancer le programme sous la forme d’un bimoteur. De SM.101 l’avion venait de passer à SM.102. Visant toujours avant tout le marché militaire mais également celui du transport léger civil de seconde zone les ingénieurs choisirent un moteur américain, là encore bon marché : le Ranger SGV-770C-1B à douze cylindres en V. Bien plus connu que le Walter Bora d’origine il avait fait ses preuves durant la Seconde Guerre mondiale sur des avions comme l’hydravion de reconnaissance Curtiss SO3C Seamew ou encore avec le bimoteur d’entraînement avancé Fairchild AT-21 Gunner. Il fallut aussi redessiner le nez de l’avion. La structure même de l’appareil fut modernisée abandonnant les tiges et baguettes de bois pour des tubes d’acier, des feuilles d’aluminium, et des plaques de contreplaqués. Le SM.102 était résolument plus moderne.

Pour autant celui-ci continuait de ressembler à son prédécesseur mais en version bimoteur. Le SIAI-Marchetti SM.102 vola pour la première fois le 24 février 1949. Et là encore il ne souleva aucun intérêt du marché civil. Il en fut tout autrement des militaires. L’Aeronautica Militare accepta de commander vingt exemplaires à la condition expresse que les moteurs Ranger SGV-770C-1B d’origine laissent place à des Pratt & Whitney R-985 Wasp Junior également américains. Avec eux le SM.102 revenait aux origines du SM.101 : le moteur à neuf cylindres en étoile. Développant 450 chevaux chacun les R-985 Wasp Junior n’étaient eux aussi pas des inconnus de l’industrie aéronautique. Ils avaient animé durant la guerre des appareils aussi différents que le Beechcraft C-45 Expeditor, le Grumman JRF Goose, ou encore le Lockheed UC-40 Electra. Excusez du peu ! La seconde demande des militaires italiens était que le SM.102 soit doté d’une double commande.

L’Aeronautica Militare employa ses vingt SIAI-Marchetti SM.102 à partir d’août 1950. Si la plus part fut utilisée pour l’entraînement avancé aux vols sur avions bimoteurs au moins cinq servirent pour des liaisons aériennes à l’intérieur de l’Italie ou bien vers des pays limitrophes alliés comme l’Autriche, la France, et la Suisse. C’est d’ailleurs lors d’un vol de liaisons d’état-major que le SM.102 connut son plus grave accident. Ratant son décollage depuis Milan un pilote termina sa course dans un bosquet d’arbres. Ce 31 juillet 1956 il n’y eut aucun survivant parmi les six militaires à bord. Deux généraux italiens se trouvaient à bord, ils se rendaient à Paris pour une réunion de l’OTAN. L’avion fut mis hors de cause par l’enquête mais le mal était fait : plus jamais un SM.102 ne réaliserait de mission de liaisons en Italie. Pour autant il continuait à servir comme avion d’entraînement avancé sur multimoteurs.

Retiré du service à l’automne 1959 le SIAI-Marchetti SM.102 ne connut pas directement de successeur. En fait la structure même des avions était jugée fatiguée par l’Aeronautica Militare. Pourtant plusieurs exemplaires furent revendus ensuite sur le marché commerciale de seconde main. C’est d’ailleurs sous l’immatriculation civile italienne I-GION que le museo nazionale della scienza e della tecnologia de Milan, aussi connu comme musée Leonard de Vinci, préserve le seul SM.102 connu à ce jour.